mercredi 20 septembre 2017

Lettre au pape

Chère Sainteté, 

Votre dernière lettre à l’occasion de la journée des migrants prévue le 14 janvier 2018, a été publiée dès la fête du 15 août… Une occasion avant la rentrée de revenir sur votre politique en faveur des migrants, une politique que vous n’hésitez pas à tirer des propres paroles de l’Ecriture sainte, en citant dès les premières lignes l’un des cinq premiers livres de la Bible, le Lévitique : « L’immigré qui réside avec vous sera parmi vous comme un compatriote, et tu l’aimeras comme toi-même, car vous-mêmes avez été immigrés au pays d’Égypte. Je suis le Seigneur votre Dieu » (Lv 19, 34). Je crois que l’on peut employer, plutôt que le mot « immigré » qui sent très fort notre ultra-modernité, le mot « étranger ». Toute la Bible insiste sur l’accueil de l’étranger, la civilisation hébraïque est en symbiose sur ce point avec toutes les plus vieilles civilisations de l’humanité, dans lesquelles l’hospitalité est un devoir sacré. 

Il ne vous aura pas échappé néanmoins, qu’il existe une petite nuance entre « hospitalité » et « immigration ». L’hôte ne s’installe pas ; l’immigré si. L’accueil de l’étranger, tel qu’il est recommandé dans la Bible et dans ce passage du Lévitique en particulier, relève du devoir d’hospitalité, qui est sacré. Il ne s’agit pas, pour les juifs de faire de la place aux étrangers dans la Terre promise, sinon sous certaines modalités bien précises et vraiment drastiques, qui sont définies dans la Torah et sur lesquelles nous allons revenir. 

Disons tout de suite que ce qu’on lit dans l’Ancien Testament, c’est exactement l’inverse de l’accueil de l’immigré, c’est plutôt le nettoyage ethnique. Notre gloire nationale, l’abbé Pierre, malgré ou à cause de sa piété réelle, s’en était scandalisé, avouant d’ailleurs n’avoir découvert ces passages de l’Ecriture que tardivement dans sa vie de prêtre. Des exemples ? Yahvé donne l’ordre à Moïse d’exterminer les Madianites au chapitre 31 du livre des Nombres. Madian est une terre au sud de la Mer Morte, les femmes madianites sont coupables d’avoir tenté de séduire les Hébreux, pour les détourner du culte de Yahvé. La vengeance de Yahvé a été terrible : « Les Hébreux tuèrent tous les mâles ». Et Moïse insiste : « Tuez toutes les femmes qui ont connu un homme en partageant sa couche. Ne laissez la vie qu’aux petites filles qui n’ont pas partagé la couche d’un homme et qu’elles soient à vous » (sic). Comme compréhension de l’étranger, avouons qu’on fait mieux. Dans le Deutéronome, cinquième des Livres de la Torah, ce sont les Cananéens qui doivent être exterminés. Moïse l’ordonne. C’est Josué qui passera à l’acte pour conquérir la Terre promise, en exterminant ses anciens habitants, hommes et femmes : « Josué battit tout le pays (…) il ne laissa aucun survivant. Il frappa d’anathème tout ce qui respirait, comme l’avait ordonné le Seigneur, le Dieu d’Israël » (Juges 10, 40). On pourrait continuer cette funèbre énumération… Une chose est sûre : les Hébreux arrivant dans la Terre promise, ne sont pas invités par Yahvé au vivre ensemble, mais à l’extermination.

Quant à l’accueil de l’étranger, dont il est question dans le Lévitique, si l’on va au-delà de la simple hospitalité à l’occasion d’une visite, je crois qu’il faut interpréter les passages « accueillants » à travers cette formule au chapitre 12 du Livre de l’Exode : « Si un étranger en résidence chez toi veut faire la Pâque pour Yahvé, tous les mâles de sa maison devront être circoncis, il sera alors admis à le faire, il sera comme un citoyen du pays. Mais aucun incirconcis ne sera admis à le faire ; la loi sera la même pour le citoyen et pour l’étranger en résidence chez vous… » (12, 48). Nous tenons là le sens réel du passage cité par vous, sainteté : les étrangers en Israël seront traités comme les souchiens, du moment qu’ils se convertissent, s’étant fait circoncire. Loin de respirer la largeur d’esprit et l’accueil de ceux qui n’ont pas la même culture, ces vieux textes exhortent tous à une assimilation, qui, si elle est impossible doit céder la place à l’extermination.

Ce sont les chrétiens qui ont modifié le message de haine au nom duquel Israël a pris racine en Terre promise. Je citerai un seul texte, antique : la biographie de l’évêque Cyprien, pape de Carthage, mort martyr (exterminé non exterminateur) en 258. C’est son propre diacre Pontien qui écrit et il souligne ce fait qu’il trouve admirable et sans antécédent dans l’histoire : Cyprien au risque de sa vie intervint lors d’une épidémie de peste et plus fort que les saints de l’Ancien Testament souligne Pontien, plus fort que Tobie, il soignait au péril de sa vie non seulement les chrétiens, ses coreligionnaires, mais tous ceux qui en avaient besoin. Albert Camus se souviendra d’ailleurs de cette histoire carthaginoise, lorsqu’il écrira La Peste. C’est le Christ qui ne fait pas acception de personne, pas le Vieux Testament… Ce qui ne signifie pas qu’un chrétien doit accueillir les immigrés pour qu’ils habitent sa terre, en en modifiant l’équilibre culturel, mais qu’il doit secourir celui qui est dans la difficulté, en s’investissant personnellement. De même que l’on ne doit pas confondre l’hospitalité et l’immigrationisme, de même il ne faut pas confondre l’universalisme chrétien respectueux de chaque identité et le mondialisme qui les détruit.

Avec mon respect le plus filial pour votre œuvre si nécessaire de réhabilitation de l’Eglise catholique.

Post scriptum : Après avoir publié ce texte dans Minute, j'ai reçu un courrier, qui, venant d'un hébraïsant donne plus de poids encore à ma critique, me certifiant que le mot "ger" en hébreu signifie à la fois étranger, hôte et converti"

13 commentaires:

  1. J'avoue ma surprise: un prêtre (l'abbé Pierre) qui attend des décennies avant de "découvrir" des passages des Écritures. J'aurais imaginé (dans ma naïveté?) que le séminaire comportait la lecture systématique et commentée des livres sacrés... et qui plus est: recommencée chaque année.

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  2. à cette époque, je ne sais pas maintenant, les prêtres étaient bien plus mal lotis que les pasteurs qui devaient devenir docteurs en théologie pour être désignés pasteurs. C'est pour cela que je n'ai pas été surpris mais affligé!

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  3. Guillaume de Tanouarn est un remarquable intellectuel , il a la "capabilité " de conceptualiser écrire et diffuser la controverse comme Guillaume de Saint Thierry , Abélard ou Ambroise . Ce court démarrage en controverse est interessant , il faut préparer un essai analytique qui critique la lettre du pape de la première à la dernière ligne . Cet essai doit être diffusé selon un canal classique édition ou auto édition , et pourquoi ne pas créer les éditions de la nouvelle controverse ? directement diffusée via Amazon ... le blog de Guillaume de Tanouarn . Eviter la presse : commencer par Minute , c'est tuer dans l'oeuf la potentialité de la controverse sur un sujet tabou au Vatican depuis Vatican II la défense de la chrétientée .

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    1. Right on to the POINT comme disent nos cousins et néanmoins amis !
      Càd en plein dans le cible sur le tabou d'un Vatican ( et d'un épiscopat ouest européen.... ) pétrifié , paralysé , terrorisé par la pensée et la simple évocation de la chrétienté qui représente un très grand et très "riche" pan de l'HISTOIRE de l'Eglise . A défaut d'être une voix forte et indépendante dans le monde , la voilà transformée , cette église , en auxiliaire des nouveaux pouvoirs séculiers sous couvert de "séparation" .
      Vatican 2 et ses suites sont indissociables de l'évolution politique de l'Europe

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  4. FAIRE DU NEUF AVEC DU VIEUX

    Cette lettre à 2000 ans de retard plus le temps qu'il a fallu pour l'acheminer de Minute à Metablog.
    Les uns et les autres peuvent retourner aux palinodies habituelles.

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  5. pitoyable lecture littéraliste de la Bible qui fait allégrement l'impasse sur le Christ... et qui conclut en réalité sur le message du Pape tout en s'adressant à lui sur un ton dont la désinvolture insultante écœure et décrédibilise son auteur. Dommage.

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    1. Ben oui... dans l'Ancien Testament, il n'est pas fait mention du Christ... c'est la différence entre l'Ancien et le Nouveau...

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  6. On croit rêver Voilà que le pape "fabuleux" doit se faire rappeler certaines choses.L'abbé de Tanouarn est un électron libre qui va dans tous les sens.Quand cessera-t-il de dire tout et n'importe quoi?Bref,il titube.Je plains ceux qui l'adopteraient comme guide spirituel

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    1. Notre époque fatiguée, n'a plus besoin de guide spirituel ni de guide tout court mais nous avons besoin d'"éveilleurs" et j'aime beaucoup le côté électron libre de l'abbé de Tanouarn. Cela stimule la pensée mais dans certains milieux dits de tradition, l'imprévisibilité dérange. On confond Tradition avec Ordre : en fait on est à l'aise avec le Père et le Fils mais on aimerait bien se passer du Saint Esprit qui fait "désordre", la moindre petite brise "dérange" et surtout bouscule l'ordre des choses.
      Ceci dit, mon abbé préféré a voulu répondre au Pape par le biais des écritures puisque ce dernier s'est appuyé sur le lévitique, pour ne pas rentrer, je suppose, dans les discours "politique" ou "chrétien plan plan" qui ont animé les conversations ces derniers temps. Il s'agit d'une joute intellectuelle, je suppose, en se plaçant sur le plan de "l'adversaire" pour retourner ses arguments : l'abbé va choquer les plan-plan tradis ainsi que les plan-plan "bergogliâtres"...
      Le pape mélange les genres : il répond religieusement à un problème politique comme il lui arrive d'ailleurs de faire l'inverse : parler politique quand on est dans le "religieux". La révolution de ce pape et c'est ce qui choque, à juste titre, c'est qu'il n'établit plus de distinction entre les deux ordres, il passe de l'un à l'autre selon les sujets. Plus rien n'est politique sans devenir pour autant Religieux : les deux ordres du monde se trouvent ainsi déboulonnés pour le plus grand plaisir de l'idéologie dominante. Il ne reste plus que le MONDE......
      "L'électron libre" a dérangé dans ce texte car il nous envoie en pleine face l'Ancien Testament, ce qui est un moyen d'ouvrir une fenêtre pour "contrer" le discours papale (excusez du peu : les bonnes âmes de la sacristie tradi et celles de la sacristie bergolâtre s'étouffent, elles s'accorderaient bien pour une excommunication).

      Il est décidément bien difficile même pour un "électron libre" de se tenir sur une "ligne de crête" avec ce pape, pour cela il faut se tenir sur deux pieds (j'en reviens aux deux ordres) : il n'y a plus d'appui et le risque d'une chute mortelle est grande.
      Voilà le "fabuleux", magicien des stalactites (le chateaubriand du vatican) gratifié d'un "Avec mon respect le plus filial pour votre œuvre si nécessaire de réhabilitation de l’Eglise catholique". Merci pour les prédécesseurs, les saints et les héros : le fabuleux doit-il réhabiliter l'Eglise auprès de Dieu ? ne me dites-pas que vous parliez de nous les gens d'aujourd'hui les plus fâcheux de tous les siècles ? Réhabiliter quelle église, la visible ou l'invisible ?

      Bref, j'attends avec impatience le commentaire sur le livre de Dickès que je ne vois pas paraître.

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  7. Argumenter avec\sur des mots anciens c'est mépriser l'évolution (l'oeuvre du Fils) de l'humanité depuis 2000 ans. C'est insulter l'avenir : 11 milliards d'humains en 2100 sur une planète amochée.

    Le Créateur nous a donné l'intelligence et la raison. Il réclame un développement optimal, harmonieux et logique.
    René Girard, au secours !

    Post scriptum : Les métabloguiens, humbles et modestes, apprécient d'être placés loin derrière les lecteurs de Minute.

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  8. Tout chrétien est un pèlerin en exil dans ce monde, animé par l'espérance de la vie future. Les valeurs dénotées par votre lettre semblent incompatibles avec cette affirmation de Saint-Augustin. Les notions d'étranger, d'immigré sont à mon avis à revoir à l'aune de ce prisme.

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  9. Je viens d'achever votre article. D'entrée, vous y commettez un contresens: le pape parle de l'accueil de l'immigré, de son départ et de son voyage jusqu'à son retour, il parle donc bien de son retour. S'il commet une faute contre le bien commun, c'est, comme le note Jean-Pierre Maugendre, en prétendant que la sécurité individuelle prime sur la sécurité nationale, ce qui est la négation de tout ordre politique. De plus, il cite beaucoup moins l'Ancien Testament qu'il ne fait remarquer que Jésus était un étranger lors de la fuite en Egypte. Fidèle à Son enfance, Il S'identifie à l'étranger dans la parabole de Mathieu XXV qui nous jugera, quelles que soient les contorsions de Guy Pagès, qui veut en faire l'hôte de passage. Le bon samaritain est en prime le donateur charitable ou tiers-mondiste qui s'occupe de l'étranger de loin, aux bons soins de l'aubergiste. Le retournement de la parabole fait que "qui est mon prochain?" devient "mon lointain". Dominique Serbeleau apporterait de l'eau à votre moulin, lui qui se plaît à souligner que, dans Ses premiers miracles, Jésus manifeste le même mépris (pédagogique) de l'étranger que les juifs de son temps. Enfin, vous oubliez que, quelqu'abjectes qu'aient été les demandes de l'extermination qui figurent dans l'ancien Testament, y compris dans le chapitre qui suit directement le "Tu ne tueras pas" (ou "Tu 'nassassineras pas"), le traitement réservé à l'étranger était si favorable que, non seulement il était le bienvenu pour prier dans le Temple, qui était un lieu universel, mais il était tous les cinquante ans affranchi de sa condition d'éventuel esclave sans être prié de déguerpir. Je crains fort donc, comme il a été dit, que vous ne cherchiez dans l'ancien Testament de quoi alimenter vos préjugés antimigrants, en quelques termes politiques que se pose le problème de leur accueil. Celui-ci se trouve à la confluence d'un exil non naturel des pays en guerre vers un hypothétique eldorado européen, de l'infertilité du vieux continent, du galop démographique du Tiers-monde et du besoin qu'ont ces deux univers de se corriger l'un par l'autre.

    Votre message subliminal est que la loi juive (et pourquoi pas la loi naturelle?) propose l'alternative: assimilation ou extermination. La loi française devrait-elle se calquer sur ce modèle? Allons bon! On ne peut pas comparer comme vous le faites au début la situation de conquérants des Israélites, s'imposant comme étrangers au Madianites et au pays de Canaan, et le devoir d'accueil qui nous est enjoint. Mais surtout, lepape est pragmatique. Si toutes les paroisses, les communautés religieuses et chaque association qui se sent concernée accueilliat ne serait-ce qu'une famille de migrants ou prenait soin d'un SDF, la réinsertion de celui-là et l'accueil de ceux-ci serait réussi.

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  10. eh, l'abbé, on sait plus causer proprement au pape ? "Chère Sainteté" ! non mais allo quoi... et "Votre Sainteté", c'est pas mieux ?

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