mercredi 11 janvier 2017

L'abeille fait son miel des fleurs qu'elle rencontre

J’écris dans Monde et Vie que la France est encore un peu chrétienne, même quand elle est «mal» chrétienne. J’entends par là qu’il existe une culture, un substrat chrétien. Vous pouvez être athée autant que vous voudrez, votre athéisme ne sera jamais celui d’un athée japonais de culture shinto. Et je cite en exemple le «christianisme laïcisé» de Jaurès, «comme celui de Mélenchon». J’avoue avoir pensé aussi à Michel Onfray.
          
Le hasard fait que je tombe cette semaine sur deux citations – à moins que ce ne soit l’inverse et qu’elles ne me tombent dessus, pour illustrer mon propos. Je vous les donne, vous jugerez.
   
Jean-Luc Mélenchon, dans Famille Chrétienne:
«Avant de commencer notre entretien, nous offrons à Jean-Luc Mélenchon le dernier numéro de Famille Chrétienne. Il l’ouvre, son doigt tombe sur l’Evangile de Noël, le Prologue de Jean. Le texte est en français, mais lui le traduit instantanément: ‘‘In principio erat Verbum, et Verbum erat apud Deum, et Deus erat Verbum…’’. Il récite avec naturel, presque évidence, la voix plus basse que de coutume. Ancien servant de la messe tridentine, Jean-Luc Mélenchon n’a rien perdu de son latin. Ni de son enthousiasme : ‘‘ça c’est trop beau! C’est tellement… C’est vrai!’’»
Michel Onfray, qui publie Décadence. Le Point en offre quelques extraits dont celui-ci:
«La civilisation du rock, de la BD, du cinéma et de la télévision, de la boîte de nuit et de la tabagie, de la pilule et du divorce, de l’alcool et des produits stupéfiants, du Frigidaire et de l'automobile, de la bombe atomique et de la guerre froide, de l'amour libre et des loisirs, de l'argent et des objets, avance en broyant tout sur son passage. Vatican II ne peut rien y faire. II semble même qu'en ayant voulu être un remède le concile a augmenté la maladie: en faisant de Dieu un copain à tutoyer, du prêtre un camarade à inviter en vacances, du symbolique une vieille lune à abolir, du mystère de la transcendance une plate immanence, de la messe une scénographie décalquant le schéma de l'émission télévisée, du rituel une aventure puisant indistinctement dans le succès des chansons du moment ou dans l'art naïf des croyants les plus allumés, du message du Christ un simple tract syndicaliste, de la soutane un déguisement de théâtre, des autres religions des spiritualités valant bien celle du christianisme, l'Eglise a précipité le mouvement en avant qui annonçait sa chute.»
Qu’on ne s’y méprenne pas. Comme Michel Onfray, Jean-Luc Mélenchon défend «des positions à l’extrême opposé de celles de l’Eglise catholique» (Famille Chrétienne dixit). Mais de même que le philosophe: «lorsqu’il parle de foi, Jean-Luc Mélenchon évoque une réalité qu’il connaît en sa chair» (Famille Chrétienne toujours). Identité chrétienne…
    
Le plus souvent, c’est là qu’arrive un intégriste. Peu importe sa méthode: colère ou ricanement, elle sent toujours la même aigreur. L’intégriste fonctionne par grand système: «Vous qui êtes des nôtres, vous n’avez pas le droit de goûter Pius Parsch, qui célébrait avant l’heure ad populum». Ou encore «Puisque je vous désigne comme catholique-de-droite, vous n’avez pas le droit d’apprécier etc etc». Peu importe que cela vienne de dedans ou de dehors: c’est le même intégriste, le même gardien de camp intellectuel, qui vous interdit de quitter le sien – ou d’y poser le pied.