lundi 22 février 2016

Quatrième sacre d’évêque au Brésil [par RF]

[par RF] Mgr Williamson a écrit hier 20 février qu’il allait sacrer évêque Don Thomas d’Aquin, le prieur du monastère bénédictin ‘résistant’ de Nova Friburgo, au Brésil. La cérémonie aura lieu le 19 mars 2016, un an jour pour jour après qu’il ait sacré évêque le franco-argentin Jean-Michel Faure, dans ce même lieu. D’aucuns déplorent ce «second sacre», encore qu’il s’agisse du troisième, puisque le 28 juillet 1991 l’évêque britannique avait co-sacré Licinio Rangel, successeur de Mgr de Castro Mayer.

Mgr Rangel (que Jean-Paul II avait élevé en 1981 à la dignité de Prélat de Sa Sainteté en raison des services rendus au diocèse de Campos) s'était réconcilié en août 2001 avec Rome; un an après il avait sacré Fernando Rifan, avant de mourir en décembre 2002. Don Thomas d'Aquin sera donc le quatrième évêque de la succession épiscopale de Mgr Williamson.

Mais la vraie information, c’est que Mgr Williamson, pour annoncer le sacre à venir de Don Thomas d’Aquin, s’inquiète d’abord des récentes déclarations de ses confrères Msgr Tissier de Mallerais et de Galarreta. A sa manière, par ce sacre, Mgr Williamson indique prendre acte de la régularisation imminente de la FSSPX, et considérer que ses deux confrères n’y feront pas obstacle. Puisqu'ils se laissent réintégrer, il doit re-créer un épiscopat, qui reste extérieur à la 'nouvelle Rome' qu’il refuse.

mercredi 17 février 2016

L'homme par qui la réforme liturgique est arrivé

Yves Chiron vient de consacrer un livre à celui qui fut la cheville ouvrière de la réforme liturgique et en quelque sorte l’inventeur de la messe dite « de Paul VI », Mgr Annibale Bugnini. Une occasion de revenir sur ce qui a été une véritable révolution spirituelle au XXème siècle.
Cet article figure dans le dernier numéro du Magazine Monde et Vie.
A l’origine de tout, il y a un homme, un organisateur hors pair plus qu’un théologien, Mgr Bugnini. En 1949, alors qu’il est directeur de la revue Ephemerides liturgicae, il lance une grande enquête qu’il intitule « Pour une réforme liturgique générale ». Et il justifie son titre : « Ou la réforme liturgique sera générale ou elle finira par ne satisfaire personne parce qu’elle laissera les choses comme elles sont, avec leurs déficiences, leurs incongruités, et leurs difficultés ». Bugnini était un précurseur.

Le pape Pie XII avait lui-même lancé l’idée d’une réforme liturgique (il avait d’ailleurs caressé la possibilité d’organiser un Concile). Comme tout bon chef, il avait créé une Commission, qu’on appellera ensuite la Commissio piana : elle siègera sans grands enjeux, même après sa mort. Pourtant, le pape Pacelli avait fait œuvre de réformateur, en retraduisant entièrement le psautier de saint Jérôme, dont le latin n’était pas assez classique au goût des cicéroniens mitrés. Résultat ? La traduction Bea, partout imposé avec autorité, qui substituait un latin de fort en thème au latin poétique (parfois jusqu’à l’obscurité) utilisé par saint Jérôme au IVème siècle. Echec cinglant de cette première réforme ; personne ne voulut de ces nouvelles traductions. Mais cela ne découragea nullement les réformateurs en herbe, parmi lesquels Mgr Bugnini.

Il avait compris deux choses : dans ce temps - les années 60 du siècle vingtième -, le prurit du changement est très fort, ceux qui changent ont raison a priori. On peut toucher à tout, même au latin de saint Jérôme, on peut échouer, comme Pie XII a échoué avec la traduction Bea, mais il faut être avec le pape. Et surtout il faut savoir être prudent et ne prendre personne de front. « Remittatur quaestio post concilium » dit souvent le Rapporteur Bugnini : on verra après le Concile. Fin manœuvrier, notre homme montre son savoir-faire en organisant les réunions de préparation pour la première constitution conciliaire, qui porte justement sur la liturgie, Sacrosanctum concilium. C’est un texte qui ouvre beaucoup de portes et ne va au bout de rien, un texte prudent, qui, en cette qualité, a pu recueillir les signatures de la quasi-unanimité des Pères conciliaires. Alors qu’il est plutôt en marge du Concile lui-même, le Père Bugnini fait la rencontre qui va changer sa vie : le cardinal Montini, archevêque de Milan, prône un large recours aux langues vernaculaire. Bugnini a trouvé son homme. Quelques semaines plus tard, cet homme devient pape sous le nom de Paul VI, avec un mandat : continuer le Concile.

Mais comment réformer ? Fait unique dans l’histoire de l’Eglise, le pape Paul VI n’hésite pas à doubler l’administration officielle de l’Eglise. Il crée une structure qui s’appellera modestement Consilium, le Conseil, mais qui, directement issue du Concile, considèrera qu’elle a tous les pouvoirs. A sa tête le cardinal rouge, Lercaro, archevêque de Bologne. Le secrétariat est confié au Père Bugnini. C’est lui qui va créer de toutes pièces, en faisant appel à des évêques et à des experts du monde entier, une machine à pondre des textes, et cela dans tous les domaines, du martyrologe au Bréviaire, de la consécration des vierges aux exorcismes. Le sommet bien sûr : les nouvelles « prières eucharistiques » appelées à se substituer au Canon romain. Yves Chiron cite le théologien Louis Bouyer, racontant dans ses mémoires comment telle prière eucharistique fut écrite sur un coin de table dans une trattoria du Trastevere. Bugnini veillait au rythme de production de son Think-tank ! C’est à lui que l’on doit attribuer l’extraordinaire efficacité de la réforme romaine de la liturgie.

Comment expliquer sa disgrâce et qu’il ait été brutalement envoyé comme nonce à Téhéran (après qu’on lui ait proposé l’Uruguay) ? Yves Chiron examine soigneusement l’hypothèse souvent avancée : on aurait découvert que Bugnini était franc-maçon. Dans Il faut que Rome soit détruite, Marc Dem racontait avec verve Bugnini oubliant sa serviette, avec des documents compromettants prouvant son affiliation. Nous sommes au temps de la splendeur de la Loge P2. Tout est possible.  Yves Chiron ne trouve pas de preuve à charge. Il ne cite pas Marc Dem, qui lui-même ne citait pas ses sources… Il semble que la véritable raison de la disgrâce pontificale tient plutôt dans la manière dont Bugnini, sûr de son pouvoir sur le pape, avait tenté de faire passer en force de nouvelles prières eucharistiques. Il fallait bien arrêter d’une manière ou d’une autre la machine à produire en chambre. On peut dire que l’Eglise ne s’est pas relevé de cette réforme à marche forcée, qui, loin de remplir les églises comme on pensait naïvement qu’elle le ferait, les a implacablement vidées dans le grand bazar des années 70.
Un livre à méditer. Une biographie qui sera demain un lieu théologique sur les origines de la nouvelle messe.

Yves Chiron, Annibale Bugnini, éd. Desclée de Brouwer 222 pp. 18, 90 euros

samedi 13 février 2016

François et Cyrille : une rencontre très politique

Le pape de Rome et le Patriarche de Moscou se sont rencontrés pour  la première fois dans l'histoire. Cet événement a eu lieu en terrain neutre, ni à Moscou ni à Rome mais à Cuba, où le pape François et sa diplomatie avaient  déjà engrangé de magnifiques résultats, pour ce qui concerne les relations de la grande Ile avec les Etats unis d'Amérique. Cette fois le sujet était différent et Cyrille venait de Moscou dans un pays traditionnellement soviétophile, pour rencontrer François, qui en est à sa deuxième visite en ces lieux. Le document issu de cette rencontre est long. Il met l'accent non sur le rapprochement  proprement religieux et ses modalités (trop tôt), mais sur les positions communes en matière de défense de la civilisation.

Ce qui est surprenant ? François - est-ce parce qu'ils se sent issu du Nouveau monde ? - et Cyrille se sont entendus pour dire tout le mal qu'ils pensaient de l'Union européenne :
"Nous sommes préoccupés par la situation de tant de pays où les chrétiens se heurtent de plus en plus souvent à une restriction de la liberté religieuse, du droit de témoigner de leurs convictions et de vivre conformément à elles. En particulier, nous voyons que la transformation de certains pays en sociétés sécularisées, étrangère à toute référence à Dieu et à sa vérité, constitue un sérieux danger pour la liberté religieuse. Nous sommes préoccupés par la limitation actuelle des droits des chrétiens, voire de leur discrimination, lorsque certaines forces politiques, guidées par l’idéologie d’un sécularisme si souvent agressif, s’efforcent de les pousser aux marges de la vie publique".
La liberté religieuse mise en cause par les tenants du sécularisme (ainsi dans les Pays anglo-saxons appellent-ils la sacro-sainte laïcité), c'est une excellente formule, dont on espère qu'on la reverra souvent dans les textes du magistère authentique.

Depuis son passage devant le Conseil de l'Europe, François insiste sur la défense des peuples, de leur identité (il emploie le terme de temps à autre) et de leurs "racines chrétiennes", bref - le mot y est cette fois-ci : de leur civilisation. 

François insiste ici à nouveau avec le Patriarche Cyrille sur l'importance de l'identité des peuples de l'Union européenne : "Le processus d’intégration européenne, initié après des siècles de conflits sanglants, a été accueilli par beaucoup avec espérance, comme un gage de paix et de sécurité. Cependant, nous mettons en garde contre une intégration qui ne serait pas respectueuse des identités religieuses. Tout en demeurant ouverts à la contribution des autres religions à notre civilisation, nous sommes convaincus que l’Europe doit rester fidèle à ses racines chrétiennes. Nous appelons les chrétiens européens d’Orient et d’Occident à s’unir pour témoigner ensemble du Christ et de l’Evangile, pour que l’Europe conserve son âme formée par deux mille ans de tradition chrétienne".

Jean-Paul II parlait déjà de l'âme de l'Europe. Mais la nouveauté du discours pontifical par rapport à Jean-Paul II est dans cette notion d'"intégration européenne". On l'avait déjà constaté (je l'avais montré dans Monde et Vie à l'époque) : le pape parle des peuples chrétiens de l'Union européenne, il défend les peuples - à la bonne heure - comme il a toujours défendu le peuple argentin, en bon péroniste qu'il est... Il défend aussi (cela va de pair) les "identités", en particulier "religieuses", on peut le constater dans le petit livre de ses sermons aux Argentins, publié chez Parole et silence sous le beau titre : La patrie est un don et la nation un devoir. Mais, cette fois, il a oublié les nations au profit de ce qu'il nomme "l'intégration" dans l'UE., c'est-à-dire l'abandon consenti de souveraineté qui est actuellement en cours au profit de la Superstructure bruxelloise.

Que sont les peuples sans les nations ? Une formule de Jean-Paul II dans son Discours à l'ONU en 1980 le dit très clairement : "Les nations sont les grandes institutrices des peuples". Un peuple sans institutrice est un sauvageon... Gare aux sauvageons par intégration forcée dans un magma sans souveraineté où - au nom du multiculturalisme - on parviendrait encore à reconnaître des peuples (avec éventuellement leurs droits propres) mais plus des nations. L'Union Européenne est en train de faire disparaître ce trésor millénaire de la politique chrétienne, né en France, poursuivi en Angleterre, que l'on appelle la nation. La nation est la seule structure politique qui, dans sa définition même, ne puisse pas prétendre être le tout (contrairement à l'Empire, dont on sait combien les papes ont souffert jusqu'à, inclusivement la prise de Rome en 1527).

L'Empire représente une mystique et l'empire de la mondialisation ne fera pas exception. A cette grande Idée, comme naguère au Moloch, certains sont prêts à tout sacrifier. La nation se veut un service politique du peuple (voir le sacre des rois de France). La politique nationale reste toujours dans l'ordre des moyens, à dimension humaine. 

François Mitterrand, jamais vraiment remis de son rêve collaborationniste et toujours fasciné par "l'Europe nouvelle", disait "Les nations c'est la guerre". On s'aperçoit au contraire aujourd'hui que les nations c'est la paix et que là où la nation est ébranlée (Irak, Syrie, Libye, Kosovo, Tunisie and so on), la guerre n'est jamais loin. 

Je vais trop loin peut-être dans la défense des nations. Il y a en France traditionnellement un Pouvoir militaire, comme disait mon vieil ami Pierre Ordioni. Mais la France est une nation paisible. La seule nation guerrière, mais cela demanderait un post pour le prouver, c'est la plus récente des grandes nations européennes, bien évidemment la nation allemande, qui, au XXème siècle, l'a montré, rentrant en guerre 20 ans - seulement vingt ans - après le Traité de Versailles et la Boucherie immonde qui l'a précédé. Vingt ans : juste le temps de refaire une génération... Là on est effectivement dans un nationalisme aussi absurde que... mystique.

Il me semble urgent pour l'Eglise de retrouver dans le magistère de saint Jean Paul II et dans son livre Mémoire et identité une pensée claire et paisible de la nation : en tant que ressortissant polonais, venant d'un peuple resté pendant des siècles sans nation, il savait de quoi il parlait.

lundi 8 février 2016

Vénérer une relique insigne: à 10 mn de la gare St Lazare

L'abbé Guy-Emmanuel Cariot a bien voulu répondre à quelques questions du Métablog.
Monsieur l’abbé, vous êtes recteur de la basilique d’Argenteuil, je crois que cette année est particulière pour vous…
Effectivement, après 9 ans passées à la paroisse de l'Isle Adam, l'évêque de Pontoise m'a nommé à la basilique d'Argenteuil comme curé et recteur de ce sanctuaire. Il m'a aussi demandé d'organiser une ostension exceptionnelle de la Sainte Tunique du Christ abritée ici depuis Charlemagne. Habituellement les ostensions ont lieu tous les 50 ans et il aurait fallu attendre 2034 pour pouvoir à nouveau vénérer la relique. Trois raisons ont poussé l'évêque à anticiper ce moment : les 50 ans du diocèse de Pontoise (créé en 1966), les 150 ans de la basilique qui abrite la Tunique et l'année de la Miséricorde décrétée par le Pape. Organiser une ostension de la sainte tunique est un travail immense mais nous verrons à partir du Vendredi Saint 25 mars et jusqu'au 10 avril, les fruits de nos efforts, j'en suis convaincu. Il y a certes des obstacles : le premier d'entre eux est le manque de notoriété de cette relique. Elle fait pourtant partie des 3 reliques textiles de la Passion avec le Linceul de Turin et le suaire d'Oviedo. C'est une relique du Christ vivant, relique de la via dolorosa mais aussi de la condamnation à mort de Notre Seigneur par Pilate, de sa comparution devant le Sanhédrin, de son arrestation au jardin des oliviers, de son agonie à Gethsemani et de l'Institution de l'Eucharistie lors de la dernière Cène. C'est dire que nous avons ici une vraie relique de la Passion.
Dans ce contexte particulier, qu’attendez-vous des prêtres et des fidèles?
Les fidèles seront invités, après avoir passé la porte sainte, à venir humblement vénérer ce magnifique témoignage sur la Passion qu'est cette tunique. En s'inclinant devant et en reprenant l'antique prière : "Par votre Sainte Tunique, Sauvez-moi ô Jésus", chacun fera l'expérience, je le crois, de la miséricorde du Seigneur. Bien entendu, ce pèlerinage aura d'autant plus de fruits si on s'y confesse. Tous les prêtres sont invités à venir se rendre disponible pour être les joyeux dispensateurs de la miséricorde divine. (Pour les prêtres s'inscrire sur : saintetunique.com). Les fidèles sont invités à venir en groupe et à s'enregistrer (saintetunique.com). Nous attendons près de 150 000 personnes à cet événement. Commençant par le chemin de croix du vendredi saint à 15h en plein air, l'ostension durera 17 jours. Chaque jour sera célébrée une messe (pendant laquelle s'arrêtera l'ostension) par un évêque ou un cardinal. Les samedis 2 et 9 avril il y aura à 20h une petite procession aux flambeaux suivie d'une nuit d'adoration du Saint Sacrement. Le dimanche 3 avril la messe de Saint Pie V sera célébrée à 18h.
A qui s’adresse, plus particulièrement, l’ostension ?
L'ostension s'adresse en particulier aux pécheurs! Quelle grâce d'avoir devant nous le vêtement même du Christ, celui qu'il portât au moment même où il sauvait le monde! Vous l'avez compris cette ostension s'adresse à tous, y compris à ceux qui ne partagent pas notre foi. Je prie le Seigneur pour qu'il réalise, comme à chaque ostension, des miracles de guérison et de conversion. n'hésitez pas à aller visiter le site internet qui essaye de répondre à toutes les questions que l'on peut se poser sur l'événement. Je rappelle qu'Argenteuil se trouve à 10 mn de la gare St Lazare.