mardi 22 décembre 2015

O Clavis David : la clé

Voici la quatrième antienne O :
O Clavis David, et sceptrum domus Israël ; qui aperis et nemo claudit ; claudis et nemo aperit : veni et educ vinctum de domo carceris, sedentem in tenebris et umbra mortis. 
O Clé de David, et Sceptre de la Maison d’Israël, tu ouvres et personne ne ferme, tu fermes et personne n’ouvre : Viens et fais sortir le captif de la maison où il est en prison, lui qui est assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort.  
C’est en récitant cette antienne qu’il avait dû répéter souvent que le philosophe Alcuin a rendu son âme à Dieu. Parler du Christ comme de la clé, cela va très bien à un philosophe, dont l’abbé Seralda naguère vanta « le personnalisme intégral » - un philosophe personnaliste qui avait conscience que, étant donné le mystère de la personne, c’est clair,  la raison ne donne pas toutes les clés.
Le Christ est la clé en un double sens : d’abord il offre des clés de compréhension, un savoir que personne avant lui n’avait développé, une science de la vie, que la raison ne soupçonne seulement pas.
En un second sens, grâce à ce savoir qui est la Vérité, il exerce une autorité royale, que personne ne peut lui contester : - « Tu es roi, demande Pilate à Jésus ». Et Jésus répond : « Tu l’as dit. Quiconque est de la vérité entend ma voix » (Jean 18). La Clé est en même temps un sceptre : O Clavis, ô sceptrum ! Cette clé qui est un sceptre apparaît comme le signe d’une liberté souveraine, ouvrant des horizons nouveaux à la méditation et à la contemplation.

Mais prenons d’abord le mot clé en son premier sens : clé pour comprendre. 

Il y a un verset de l’Evangile de Luc sur lequel on ne réfléchit pas assez et qui indique bien que le Christ lui-même se voyait comme le détenteur d’un savoir que les pharisiens s’employaient à obscurcir : « Malheur à vous les légistes, parce que vous avez enlevé la clé de la science. Vous mêmes n’êtes pas entrés et ceux qui voulaient entrer vous les en avez empêché » (Lc 11, 52). Dans le passage parallèle de saint Matthieu, il n’est plus question de cette « clé de la science ». Le Christ ne s’adresse pas nommément aux légistes mais « aux scribes et aux pharisiens hypocrites » : « Vous fermez aux homme le Royaume des cieux. Vous n’entrez certes pas vous-mêmes, mais vous ne laissez pas entrer non plus ceux qui le souhaiteraient » (Matth. 23, 13).Et le verset suivant est encore plus hostile aux spécialistes de la loi : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui parcourez les mers et les continents pour gagner un prosélyte et quand vous l’avez gagné, vous le rendez digne de la géhenne deux fois plus que vous ». Un certain enseignement de la loi rend digne de la géhenne, et plutôt deux fois qu’une ! Même saint Paul grand connaisseur et grand contempteur de la loi devant l’Eternel, n’avait pas été aussi loin… La clé n’est pas dans les observances de la loi, qui ne font que nous rendre justes à peu de frais, en nous enseignant à nous hausser du col par rapport à ceux qui ne pratiquent pas les observances… Il ne suffit pas de ne pas manger de porc, ni non plus de se voiler la face quand on est une femme… Ceux qui le pensent sont guettés par le totalitarisme. Non seulement, dit Jésus, ils n’entrent pas, mais, précise-t-il, ils empêchent tous les autres d’entrer.

La clé qui permet d’entrer se découvre plutôt dans un savoir qui nous transforme, le savoir que l’on tient de la foi. Le prophète Isaïe a chanté ce nouveau savoir plus qu’aucun autre des prophètes. Il nous a enseigné son caractère messianique. « Je t’ai fait entendre dès maintenant des choses nouvelles, secrètes et inconnues de toi. C’est maintenant qu’elles sont créées et non depuis longtemps et jusqu’à ce jour tu n’en avais pas entendu parler (…) Non, tu n’entendais rien, tu ne savais rien » (Is. 48, 5). Et ailleurs : « Les premières choses, elles sont arrivées. Voici que je vous en annonce de nouvelles. Avant qu’elles ne paraissent, je vais vous les faire connaître » (Is. 42, 9).

Quelles sont ces choses nouvelles ? Celles que l’Evangile nous fait découvrir, qui ne sont pas les sciences qui porteraient sur tel ou tel objet, mais d’abord les sciences de la vie, nous livrant le secret de l’existence humaine, qui est tout entier dans l’existence divino-humaine de Jésus le Christ.
Pourquoi insister sur la nouveauté de cette science ? Pour comprendre la nouveauté du désir qu’elle fait naître en nous. Le désir de Dieu, s’il mobilise toute notre nature et encore autre chose qui vient d’ailleurs, n’est pas pour autant un désir naturel, quoi qu'en pensent les théologiens. Il n’a rien à voir avec l’un de ces désirs insatisfaits qui croupit au fond de notre ressentiment existentiel, en attente d’un impossible exaucement. Il offre une expérience nouvelle, un élan nouveau, un attachement qui ne vieillit pas.

Mais après la science, la clé signifie l’autorité… On pourrait dire peut-être : une science garantie par l’autorité la plus sacrée.

Immédiatement on pense à l'Evangile de Pierre : « Je te donnerai les clés du Royaume des cieux. Tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux » (Matth. 16, 17). Ainsi parle Jésus à Simon qu’il nomme Pierre, parce que, lui ayant dit cela, il en a fait la pierre sur laquelle il bâtira son Eglise. Qu’est-ce que l’Eglise ? Le Temple des définitions du devoir disait un grand poète aixois. Le premier rôle de l’Eglise est effectivement de rappeler la loi. Pour jouer à la Pharisienne, comme le pensait Mauriac ? Non. Aussi bien l’Eglise, en Pierre et aussi dans les apôtres, c’est-à-dire dans les évêques qui sont leurs successeurs, n’a pas seulement la faculté de lier c’est-à-dire  de faire peser les fardeaux sur les épaules de ses membres. Elle a aussi, divinement, la capacité de délier, le pouvoir d’alléger, le don de pardonner ou de réconcilier. Telle est l’autorité christique : essentiellement personnelle, non pas arbitraire, mais tissée dans un rapport miséricordieux, un rapport de personne à personne, de la personne divine à la personne humaine, où il ne s’agit pas de changer quoi que ce soit aux prescriptions, mais de permettre aux hommes de les observer avec humilité et profit – bref dans la charité. C’est dans la charité que l’on peut dire : « Il ouvre et personne ne ferme. Il ferme et personne n’ouvre ». C’est la charité qui est la seule loi, parce que l’amour est la seule loi dont nous ne soyons pas prisonnier. 

En revanche, tout ce beau discours n'empêche pas de devoir constater que nous sommes bel et bien prisonnier de notre nature mortelle. Nous sommes « assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort ». Pourquoi l'ombre ? Nous ne sommes pas encore morts dans cette maison où nous nous sommes retrouvés prisonniers, telle est notre condition d’humanoïdes. Mais nous voyons, si nous ne détournons pas les yeux, l’ombre portée de la camarde qui nous attend. Il nous faut – vite – quelqu’un pour nous faire sortir de là et aussi pour nous faire entrer. Où ? Dans le Royaume, comme dit Jésus. Mais où est-il ce Royaume ? Il n’est pas ailleurs, on y accède pas par la fuite. Jésus le déclare solennellement : il est « au milieu de nous », à portée de main. Mais comment y entrons-nous ? Non par la Loi mais par cette science nouvelle, au cœur de notre cœur et au feu de notre vie : la foi.

dimanche 20 décembre 2015

O Radix Jesse

O Radix Jesse, qui stas in signum populorum, super quem continebunt reges os suum, quem gentes deprecabuntur : veni ad liberandum nos, jam noli tardare. 
O Rejeton de Jessé, Toi qui est debout pour être comme un signe pour les peuples, devant toi les rois seront obligés de fermer la bouche tandis que les nations t’appelleront : Viens pour nous libérer, ne tarde plus.
Ce Messie que le monde attend, il est de race royale, il est « fils de David », « rejeton de Jessé » dit l'Antienne  (Jessé est lui-même père de David). Ce Messie, ce Christ hébreu tient son ascendant sur « tous les peuples » de son ascendance israélite. C’est le mystère que beaucoup dans l’histoire vont refuser, le mystère de ce petit peuple d'Israël, prédestiné à gouverner spirituellement le monde parce qu’il est le premier réceptacle de la Parole divine, mais à qui cette gouvernance échappe dans la mesure même où, spirituelle, elle transcende toutes les particularités, et cela en celui dont Pilate dira dans une prophétie involontaire : « Voici l’homme ».

Joseph, le père putatif de Jésus – c’est bien précisé – est « de la maison et de la descendance de David ». C’est lui qui, comme tous les pères de Palestine, donne son nom à ce rejeton de Jessé, qui est fils de Marie : « Certes ce qui est accompli en elle vient du Saint Esprit, mais c’est toi qui lui donnera le nom de Salut » (Matth. 1). Joseph est issu de la tribu de Juda et c’est en tant que lointain petit fils de Jessé qu’il va se faire recenser à Bethléem, son clan d’origine. Quant à Marie, elle est d’une famille de prêtres, comme en témoigne sa cousine Elisabeth, la femme de Zacharie, celui qui, lorsque commence cette histoire, a été tiré au sort pour pénétrer une fois (la seule fois de l’année) dans le Saint des saints à Jérusalem. 

Par ses deux parents humains, Jésus est donc prêtre et il est roi. Son sacerdoce est celui du Temple de Jérusalem. Sa Royauté celle de David… Sa double dignité est clairement inscrite dans le temps et dans l’espace comme une identité indissolublement ethnique et spirituelle. Jésus n’est ni un citoyen du monde, ni un homme de nulle part, ni un fils de personne : « Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la Maison d’Israël » déclare-t-il à la Syro-phénicienne.

Mais en même temps que Jésus est le Christ hébreu, en même temps qu'on l'appelle "le rejeton de Jessé", on dit qu'il « se tient debout pour être comme un signe pour les peuples ». Isaïe avait prophétisé cela : « Voici, dit Yahvé, que je lève les mains vers les nations, que je dresse un signal pour les peuples » (Is. 49, 22). Quel est ce signe ? « Le signe du Fils de l’homme » disent les Evangiles synoptiques (Matth. 24, 30). « Le signe de la Femme » renchérit Jean dans l’Apocalypse (12, 1). Le Fils de l'homme et la femme ? Je pense à Jésus et Marie indissolublement unis dans la mandorle de Sainte Marie Majeure qui est le thalamum, la chambre nuptiale spirituelle où le nouvel Adam et la nouvelle Eve recréent l’humanité - paraissant à égalité l'un avec l'autre même si le Fils couronne sa mère. 

Ce qui est très surprenant dans le texte du chapitre 49 d’Isaïe, c’est que l’objet de l'attente des nations semble être une femme avant que d’être un homme. On retrouve déjà dans Isaïe la nouvelle Eve : « Tu diras dans ton cœur : qui m’a enfanté ceux-ci ? J’étais privée d’enfant et stérile, exilée et rejetée [ainsi parle la Fille de Sion] et ceux-ci qui les a élevés ? Pendant que j’étais laissée seule, ceux-ci où étaient-ils ? » Vatican II revient à cette interprétation féminine du Signe, dans Lumen gentium, en faisant de ce signe l’Eglise, « dressée à la face des nations » (cf. LG n°48 cf. n°1. Le texte d’Isaïe n’est pas explicitement cité, mais l’idée du signe dressé à la face des nations s’y trouve).

En même temps, dans ce somptueux chapitre d’Isaïe, c’est bien un homme qui est attendu : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surjeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur ». (Isaïe 11, 1) et plus loin dans le même chapitre 11 : « Ce jour-là la racine de Jessé qui se dresse comme un signal pour les peuples sera recherchée par les nations et sa demeure sera glorieuse. (…) Le Seigneur dressera un signal pour les nations et rassemblera les bannis d’Israël. Il regroupera les dispersés de Judas des quatre coins de la terre ». Mystère de l’universalité du signe messianique ! Il faut noter que l’antisémite rejette et la généalogie juive du Messie (parce qu'il n'aime pas les juifs) et l’universalité du signe qu’il donne à voir (parce que juif il ne pourrait pas être universel). Dans cette antienne au contraire, de manière magnifique les deux dimensions sont présentes en même temps, l’identité juive du Messie et son rayonnement universel.

Est-ce moi qui fantasme en parlant, ici, d’antisémitisme ? La même antienne insiste sur la dimension politique du mystère messianique, tellement enracinée dans un peuple et tellement destinée à tous les peuples. Il faudra que les rois soient contraints au silence, « obligés de fermer leur bouche » dit notre antienne. Le salut du monde ne vient pas de la politique ni de la Puissance que se donnent les rois du monde. Hérode, ce Bédouin mal équarri, a essayé le premier de s’en prendre au Messie. Il a tué les enfants de Bethléem, croyant que ce génocide suffirait pour en finir avec cette royauté venue d’ailleurs, qu'il prenait pour une concurrente. Mais Dieu n’a pas abandonné son Fils aux pattes du monstre tueur d’enfants (Hérode, disent les chroniqueurs antiques, était tueur même de ses propres enfants, pour leur passer l'envie de lui succéder). Comment a-t-il fait ? Rien d'apparemment surnaturel dans la réaction de Joseph. Averti en songe, il  a dû fuir, il a fui  en Egypte avec l’enfant et sa mère. Mais il a ainsi préservé le Rejeton de Jessé.

Comment les rois se contraindraient-ils au silence, eux qui ont tout pouvoir en ce monde ? Ce sont les peuples qui appelant le Messie, contraignent les rois à fermer leur bouche, nous dit l’Antienne. Un désir nouveau naît dans le monde. Une espérance neuve s’affirme à la face des nations. La liberté ne vient pas de la politique ni des politiciens. On a bien vu que ces gens à programme, plans et rataplans, ne savaient que transformer en idéologie ce qui est l’aspiration la plus profonde et la plus secrète de l’homme. Seul le Messie libère vraiment. Seul il sauve de la corruption et de ce que les antiennes appellent « l’ombre de la mort ». Seul il donne aux hommes une vie libre, celle qui n’a aucun compte à rendre au temps qui passe. Les peuples sont pris d’une sainte impatience : « Viens nous libérer, ne tarde pas ». Ne laisse pas le temps entre nous. Sauve nous dans l’instantanéité de ta puissance ! C’est tout de suite ou jamais. Ainsi est le temps de l’Avent, temps du désir spirituel, qui nous fait dire à Dieu avec une audace dont nous ne nous serions pas cru capables mais que nous donne sa grâce : c’est tout de suite ou jamais.

Il ne faut pas moins que cette terrible impatience pour réduire les rois au silence.

samedi 19 décembre 2015

O Adonaï !

Voici - avec un peu de retard - la deuxième des antiennes O...
O Adonai et dux domus Israel, qui Moysi in igne flammae rubi apparuisti, et ei in Sina legem dedisti : veni ad redimendum nos in bracchio extento. 
O Adonai, Et chef de la maison d’Israël, toi qui te manifestas à Moïse dans le feu de la flamme du Roncier et qui lui a donné la Loi sur le Sinaï : Viens, Seigneur, nous racheter en étendant ton bras.
Adonai ! Le Seigneur… C’est le nom humain pour désigner la Divinité insondable dans sa réalité indicible. Chaque fois que le nom de Yahvé – ce tétragramme sacré, se trouve écrit, chaque fois l’Israélite pieux se contente de dire : Adonaï. C’est avec ce nom qu’il prie ou qu’il invoque : O Adonaï ! Et nous reprenons cette prière millénaire des juifs, célébrant en Yahvé « le chef de leur maison » : dux, celui qui conduit, celui qui guide son peuple au Désert, celui qui se fait connaître non pas en lui-même (« Si tu l’as compris ce n’est pas lui » dit saint Augustin), mais dans la conduite, dans les directives, dans la loi qu’il donne à son peuple. Non fecit taliter omni nationi : il n’agit pas ainsi avec toutes les nations, mais avec sa maison, avec ceux qu’Il appelle, qui provienne de partout, mais qui, à eux tous, forment sa maison. Avec ses domestici, avec ses familiers, quelle n’est pas la douceur du Seigneur ! Que faut-il faire pour être un membre de la maison du Seigneur ?

Il faut reconnaître son Verbe, être attentif aux deux Paroles qu’il a dites à Moïse, et d’abord celle qu’il a dite dans le Buisson ; puis celle qu’il a proférée sur la Montagne du Sinaï. 

La première parole est son Nom : « Celui qui est », un nom qui peut s’entendre de deux façons, comme désignant l’être de tous les êtres ou comme annonçant que l’on ne peut le connaître d’avantage que par ces mots : « Celui qui est », qu’on ne peut l’enfermer dans aucun qualificatif humain. C’est une parole pour dire qu’il est au dessus de toutes les Paroles, qu’il est la Parole ou le sujet de la Parole, le JE du JE SUIS. Dans le Buisson, Dieu dit JE et toutes les personnes sont à son image quand elles disent JE. « La personne est ce qu’il y a de plus parfait dans tout l’Univers » dit saint Thomas. C’est l’image la moins défaillante de ce qu’est Dieu. Ce Dieu qui est ou plutôt ce Dieu qui dit JE SUIS.

Mais Dieu n’a pas seulement donné son nom, il a donné dix Paroles, qui sont les deux tables de la loi, qui elles-mêmes se résument dans les deux commandements du Christ : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force et ton prochain comme toi-même » (Matth. 13). Ces dix paroles sont comme le mode d’emploi de cette drôle de machine qu’est l’homme. Ne pas respecter le mode d’emploi, c’est s’exposer à détruire la machine ! Dans sa première parole Dieu s’est nommé lui-même. La deuxième fois qu’il s’adresse à nous, il nomme, par antiphrase ce qui est vraiment humain.

Si nous sommes attentifs à ces deux paroles, nous devenons des Craignant Dieu, membres de l’Israël véritable, celui de l’origine et de la fin, celui de l’Esprit. Où est l’Esprit ? Dans « le feu de la flamme du Roncier », qui n’est ni le Roncier, ni même la flamme, mais qui est le feu de la flamme, sa puissance, son rougeoiement dans le roncier, rougeoiement qu’indique l’étymologie de ce mot étrange, « rubus », un mot qui n’est pas dans le Gaffiot et qu’il faut chercher dans les vieux dictionnaires.

Le nom de Dieu nous est donné, nous pouvons avoir foi en lui. La loi de Dieu nous est donné aussi, mais elle ne suffit pas. « S'il eût été donné une loi capable de procurer la vie, la justice viendrait réellement de la loi » dit saint Paul aux Galates (3, 21). « Alors pourquoi la loi ? Elle a été ajoutée en vue des transgressions » (Gal 3, 18). Par nous-mêmes, nous n’arrivons pas à l’observer. Dieu seul est notre suffisance (II Co. 3, 5), continue saint Paul ailleurs, en jouant sur le vieux nom El Shaddaï, le Suffisant. Dieu seul est notre salut. Nous ne nous sauvons pas nous-mêmes. 

Qu’est-ce que le salut ? On dit souvent que le nom de Jésus signifie « Dieu sauve » Yehoshua… C’est une erreur. D’après Jacqueline Genot Bismuth, Yeshua signifie simplement SALUT. C’est en quelque sorte déjà un nom divin car, c’est vrai, Dieu seul sauve. C’est parce que Jésus est un nom divin, que le Coran a oublié ce nom et parle de Issa. Comment Jésus nous sauve ? En étendant son bras, c’est-à-dire en payant de sa Personne. Il nous a racheté « cher » note saint Paul – encore lui. C’est ce rachat, pur don de miséricorde, que l’on nomme salut. Veni ad redimendum nos ! Venez nous racheter !

jeudi 17 décembre 2015

Réciter les Antiennes O avant Noël

A partir d’aujourd’hui, l’Eglise nous fait réciter sept antiennes dont l’origine est inconnue mais qui sont attestées à l’époque de Charlemagne puisque le philosophe Alcuin meurt en récitant l’une d’entre elles : O Clavis David.

Ces antiennes donnent sept noms différents au Seigneur que l’on attend : O Sapientia, la sagesse, le Verbe de Dieu. O Adonaï, le nom que les juifs donnent à Yahvé dont ils ont interdiction de prononcer le nom sacré. O radix Jessae, le Rejeton de Jessé : Jessé est le père de David. Le Christ vient dans cette lignée royale. O Clavis David, la clé qui décide de tout. O Oriens : l’Orient qui est l’origine de la lumière. O Rex gentium : le Roi des nations et non pas seulement le Dieu d’Israël. O Emmanuel, Dieu avec nous, dont on rappelle l’alliance lorsque le prêtre dit aux fidèles plusieurs fois pendant chaque messe : « Le Seigneur est avec vous ».

Si l’on prend les initiales de chacun des noms du Fils de Dieu attendu, on a en latin, par un savant acrostiche : ERO CRAS : Je serai là demain. C’est tout le sens de l’Avent. Ce lendemain, c’est la Noël, ce solstice qui doit illuminer notre vie, le moment où le jour commence à rallonger.

Voici la première antienne, celle d'aujourd'hui 17 décembre 
O Sapientia, quae ex ore Altissimi prodisti, attingens a fine usque ad finem, fortiter suaviter disponensque omnia : veni ad docendum nos viam prudentiae. 
O Sagesse, toi qui es sortie de la bouche du Très-Haut, remplissant l'univers d'un bout à l'autre et disposant toutes choses avec force et douceur : Viens nous enseigner le chemin de la prudence!
Ce que nous attendons d’abord c’est la SAGESSE, c’est-à-dire la connaissance de ce que signifie notre situation invraisemblable d’animaux raisonnables tombés sur cette Planète. L’homme explique Pascal est cet individu qui se réveille en sursaut dans une île déserte (notre terre) et qui ne sait ni d’où il vient ni où il va. 

Ce savoir-là, quoi qu’en disent les philosophes, nous ne pouvons pas nous le procurer nous-mêmes. Seul l’Ordre de la Création, avec sa force et sa douceur, peut nous en donner une idée et nous mettre sur le chemin de la vérité. Mais avant même la vérité que l’on contemple, si l'on reste ici bas sur le chemin qui y mène, il y a la vérité que l’on fait, ce choix du bien, ce rejet du mal, qui est l’amorce de notre liberté. Le Christ dans l’Evangile ne dit pas : celui qui possède la vérité vient à la lumière… Il dit : « Celui qui fait la vérité vient à la lumière » (Jean 3, 21). L’artisan en nous de ces œuvres vraies, qui précèdent toujours la connaissance de la vérité, s’appelle la prudence.

Mais quelle est cette prudence ? Comment choisir le Bien, que nous ne pouvons pas démontrer, comme y insistent les moralistes contemporains et tout dernièrement Ruwen Ogien ? Comment déterminer ce Bien dans lequel nous croyons mais qui échappe à notre raison ? Il faut suivre l’Emmanuel, annoncé par le Prophète Isaïe, celui que l’on appelle ainsi « parce qu’il sait choisir le bien et rejeter le mal » (Is. 7, 15).

Ainsi le Christ nous mène-t-il de la divine sagesse à l’humaine prudence, c’est tout le sens de cette antienne.

On appelle d’abord le Christ O Sapientia, la Sagesse du Père... 

Et c’est bien naturel puisque il est le Verbe du Père : LOGOS. Saint Paul déjà s’était écrié : « Les Juifs demandent des signes et les Grecs sont en quête de sagesse. Nous proclamons, nous, un Messie crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui ont été appelés, Juifs et Grecs, c’est le Messie Puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (I Co. 2, 22). 

La Puissance de Dieu, c’est Dieu qui nous donne des signes, jusqu’à aujourd’hui si nous acceptons de voir les miracles qui se multiplient dès qu'on les cherche. 

La Sagesse de Dieu n’est pas comme la sagesse des hommes : « Dieu a frappé de folie la sagesse du monde » (I Co. 2, 20) ose dire Paul qui connaît et qui cite pourtant les philosophes. Qu’est-ce qui est folie dans la sagesse des hommes ? La prétention à vouloir tout expliquer par sa propre raison. Plutôt que de chercher des explications à notre monde, avouons que la seule Sagesse est celle « qui sort de la bouche du Très haut ». Au lieu de construire des sagesses qui ne sont qu'à notre image, recevons la sagesse de Dieu, son Verbe, parce que lui seul nous transforme en nous permettant de devenir ce que nous sommes.

Et à défaut de posséder immédiatement cette connaissance, cette sagesse trop élevée, acceptons d’en être encore à la Prudence. Pascal à nouveau : « Si tu veux connaître la vérité, ne cherche pas à multiplier les raisons, mais à diminuer tes passions ». C’est ce que nous demandons au Christ de nous apprendre aujourd’hui : Veni ad docendum nos viam Prudentiae. Viens nous enseigner le chemin de la Prudence. Nous sommes tellement prompts par nous-mêmes à voir le bien là où il n’est pas et à imaginer du mal là où se cache le bien qui ne fait pas de bruit. La prudence, qui nous fait discerner notre propre bien là où il est, est un long chemin, où nous marchons sur les traces de l’Emmanuel, parce que lui a su, sur notre Terre, choisir le bien et rejeter le mal. 

Ce chemin de la prudence, et lui seul, nous mène à la sagesse.

vendredi 4 décembre 2015

France, ta laïcité fout le camp, suite [par Rudy]

[par Rudy] Dans la série «n’importe quoi» voilà Nathalie Kosciusko-Morizet qui propose (sans le dire) de revenir sur la loi de 1905 de séparation de l’Etat et des Cultes. Tout bonnement, elle propose que l’Etat lève un impôt sur les musulmans pratiquants (1% du chiffre d’affaire du halal - qu'elle perçoit comme un "produit culturel") et qu’avec cet argent l’Etat finance un islam qui lui convienne. Je répète, tellement c'est énorme: Kosciusko-Morizet veut que l'Etat se charge de lever l'impôt musulman - à charge pour lui de financer ensuite un islam devenu de fait officiel.

Sur le sujet, elle n'est pas la seule à débloquer. Depuis 40 ans les autorités -qu'elles soient politiques éducatives ou médiatiques- ne savent pas bien sur quel pied danser face à l'islam. Il y a ceux qui veulent faire sympa et répètent comme pour s'en convaincre que l'islam est une religion de paix. Il y a ceux qui décident que l'islam 'doit' évoluer, sans expliquer de quelle nature est ce 'devoir', ni pourquoi cette évolution irait forcément dans le sens qu'ils désirent - qui est celui d'un humanisme républicain, vaguement orientalisant.

Il y a ceux qui choisissent quelques musulmans à leur goût, et les instituent "représentants" de leur coreligionnaires. Il y a ceux qui décrètent que "le vrai islam" ne demande ni ceci ni cela, et tranchent de leur seule autorité des débats que animent depuis des siècles la théologie musulmane... et se feraient bien grands inquisiteurs pour imposer à tous ce "vrai islam".

Il y a aussi ceux qui donnent des coups de mentons, se fâchent de croiser sur les plages des femmes trop peu découvertes, et proposent d'interdire jusqu'au simple fichu. La réalité, c'est aussi que les seconds sont souvent les premiers - avec un simple décalage dans le temps. L'islam comme variable d'ajustement du discours politique.... ou comme relance des ventes des news magazines.

La période actuelle est peu propice à l’intelligence, avec la sidération depuis les attaques du 13 novembre, et à deux jours d’une élection qui s’annonce comme un coup de pied dans les urnes pour les vieux partis. Cependant, il n’est obligatoire ni de devenir idiot, ni de penser par automatismes.