lundi 16 mars 2015

L’Église ne tape plus sur le FN [par RF]

[par RF] En écrivant que l’Église de France ne tape plus trop sur le Front National, j’ai bien conscience de prendre le risque d’être démenti demain par un communiqué inopiné. Je ne me suis pas non plus livré à une étude précise des déclarations épiscopales pour dater le changement. Tout de même il est patent que les paroles sévères des années 80/90 n’ont plus cours. Je dirais même qu’elles n’ont plus cours… du tout. Et je propose 5 explications à ce silence :
1. L’explication par l’exigence envers soi-même
Il y a une génération on pouvait encore croire que le vote FN était celui de la bourgeoisie-conservatrice-de-province : les Le Quesnoy du film «La vie est un long fleuve tranquille». En fustigeant ce vote, l’Église pouvait penser gronder ses propres ouailles (ce qui n'aurait pas été pour Lui déplaire). Ce n’est plus le cas, ne serait-ce que parce que 25% des électeurs ne peuvent nécessairement pas tous faire partie des 4% des catholiques pratiquants. Cela signifierait que 90% des catholiques pratiquants, sinon plus, voteraient FN, ce qui est absurde. En outre, l’enracinement du FN dans des régions déchristianisées et à très faible pratique religieuse serait incompréhensible.
2. L’explication par Madonna
La chanteuse Madonna, lorsqu’elle passait en France, y allait de son petit crachat anti-FN. Elle a radicalement changé et dit maintenant «vouloir comprendre». Ce qu’il y a à comprendre c’est qu’il ne s’agit pas (plus?) de 10% de vieux aigris indécrottables, mais de 30% des électeurs. 40%, si on ne compte que les jeunes. Bref, le FN n’est plus pour Madonna un punching-ball commode, mais une part massive du public potentiel. Par analogie, l’Église peut rechigner à heurter de plein fouet toute une aile de la société dans laquelle elle existe.
3. L’explication par la continuité de la poussée progressiste
Des catholiques ont pu penser qu’en s’opposant au FN réputé (à l’époque) «conservateur» et «de droite», ils s’achetaient un brevet de respectabilité qui leur donnerait droit au chapitre. C’est ce que j’exposais dans un précédent billet sur la pile de l’assiette: quelque concession que fasse un catholique, quelque distance qu’il prenne, il finit toujours par tenir le rôle de l’intégriste aux yeux du laïcard intégral. Il y a 20 ans l’Eglise de France pouvait penser bénéficier d’une «laïcité apaisée», sauf qu’elle s’est pris et se prend en pleine figure la dé/construction du mariage, et la banalisation du dimanche, et la GPA, et le suicide assisté, et l’offensive contre son scoutisme. L’Église pouvait se croire dans un salon politique et policé, ou gauche raisonnable et droite modérée auraient conservé un cadre somme toute compatible avec ses valeurs, où le seul fauteur de trouble aurait été le FN. Tel n’est plus le cas. Droite et gauche n’ont cure de ce que fait et dit l’Église catholique.
4. L’explication par la pétoche
l’Église de France peut aussi avoir pris conscience de l’inefficacité de ses incantations. Pourquoi mobiliser des troupes qui ne répondent plus? Je ne dis pas qu’il n’existe plus un France sociologiquement catholique: le succès de la Manif Pour Tous a montré le contraire ce qui a surpris tout le monde (moi le premier). Mais la Manif Pour Tous a justement montré que ces troupes n’échappent pas à leur époque, et obéissent à leur sociologie plutôt qu’à ceux qui devraient être ses chefs. Bref, contre le FN, l’Église préfère peut-être se taire que de montrer qu’elle n’est plus entendue.

… Ces explications peuvent se chevaucher, bien qu’elles se contredisent, et j’en ose une dernière: 
5. L’explication par la conversion
Je lis dans L’Express qu’un «curé a récemment confié qu'il estime à 80 % le nombre de prêtres votant pour le FN» dans le Var. C’est peut-être exagéré, dans le Var ou ailleurs. Cependant les prêtres et les évêques peuvent avoir des parents et des fidèles qui se gênent de moins en moins pour assumer leur vote FN, dont ils doivent reconnaître que ce ne sont pas des monstres, et que les raisons peuvent  être comprises sinon entendues. Entendues, et peut-être même partagées, au moins quant à la perception de l’immigration musulmane, eu égard à une percée islamiste ici et ailleurs.

2 commentaires:

  1. Si les prêtres du Var votent FN, comme les moines de Fontgombault, alors Mgr Gueneley, évêque honoraire de Langres, actuellement en mission à Saint-Brieuc, devrait piquer sa rogne gauchiste. Il n'en a même plus la force.

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  2. Cher RF,

    Je ne doute pas que vous allez être démenti et vous rappelle que l'offensive des évêques contre le FN ne s'est pas arrêtée en 1990 puisque les évêques ont été en première ligne du cordon sanitaire et de la réaction "soviétique" -selon le qualificatif de l'offensé- contre Jean-Marie le Pen entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2002.

    Le cal Lustiger avait même privé le Pen de Jean-Paul II à l'occasion d'un voyage en France que ce pape avait fait avant cette élection et où toute la classe politique avait été invitée à lui présenter ses hommages,

    Une sixième explication à cette trêve relative pourrait être qu'il se trouve une génératiions d'évêques qui, sans être sur les thèses du FN, partage le conservatisme de "la manif pour tous", conservatisme qu'on croit porté par le FN, mais dont Jean-Frédéric Poisson ou Hervé Mariton sont beaucoup plus représentatifs: le FN n'a jamais été un parti bourgeois.

    FN et conservatisme? L'évolution de "radioNotre-Dame" donne une perspective intéressante sur la question. Elle reste globalement "la voix de mgr Vingt-trois" et ne fait pourtant que recycler des invités de "radio courtoisie", sans franchir le rubicond traditionaliste et aller jusqu'à inviter l'abbé de tAnoÜarn.

    Car il y a une grande différence entre le conservatisme et le traditionalisme.
    Les le Quesnoy étaient des conservateurs (en plus, Monsieur était directeur de l'EDF, vous pensez bien qu'il n'aurait jamais voté FN, qui plus est en chantant "Jésus revient!" Jésus et Jean-Marie ne sont pas tout à fait des messies du même genre, même si le second est très providentialiste-).

    Le FN s'assurait naguère une caution traditionaliste pour former un mouvement conservateur populaire. Les bourgeois auraient estimé se salir les mains en y participant. Je crois qu'ils n'ont pas changé d'avis, et Ce n'est pas le SIEL, dirigé par un français d'origine maghrébine, ce qui n'est pas pour plaire aux racisme ordinaire de la bourgeoisie française que cet avocat voudrait pourtant reconquérir, qui va les rassurer et les ramener vers le FN, Marine le Pen a fait un très mauvais calcul en s'inféodant le SIEL avec ce président-là...

    Sans compter que l'Eglise n'a aucune raison de se rapprocher du FN au moment où celui-ci se laïcise à outrance. Mais on voit souvent de ces rencontres qui se font à contre-temps, donc cet argument n'est pas le plus décisif.

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