lundi 2 juillet 2012

Sacrifice ? Oui, même l'été

Je m'en veux de paraître vous snober, laissant notre webmestre vaillamment en première ligne... Puisqu'il faut nous accrocher, sur ce blog, à une actualité, je choisis l'actualité liturgique et, dans l'extraordinaire rite que j'ai la joie de célébrer, la fête du Précieux sang, dimanche dernier. Le mois de juillet tout entier est traditionnellement consacré à cette dévotion. Dévotion? Cela signifie moyen de visibiliser un contenu de foi. Ici c'est le sacrifice du Christ qui est honoré dans le Précieux sang de Jésus, répandu pour nous.

Pourquoi le sacrifice ? Les théologiens n'ont pas toujours su répondre à cette question simple. Pourquoi est-il nécessaire que le Christ se sacrifie pour nous ? Il faut lire les Éclaircissements sur les sacrifices de Joseph de Maistre (récemment republiés pour un prix modique dans la petite collection Carnets de l'Herne). Il nous explique que le sacrifice fait partie de l'attitude religieuse fondamentale de chaque homme. Dans la Bible tout commence avec Caïn et Abel. Les hommes se considèrent spontanément comme en dette vis-à-vis de la Puissance créatrice. Tel est le fondement de l'esprit religieux. Nous sommes tous débiteurs : Dimitte nobis debita nostra... Pourquoi parler des offenses? Ce sont des dettes. Nous ne pouvons approcher de Dieu avec confiance, parce que nous sommes en dette vis-à-vis de lui.

Pour retrouver cette confiance perdue dans l'Ordre du Monde et dans la Source divine de cet Ordre, il nous faut tenter d'offrir quelque chose à Dieu. Quelle maladresse souvent dans ces offrandes et quelles insuffisances ! Que pouvons nous offrir à Dieu pour être à la hauteur ? Rien de ce qui est humain ne suffirait, tellement, avec Dieu, nous sommes dans d'autres dimensions. "Qu'offrirais-je au Seigneur pour tout ce qu'il m'a donné ? Je prendrai la coupe du salut et j'invoquerai le nom du Seigneur" dit le Psaume. Dans cette invocation déjà le Psalmiste offre Dieu à Dieu en quelque sorte. C'est le principe de ce sacrifice si profond que l'on nomme sacrifice de louange. Offrir Dieu à Dieu.

Mais dans nos sacrifices de louanges, cela reste de l'ordre des paroles. Paroles, paroles, tant que le Christ ne s'invite pas comme le fondateur de notre religion. C'est dans le Christ que ce sacrifice de louange dans lequel nous offrons Dieu à Dieu devient non plus seulement une aspiration de l'âme inquiète, mais la réalité à travers laquelle s'opère notre métamorphose.

Voilà la dévotion au Précieux sang, le service empressé de ce sacrifice du Christ qui fait de nous des dieux avec Dieu et en Dieu si nous le voulons. Le serpent n'avait pas menti sur toute la ligne, c'est bien de devenir comme Dieu qu'il s'agit dans l'oeuvre de notre salut. Mais c'est le Christ sacrifié qui mérite tout à notre place et, comme dit Cajétan (De fide et operibus adversus Lutheranos), si nous méritons nous, c'est dans le Christ... Oui : par Lui, avec Lui et en Lui. Quel soulagement de se dire qu'il a déjà acquis notre propre salut par son sang! Quel élan aussi lorsque nous pensons à ce que saint Paul a pu dire du mérite humain : c'est "ce qui manque à la Passion du Christ" (Colossiens 2).

9 commentaires:

  1. Nous nous sentirions tous en dette vis-à-vis de la Puissance créatrice qui serait Dieu, et ce serait cela qui justifierait le sacrifice, première attitude religieuse, tellement primitive que caïn et Abel sacrifient au Créateur, sans qu'on songe à se demander pourquoi! Bien vu sur ce sacrifice de louange, qui précède, dans la Bible, nos sacrifices de propitiation! Seulement, dans la réalité de la conscience religieuse telle qu'elle est effectivement apparue, est-ce bien de cela qu'il s'agit: une reconnaissance envers la Puissance créatrice? S'il en était ainsi, d'où viendrait que, sauf votre sagacité que je salue sans ironie, nous soyons allés jusqu'à oublier ce premier sacrifice? Si ce n'est que le sacrifice, première attitude religieuse en effet, soit, de mémoire d'homme, destiné à se rendre Dieu propice! Ainsi faisaient les augures, qui interprétaient les haruspices ! Le sacrifice naît de la peur et la peur engendre la culpabilité.

    En Jésus Seul, le Fils Unique, subsiste le sentiment de gratitude vis-à-vis de dieu, le Père! C'est pourquoi Lui seul a été justifié (ou jugé juste): c'est parce que Lui seul Sait accomplir le sacrifice de louange qu'Il Est en mesure de nous offrir le salut C'est parce que Lui seul Sait confesser que "Dieu Seul est Bon", à l'inverse de tout ce que nous a suggéré le serpent, que nous pouvons Lui accorder crédit, créance et confiance!

    Rappelez-vous cette cinglante tirade de vautrin à la fin du "Père Goriot" sur "l'ingratitude" qui serait le plus grand ressort humain! L'ingratitude? C'est elle qui nous fait plus souvent déplorer que nous n'avons pas demandé à naître ou demander: "Pourquoi moi?" quand nous sommes affligés d'une épreuve, que savoir choisir la vie ou remercier dieu pour le bonheur de voir Son soleil briller sur nous et "la lumière éclairer tout homme venant en ce monde!" Je ne sais pas si l'homme est naturellement mauvais, comme le disent les luthériens, les calvinistes, les jansénistes et vous-même, dans votre animosité contre Rousseau; mais, ce qui est sûr, c'est que l'homme est naturellement pessimiste.

    C'est parce que Jésus Seul Est Reconnaissant qu'Il Peut nous inviter à renaître et à faire de nos "sacrifices de propitiation" que sont nos messes quotidiennes ou dominicales, également des "sacrifices de louange", c'est-à-dire des Eucharisties!

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    1. Cher Julien,
      Rectification: les augures tiraient des présages, appelés auspices ou augures, du vol et du chant des oiseaux, de l'appétit des poulets sacrés, des phénomènes atmosphériques, tandis que les haruspices tiraient des présages de l'état des entrailles des victimes du sacrifice, tout cela était de la superstition, décadence de la religion primitive. Dieu interdisait le recours aux devins, et Saül a été maudit pour cela.
      La conscience religieuse n'est pas "apparue", c'est du pur modernisme. Dieu s'est fait connaître de ses créatures dès le début, Il parlait à Adam et Eve et à leurs enfants, et n'avait pas été sans leur enseigner à rendre hommage à leur souverain Créateur et Maître par des offrandes, dons et sacrifices à sa gloire, pour lui rendre un culte et obtenir sa grâce.
      Sacer veut dire mis à part pour Dieu, consacré, saint: c'est un bien que nous retirons à notre usage personnel pour le donner (en fait le rendre) à Dieu, le consacrer à Dieu, nous l'immolons, c'est-à-dire nous le détruisons, nous y renonçons pour nous-mêmes.
      Ce que Dieu nous demande comme notre petite part à son sacrifice, c'est tout nous-mêmes, notre entière volonté, que nous accomplissions tous ses désirs: "Celui qui perdra son âme pour moi, la sauvera". Louer, honorer, adorer et servir Dieu, c'est ce que nous avons à faire sur terre pour, par ce moyen, sauver notre âme afin de la consacrer à Dieu dans l'éternité pour lui rendre gloire, parce que c'est sa volonté.
      Le sacrifice ne naît pas de la peur, et la peur n'engendre pas la culpabilité, c'est l'inverse. On a peur des représailles. Le sacrifice naît de l'adoration. La peur n'a rien à voir là-dedans.
      Notre-Seigneur n'a pas accompli seulement un "sacrifice de louange", c'est la tarte à la crème du concile et des modernistes. Il a offert sa vie pour réparer l'offense faite à Dieu par les hommes, pour obéir à son Père, par amour pour Lui et pour ses créatures.
      L'homme est marqué par le péché originel, sa nature est blessée, elle ne létait pas à l'origine. Seul le Christ donne la solution. Il est la Voie, la Vérité, la Vie: en dehors de Lui, il n'y a que ténèbres.

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  2. Monsieur l'abbé G2T, vous mettez la barre très haut mais toujours avec une grande humanité. C'est pourquoi j'ai une très grande confiance en vous, sans néanmoins connaître votre Foi, ce qui peut sembler paradoxal. Avec vous, la Religion n'est pas un Chemin de Croix, si je puis dîre mais une ardente découverte, que vous souhaitez nous faire partager, pour tant de nobles raisons, qu'elles nous arrachent presque notre adhésion, involontairement de notre pleîn gré....

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    1. L'ardente découverte se fait justement dans le chemin de croix de notre vie, c'est là que nous apprenons à adorer Dieu, à L'aimer par-dessus tout en L'imitant.

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    2. Merci cher Guy Robin, de cette forte pensée à mon intention, et puisque vous me "poussez" amicalement dans mes retranchements, et si vous me permettez de le dire, ce que j'apprécie hautement, chez le Père G2T, c'est qu'il est super tradi., sans être moralisant, ça c'est une combinaison très rare, vu que le laxisme et/ou le rigorisme ne sont pas les bonnes cartes, me semble-t-il, dans les mains des véritables éveilleurs de conscience, comme l'Église, d'après ce que j'ai modestement saisi de Sa situation, en a tant besoin, surtout à notre époque où l'Univers subit des bouleversements (démographiques, économiques....) comme peut-être jamais il n'en a connus de tels.
      Cordialement,

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    3. Cher Thierry,
      Je ne vous contredirai pas sur ce point, m'étant régalé pendant dix ans des sermons de M. l'abbé de Tanouärn à Saint-Nicolas. C'est certainement une des plus belles voix de la tradition, un éveilleur de conscience, comme vous dites: excellence de l'art prédicatoire, du niveau littéraire, érudition, chaleur communicative, originalité des nouveaux aspects découverts. Dommage que la rectitude philosophique et théologique du contenu gâche un peu le tout. Le laxisme est très mauvais, la charité très bonne. L'Eglise est rigoriste, exigeante, mais accueillante, comme son Divin Maître la montré.

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  3. Comment St Paul peut-il dire qu'il manque quelque chose à la Passion du Christ? A mon avis, uniquement en ce sens que le Père, dans son Amour, a voulu cet honneur pour l'homme, de participer à son propre rachat. Ce n'est pas un manque du côté du Fils, c'est un surcroit d'Amour pour nous. Cette conviction peut nous aider lorsque survient l'épreuve.

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    1. @Lysistrata
      Oui, vous avez raison. Notre-Seigneur a racheté notre dette, il ne manque que notre signature au bas du parchemin, c'est cela notre participation, c'est l'acceptation du Sacrifice qu'Il a accompli une fois pour toutes, en nous plongeant dedans avec Lui.
      C'est Lui qui fait tout, qui a tout fait, il ne veut que notre assentiment, qui se manifeste par l'offrande de nous-mêmes.

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  4. A Guy Robin (me répondant),

    cher ami (et co-contributeur sur le métablog),

    Tout d'abord, merci de votre rectificatif, j'avais en effet mangé l'une de mes premières leçons d'histoire romaine, qui nous enseignait la différence entre les augures et les haruspices.

    Maintenant, vous prenez le problème par le côté surnaturel et moi par son aspect anthropologique.

    Quand vous parlez de "décadence de la religion primitive", vous me faites penser à ces musulmans qui veulent à tout prix, en faisant fi de l'histoire religieuse telle qu'on a cru pouvoir la reconstituer (mais on ne la reconstitue certes jamais innocemment), qu'au commencement ait été le monothéisme, que le prophète Mohamed serait venu rétablir.

    Dans le même ordre d'idées, "sacer" a exactement la même signification que le "qadosh" hébreu, et dès lors, il y aurait beaucoup à inférer des travaux du Père frédéric guigain pour reconnaître les similitudes, non seulement entre la psalmodie du coran et la transmission orale des Evangiles (ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'abbé de t lors de l'émission où il a invité son éminent confrère), mais de la péricope synagogale et de la liturgie latine, ou encore de la mémorisation des Paroles du christ et de la méditation du chapelet, que nous pouvons cesser de percevoir comme un rabâchage païen en contradiction avec la contrindication évangélique de la prière répétitive, mais au contraire en continuité par Marie avec l'anamnèse des Mystères de la vie et des Paroles de son fils.

    Si je reviens à l'anthropologie de la conscience primitive (et quasi reptilienne) de "l'animal religieux",que nous sommes, telle que peuvent la refléter "les données immédiates de notre conscience", je suis quand même forcé de convenir que, plus ma condition physique ou psychique est précaire, et plus mon désir le plus urgent est de me concilier un Dieu Qui me fait peur avant que je puisse Le louer. Car cela nous va bien à nous de ne pas vivre dans la pensée de l'accident et dans la crainte de la douleur; mais pouvez-vous vous mettre dans la peau d'un de nos premiers ancêtres, pour qui se faire prédire l'avenir est presque un vaccin vital contre l'angoisse de son insécurité extérieure?

    Ensuite, j'aime beaucoup ce que vous écrivez sur le fond, qui révèle, si vous le pratiquez (et même si vous n'en concevez que l'idée) une vraie générosité, une grande capacité oblative et un sens réel de l'abnégation. J'aimerais perdre mon âme pour Dieu comme Il a donné Sa vie pour moi, mais je ne me sens pas cette capacité de me perdre. "Dans la peur de perdre, je me sens amer". J'ai peur de perdre comme de sauter dans le vide ou l'inconnu. Je n'arrive pas à raisonner cette peur. Comme les primates dont je conviens que vous puissiez douter que nous descendions, vous et moi, puisque j'en doute aussi, je m'accroche, j'hésite à lâcher prise pour m'abandonner tout en dieu. J'ai pratiqué le devoir de m'asseoir et je ne me sens pas la force de faire le grand saut mystique dans le renoncement.

    Ne croyez pas que j'en déduise que dieu serait peu Capable de don parce que je suis limité! Je ne dis pas non plus que la Passion du christ se réduise à un "Sacrifice de louange". Je dis qu'elle a été rendue possible par la conviction qu'avait le fils de la souveraine Bonté de son Père. Et puis je m'interroge : est-ce que ce sacrifice du fils Unique n'est pas la prémisse d'une spécificité religieuse de notre religion de l'Incarnation en guerre contre la chair, qui serait la sortie pour l'homme de la religion du sacrifice par le Sacrifice du plus capable et du plus désireux de S'Immoler? Si telle n'est pas une (au moins) des spécificités du christianisme, où peut-on la situer?

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