vendredi 29 juin 2012

[Vu Sur le Net] En soutanes

Restriction! Jean Mercier écrit un
peu trop rapidement que la soutane
blanche est réservée au Saint Père.
Magnifique article de Jean Mercier sur son blog de La Vie sur la soutaneL’habit de lumière»). Il s’interroge sur le phénomène: «il y a exactement 50 ans, les jeunes prêtres enlevaient la soutane, les jeunes prêtres de 2012 la remettent volontiers». Après avoir fait le tour de la question il pense pouvoir conclure que...
«...l’attitude invoquée en 1962 comme en 2012 est, au fond, assez similaire : le prêtre veut être apôtre. Il y a 50 ans, il croyait être plus crédible et efficace dans son ministère apostolique en ayant l'air moderne, en réduisant l’écart avec l’homme en civil. Aujourd'hui, certains prêtres estiment qu’on évangélise plus efficacement à partir d’une communication visuelle abrasive et qui renvoie à un style “ancien”. Mais la démarche a en commun une ambition, celle d'annoncer le Christ dans deux situations historiques radicalement opposées. Les solutions qu'ils donnent apparaissent opposées, bien que l'intention soit la même.»
Pour l’anecdote, on lit qu’«en 1962, dans les grands magasins, il y avait un secteur pour prêtres, ce qui atteste de leur insertion encore forte dans une société où la sécularisation n'a pas encore produit tous ses effets».

En 2012 la soutane est une affaire de jeunes, et ce retour à des formes anciennes (Mercier écrit que «ce phénomène va de pair avec le retour en grâce de la messe tridentine») n’est pas du goût de tous leurs anciens. Dans un article du Figaro, au sujet des ordinations, Jean-Marie Guénois évoque…
«… ce prélat d'une très importante ville du sud-est de la France qui a refusé, il y a peu, une petite dizaine de candidats qui souhaitaient devenir prêtres. Sans doute ces jeunes, à l'aise avec le col romain et la soutane, ne cadraient pas vraiment avec la ‘bonne’ vision ecclésiale.»
Mais enfin, les faits sont cruels. L’Eglise de France pensait pouvoir tabler sur ‘120’ ordinations diocésaines chaque année, il y en a moins de 100 cette année, et encore moins en 2013. Jean-Marie Guénois donne la parole à un ‘expert du dossier’ qui estime que les évêques sont en train de changer. Tant qu’ils disposaient encore de prêtres ils pensaient que «les laïcs allaient prendre le relais» – maintenant que le tissu ecclésial craque pour de vrai, ils veulent tout de même un minimum de clergé. Il y aurait certes «encore quelques résistances, mais le mot ‘vocation’ n'est plus un tabou». L’expert demande «de ne pas être cité tant le sujet est douloureux dans les rangs épiscopaux». Bref, il y a encore du travail.

En parlant de travail, nous vous disons la joie de l’Institut du Bon Pasteur d’amener de nouveaux ouvriers à la vigne du Seigneur. Aujourd’hui 29 juin 2012, Mgr Fernando Monteiro Guimarães a ordonné à Bordeaux cinq membres de l’IBP. Trois nouveaux prêtres, les abbés Yvain Cartier, Giorgio Lenzi, et Daniel Pereira Pinheiro. Deux nouveaux diacres, les abbés Luis-Fernando Karps Pasquotto et Renato Arnellas Coelho. Deo gratias.

jeudi 28 juin 2012

Leak à pic

La lettre de l’abbé Thouvenot aux responsables de la FSSPX a fuité le jour même – et qui plus est en double, puisqu’on en a trouvé deux fac-similés différents sur divers pages. Aussitôt après la lettre a été reprise sur le Forum Catholique, sur TradiNews, sur La Croix, sur Riposte Catholique… bref : partout.

Elle était pourtant ‘confidentielle’ et ‘interne’ cette lettre, qui informait que :
  • Mgr Fellay n’avait pu signer le document («clairement inacceptable») qui présenté par Rome le 13 juin.
  • Mgr Williamson est persona non grata aux ordinations d’Ecône, ainsi qu’au chapitre de la FSSPX.
  • Les ordinands des communautés (ex?-)amies que sont les Capucins de Morgon ou les Dominicains d’Avrillé ne seront pas ordonnés.
Comme le résumait John Daly sur le Forum catholique: Mgr Fellay ne signe pas, ne reçoit pas, et n'ordonne pas. Et tous les commentateurs de déplorer la fuite (même quand ils y contribuent) et de plaindre Mgr Fellay. A y bien regarder pourtant, ce nouveau tradileak tombe à pic :
  • Vis-à-vis de ses troupes, Mgr Fellay passe pour ferme face à Rome.
  • Vis-à-vis de Rome, Mgr Fellay passe pour ferme face à ses troupes.
Le tout à moindre frais! La lettre est certes ‘confidentielle’ mais son contenu ne l’est pas: Les ordinations sont publiques, et annoncer quelques dizaines d’heures à l’avance qu’on prive de sacrement les communautés ‘amies’ ne change pas grand chose à l’affaire.
 
Clairement, Mgr Fellay est bénéficiaire net dans la divulgation de cette lettre en forme de communiqué de presse. Et l’épuration qu’elle annonce n’est qu’un préparatif supplémentaire en vue de la réintégration dans l’Eglise officielle.

samedi 23 juin 2012

Voyage au coeur de la légitimité française

C'est ainsi que nous avions intitulé notre voyage à Reims. Je crois que tous ceux qui ont souhaité participer d'une manière ou d'une autre à l'aventure, soit en assistant simplement à la messe célébrée par l'abbé Baumann dans la cathédrale, soit en nous accompagnant pour le repas (plus de 80 personnes), soit en suivant le programme de visites, vraiment dense, qui a suivi : Saint Remy, la Cathédrale, le Palais du Tau, tous ceux-là n'auront pas été déçus. J'ai été touché par l'amitié simple qui s'est noué entre des gens très différents unis dans le même enthousiasme johannique, avec au milieu d'eux Sixte-Henri de Bourbon-Parme, qui malgré les béquilles, séquelles de son accident, a tenu à accompagner notre groupe toute la journée. Lorsque, dans le car au retour, j'ai annoncé que nous continuerons les activités de l'association Avec Jeanne, au-delà du 6ème centenaire, j'ai senti, de la part des 60 pèlerins qui avaient choisi ce moyen de locomotion une véritable ferveur. Acceptons en l'augure !
Jeanne, c'est le grand vaccin anti-peur.
La messe a été digne et chaleureuse. Les deux petits communiants qui ont reçu leur Seigneur en ces festivités johanniques ont impressionné l'assistance par leur recueillement. Nous avons chanté la messe du Saint Sacrement. Merci à Monsieur D. de sa direction assurée ! Le Cantique à Jeanne d'Arc et à son étendard de délivrance a conclu, avec quelque chose de martial qui promet, cette cérémonie heureuse. Jeanne, c'est le grand vaccin anti-peur. Le courage, à l'école de Jeanne, ne consiste pas à ne pas avoir peur mais à savoir mettre ses peurs de côté. Je vous avoue qu'en prêchant, j'avais encore devant les yeux l'extraordinaire Alouette de Jean Anouilh et cette sublime mise en scène de Jeanne au théâtre de la Gaieté (jusqu'au 28 juillet), avec en Alouette, en Jeanne, Sara Giraudeau. Dans cette pièce, Jeanne ne meurt pas et reçoit l'hommage de tous pour... son courage de femme enfant (femme enfant dans la pièce d'Anouilh, dans l'interprétation de Sara Giraudeau, comprenez moi)... Le génie d'Anouilh et de ses femmes enfants, Jeanne ou Antigone, c'est de mettre le sublime à notre portée. N'est-ce pas le rôle mystique de Jeanne aujourd'hui, pas seulement dans la Pièce mais dans la vraie vie ?

Pour nous remettre de ces premières émotions, nous étions attendus dans un restaurant où les gens aiment vraiment leur métier et servent de la qualité sans faire grimper les additions plus que de raison [il s'agit de Côté cuisine, boulevard Foch : la bonne adresse à Reims question rapport qualité prix]. Alain Bournazel, notre nouveau président d'honneur, historien à l'écriture souple et agréable, nous adresse quelques mots bien sentis sur la politique de Jeanne d'Arc, sur l'importance de sa présence à Reims. Nous avons encore la cathédrale dans les yeux : une magnifique composition de lieu. Je passe sur les visites, en soulignant simplement l'extraordinaire savoir du Professeur Demouy, qui nous a fait littéralement découvrir la cathédrale, et l'accueil chaleureux de M. Péniguet, au Palais : il nous a confié à l'un de ses meilleurs guide, victime volontaire lui aussi de ce que j'appellerais ici la passion-Reims, en me demandant la part qu'y prend, chez nous, la passion-Jeanne.

Longue conversion avec Bertrand, dans le car en rentrant. Il a ces mots : "Finalement, il a suffi d'une personne". J'ajouterais à retardement : "Et si, dans un domaine quelconque, même très restreint, cette personne, c'était moi ?" C'est la question de Jeanne finalement.

mercredi 20 juin 2012

Mgr Simon m'a donné à penser

Cher Monseigneur,

Votre entretien paru dans Ouest-France le 19 juin dernier et que l'on trouve aisément sur Tradinews résume parfaitement le discord théologique qui s'est installé entre les catholiques de Tradition et les catholiques de Progrès. Disons : entre nous et vous. A ce titre, il mériterait de figurer dans les anthologies historiques du catholicisme.

Vous focalisez notre attention sur deux points : la liberté religieuse d'une part ; la notion de tradition d'autre part.

Voici ce que vous nous reprochez en substance à propos de la liberté religieuse. Je  cite :
"Les lefebvristes en restent à la thèse de 1864. Ce qu'ils récusent en Vatican II, fondamentalement, c'est la liberté religieuse, l'idée qu'on puisse accepter que l'État laisse s'exprimer des convictions qui ne sont pas des convictions catholiques. En vertu d'un principe de base: la vérité a des droits, l'erreur n'a pas de droits. Ils n'ont pas compris que le Concile a déplacé la question. Que ce ne sont pas la vérité ou l'erreur qui ont des droits, mais la personne. C'est le droit des personnes de n'être pas obligées de croire ou de ne pas croire"
Ce texte est tellement riche que vous me permettrez de m'y arrêter quelques instants.

"Les lefebvristes en restent à la thèse de 1864" écrivez-vous.

Les lefebvristes, mais aussi la plupart des traditionalistes et encore beaucoup de catholiques donnent au Syllabus de Pie IX (1864) une autorité, qui dépasse la simple authenticité magistérielle. C'est la sentence commune des théologiens, cette autorité exceptionnelle du Syllabus. La thèse de 1864 repose d'ailleurs elle-même sur un enseignement constant des papes du XIXème siècle face à l'émergence du libéralisme politique et civique. Vous-même, d'ailleurs, cher Monseigneur, il m'étonnerait que vous voyiez d'un bon oeil le libéralisme qui aujourd'hui constitue une véritable menace de dissociation pour les sociétés occidentales. En cela, vous n'êtes pas si éloigné que vous le dites de la condamnation de Pie IX, stigmatisant le libéralisme dans la Proposition 80 du Syllabus.
 
Vous me direz : - Il ne s'agit pas de la même chose. Je vous répondrais : - Il est évident que nous ne sommes pas au même siècle. Un Grégoire XVI appelant la liberté de la librairie "une liberté funeste dont on ne peut avoir assez horreur" (dans Mirari vos) n'a pas pris la mesure de la nouveauté des temps. Il est certain que ses condamnations sur ce point (participant d'un magistère authentique mais non infaillible) sont largement dépassées. Mais sa critique de l'indifférentisme - si vigoureuse ! - reste, elle, indépassée à ce jour. Elle constitue d'ailleurs le motif profond de ses interventions... et des nôtres. On dirait qu'il avait prévu quelque chose du matérialisme crasse dans lequel l'humanité s'enfonce aujourd'hui.
 
Pour résumer à propos de "la thèse de 1864", nous dirons : les papes ont eu raison de condamner le libéralisme : l'histoire leur donne raison un peu plus chaque jour, un Philippe Muray l'avait largement pressenti dans Le XIXème siècle à travers les âges ; mais les papes, je l'écris en tremblant, ont sans doute eu tort lorsqu'ils ont condamné de manière trop absolue le libéralisme politique dans toutes ses manifestations, parce que l'on ne saurait condamner un fait accompli comme s'il pouvait ne pas être. S'il fait jour à 6 H du matin, on ne peut condamner ce fait, au nom de je ne sais quel droit au sommeil par exemple. Les faits forment la limite de toute démarche purement axiologique. Les traditionalistes qui ne sont pas plus bêtes que les autres catholiques en sont parfaitement conscients, même s'ils savent aussi que cette limite n'est pas toujours facile à établir dans le concret.

Dans la phrase suivante, vous définissez la liberté religieuse comme "l'idée qu'on puisse accepter que l'État laisse s'exprimer des convictions qui ne sont pas des convictions catholiques". Mais cette définition que vous donnez n'est pas celle de la liberté religieuse, c'est celle de la tolérance religieuse, qui est aussi vieille que la parabole du bon grain et de l'ivraie : "Laissez les pousser ensemble jusqu'à la moisson". Cette tolérance-là, elle est une invention du christianisme, personne ne la conteste parmi nous, même pas votre confrère "lefebvriste" Mgr Tissier de Mallerais, auquel j'ai écrit récemment de tous ces sujets.

Dans votre critique du "lefebvrisme" (et des positions catholiques traditionnelles), vous désignez "un principe de base: la vérité a des droits, l'erreur n'a pas de droits. Ils [les dits lefebvristes] n'ont pas compris que le Concile a déplacé la question. Que ce ne sont pas la vérité ou l'erreur qui ont des droits, mais la personne".

Plus qu'un théologien, cette formule mériterait l'acribie d'un juriste, que je ne suis pas.
 
La position que vous tenez a effectivement ses défenseurs, mais il me paraît excessif et contraire à une herméneutique vraiment contextuelle d'en faire la position du Concile. Dire que "seule la personne a des droits", c'est réduire le droit au droit subjectif (quitte à trouver dans cette subjectivité même une forme d'objectivité, là n'est pas la question).
 
Je voudrais poser une question simple : le droit n'est-il pas l'expression de la justice ? Mais la justice peut-elle vraiment se conclure du sujet humain, posé a priori comme source ? Michel Villey s'est posé la question de manière approfondie dans Le droit et les droits de l'homme. Il me semble qu'il faut aller, avec lui et quelques autres, au fond du problème : sait-on ce que c'est que la justice pour pouvoir aisément définir le droit du sujet ? Depuis Platon, nous sommes bien obligés de reconnaître que non. Exemple récent de cet agnosticisme moral, le curieux livre de Ruwen Ogien traitant officiellement de L'influence de l'odeur des croissants chauds sur la bonté humaine et officieusement de l'incapacité où nous sommes à définir la justice et le droit qui en découle (Grasset).
 
Il faut bien reconnaître, pour aller dans ce sens, que les droits subjectifs sont contradictoires : il y a le droit au travail et le droit aux vacances, le droit à la vie et le droit de mourir dans la dignité, le droit de l'entrepreneur et le droit du salarié etc. Marx, que vous connaissez bien pour avoir beaucoup travaillé, je crois, sur ses textes de jeunesse était très sceptique sur le fait que l'on puisse définir le droit a priori en le déduisant de la personne. Il craignait que l'idéologie ne vienne contaminer immédiatement la pureté de sentiment des belles âmes humanistes (cf. ses Réflexions sur la question juive).
 
Peut-on écrire froidement : le Concile a déplacé la question ? Je n'en suis pas sûr. Qu'a-t-il pu changer, ce Concile, à l'impuissance de notre raison à définir une idée a priori de la justice applicable immédiatement aux personnes, revendiquant chacune leur droit sans contradiction?
 
Que les personnes aient des droits, c'est clair, mais leur droit n'est jamais absolu. Le droit, c'est une relation, comme l'a génialement vu Aristote. Ainsi le droit du salarié ne se définit pas a priori, mais dans la relation entre le salarié et l'entreprise, entre le salarié et l'entrepreneur, entre le droit du salarié et le droit de l'entrepreneur. La justice - et le droit qui en découle - consiste à attribuer à chacun son dû. Cette attribution se fait "au cas par cas", et d'abord selon un ordre qui est l'ordre public, toujours différent ici et là. A cet ordre public, foncteur du droit, le Concile se réfère abondamment et d'une manière qui contredit l'idée défendue par Mgr Simon selon laquelle la personne est, par elle-même, la source du droit.
 
Dans ce contexte "juridictionnaire", peut-on dire que la vérité n'a pas de droit ? Si l'on considère que la vérité est une idée et que l'erreur est l'idée contraire, alors il est clair que la formule du "droit de la vérité" est inappropriée. Une idée n'a pas de droit.
 
Mais si la Vérité est une Personne, cette Personne qui a dit JE SUIS, au commencement du Livre ? Alors il faut bien admettre qu'elle entre en relation avec les personnes humaines et que ces relations (qui constituent une histoire) offrent la matière de droits. Comment penser autrement ?
 
Ainsi, par exemple, on peut dire que le Christ est roi, non pas par son idée (cette fameuse idea Christi qui faisait kiffer Fichte par exemple), mais comme le dit le vieux cantique, par sa naissance, par son advenue au monde. Depuis que le Christ est né, le Royaume de Dieu est au milieu de nous et - que nous le voulions ou non - il s'accroît chaque jour. C'est son droit, c'est sa loi (la loi du sénevé évangélique).
 
En étendant ce propos à la dimension politique de l'animal humain, on peut même aller jusqu'à dire que dans l'extraordinaire "anarchie chrétienne" qu'a récemment décrite avec bonheur Jacques de Guillebon, il n'y a pas de droit sur autrui en dehors de cette Vérité-là : "Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut" dit rudement le Christ à Pilate, qui revendiquait un peu bêtement le "droit" que lui conférait son pouvoir. Le droit chrétien n'est ni celui du plus fort ni même celui du plus digne, encore moins le très obscur droit de l'homme, il est toujours d'abord un droit de Dieu (et en ce sens un droit de la vérité). Loin de signifier oppression ou "divin esclavage", ce droit de Dieu est notre liberté à tous. Qu'arrive-t-il quand on ne le reconnaît plus ? Le pape Jean-Paul II (qui n'est pas un lefebvriste que je sache) a parlé à ce sujet de "totalitarisme". Dire que "seule la personne" a des droits, c'est se précipiter dans un subjectivisme qui, tôt ou tard, virera au totalitarisme. Se passer de la splendeur de la vérité pour élaborer des droits qui "viennent de la personne elle-même" c'est un leurre, qui finira par nuire grandement aux personnes qui ont cru pouvoir se passer de cette vérité les transcendant et les établissant dans leurs droits.

"C'est le droit des personnes de n'être pas obligées de croire ou de ne pas croire" concluez-vous. Et là encore vous donnez matière à penser. Ces mots semblent anodins. Ils ont leur profondeur. Pour la saisir, je crois qu'il faut distinguer clairement "obliger" et "contraindre". Ecrire que le droit des personnes est de ne pas être contraintes... Cela me paraît relever de ce que Pie XI dans Non abiamo bisogno (1931) appelait "le droit des consciences". Ce droit est imprescriptible. La liberté des animaux raisonnables que nous sommes n'est pas optionnelle. Elle est dans notre nature même, dans la mesure où s'exprime naturellement notre libre arbitre comme le notait Thomas d'Aquin : le libre jugement de notre raison. La foi est d'ailleurs nécessairement l'expression de cette liberté de la conscience.
 
Mais une tout autre chose est de dire, comme vous le faites, que le droit des personnes est de ne pas être obligées... L'obligation ici n'est pas physique, elle est morale. Dire que nous n'avons aucune obligation morale face à la foi et à sa vérité... cela je crois que même le Concile ne l'a pas toujours enseigné. Certains paragraphes (comme le paragraphe 3 de Dignitatis humanae) sont particulièrement ambigus, semblant mettre la recherche au dessus de la vérité elle-même. Mais enfin, il est bien connu qu'au fil des rédactions de DH, cet insoutenable postulat libéral selon lequel l'individu n'a aucune obligation envers Dieu et envers son Evangile a été abandonné. Et aujourd'hui l'herméneutique continue le travail des Pères, sous la houlette autorisée du Pasteur universel. Nous cherchons à connaître toujours mieux nos devoirs objectifs envers la vérité - vérité qui, bien entendu, nous oblige... pour cette vie et aussi pour l'autre, car comme dit saint Paul aux Hébreux (11, 6) : "Sans la foi, il est impossible de plaire à Dieu".  Que resterait-il de cette phrase, je vous le demande, réfléchissez-y, si "nous n'étions pas obligés à croire" ? Rien.

Cher Monseigneur, j'ai beaucoup aimé ce que vous écrivez plus loin sur la Tradition qui, dites-vous, "n'est pas fixée" à 1864. Ni non plus d'ailleurs à 1965 ! Je crois, avec le cardinal Newman, que la Tradition se fait au fur et à mesure de l'histoire de l'Eglise. Sous la houlette du Pasteur suprême, les brebis et les moutons que nous sommes se sentent obligées de mâcher l'herbe de la doctrine. Oui, c'est dans la mesure où nous nous sentons doucement obligés de croire, dans la mesure où nous sommes invinciblement attirés par la vérité dans toute sa splendeur native que nous poursuivons validement cette longue herméneutique de la Parole de Dieu qui a nom Tradition. C'est cette pensée d'une Tradition "non fixée", qui ne se limite ni à un temps donné, ni à ce que Cajétan appelait un peu dédaigneusement "le torrent des docteurs", ni à tel ou tel interprète naturel (hormis les papes dans les conditions déterminées à Vatican I et au n°25 de Lumen gentium) qui m'a donné l'idée de cette trop longue réponse à votre très inspirant entretien. Est-ce cela la tradition vivante ? Merci en tout cas de nous donner l'occasion d'un dialogue par la clarté de vos propositions.

mardi 19 juin 2012

Ca bouge dans le Tradiland

Mgr Fellay - photo classique
et photo (à la diffusion) plus récente
[MàJ du 19/06/2012 - 18H30] Un rapide mot en passant pour vous dire que j’ajoute deux blogs à la liste déjà assez longue de nos tradiliens. Il s’agit respectivement de sisciresdonumdei et de catholique-refractaire issus tous deux [de l'effacement] du forum Fecit. Sur ‘Si Scires Donum Dei’, on trouve [une ligne accordiste]. Sur ‘Refractaire’ on trouve (le ton d’) Austremoine. Puissent-ils suivre de conseil du Père Faber (cité ci-dessous par Ernest Hello) selon qui «si tout à coup un homme regardait avec amitié les autres hommes, et envisageait leur conduite avec l’interprétation favorable, cet homme […] aurait tout à coup une puissance de persuasion qui étonnerait lui-même et les autres, parce qu’il aurait l’esprit contraire à l’esprit de contradiction.» Puissent les uns et les autres s’en inspirer?

Bach et le pasteur Joly

Ce soir au Centre Saint Paul, à 20 H 15, c'est le pasteur Joly qui viendra nous présenter son dernier livre : Prier avec Bach. Je voudrais montrer, en invitant un Pasteur luthérien que le véritable oecuménisme fonctionne toujours par le haut, non pas à travers la quête d'un impossible dénominateur commun, à la manière des libéraux qui croient faire l'union et qui se contente de faire le vide, mais en se mettant ensemble devant les chefs d'oeuvre chrétiens (utilisés d'ailleurs aussi bien dans la liturgie luthérienne que dans la liturgie catholique). Prier avec Bach ? Nous le faisons les uns et les autres. Bach ? C'est l'oecuménisme du sublime, c'est l'union dans le même génie du christianisme.

lundi 18 juin 2012

"L'esprit de contradiction" - Ernest Hello

Au sujet des disputes qui se lèvent dans la FSSPX: un prêtre me signale ce texte d’Ernest Hello, qu’il juge actualité. Et de fait…

Depuis que je suis au monde je vois les hommes se disputer, et vous aussi, sans doute.Le fait universel, c’est une universelle contradiction. J’ai vu la contradiction et l’injustice dans la cité, dit l’Écriture. Le rapprochement de ces deux mots contient un enseignement profond. L’injustice est fille de la contradiction.La division couvre la terre. Ce ne sont pas les ennemis qui sont le plus profondément divisés, ce sont les amis. Là où l’union semble exister, la division existe, plus radicale et plus intime. Je ne m’étends pas sur ce fait. Je le constate sans le discuter. L’état intellectuel du genre humain est le chef-d’œuvre de la division. Est-ce à dire que personne ne s’entende avec personne sur aucun sujet? Non, il n’en est pas ainsi. Les hommes, si je les regarde en eux-mêmes, au fond de leur âme, ne sont pas aussi profondément divisée que dans leur vie extérieure et dans leurs discours. Si je pouvais les regarder au fond d’eux-mêmes, solitaires et recueillis, je ne les trouverais pas aussi éloignés les uns des autres, aussi séparés, aussi divisés qu’ils y apparaissent quand je les considère dans la mêlée de la vie. Pourquoi se font-ils plus ennemis qu’ils ne le sont réellement? Ils sont faits pour l’union, et la division est leur malheur. Pourquoi augmentent-ils leur malheur, qui est d’être divisés?

La question est d’une importance énorme, d’une importance universelle : c’est qu’il y a dans le monde un monstre qui s’appelle l’Esprit de contradiction. Si je considère toutes les personnes ou toutes les choses de ce monde, je peux les considérer sous plusieurs faces, et vous aussi. Paul voit une chose d’un certain côté; il 1a voit blanche. Pierre voit la même chose d’un autre côté; il la voit noire, tous deux ont raison, tous deux ont tort, car la chose est blanche d’un côté et noire de l’autre.

Elle est blanche! s’écrie Paul. Elle est noire! s’écrie Pierre. Et voilà deux ennemis. Paul et Pierre, au lieu de s’entraider et de compléter le regard de l’un par le regard de 1’autre, s’acharnent l’un et l’autre à nier ce qu’il ne voit pas lui-même. C’est l’esprit de contradiction qui ferme les yeux et qui aigrit le cœur, qui aveugle et sépare les âmes. Plus Paul voit la chose blanche, plus Pierre la voit noire. Pierre la voit horriblement noire, parce que Paul l’a vue excessivement blanche. Leurs regards, au lieu de se prêter secours, s’irritent les uns contre les autres. C’étaient deux hommes intelligents, faits pour s’entendre. Ce sont maintenant deux ennemis, stupidement entêtés, stupidement aveuglés, parce que le serpent de la contradiction a levé sa tète entre eux deux. La chose est si simple que sa simplicité dissimule son importance. Pour que Pierre puisse montrer utilement à Paul la face noire qu’il voit, il faut d’abord qu’il voie aussi parfaitement que Paul la face blanche que Paul a vue et qu’il le lui dise. S’il ne le lui dit pas, chacun se cantonnera irrémédiablement dans son point de vue séparé. C’est pourquoi la bonté du cœur aurait un rôle immense dans la réconciliation des esprits. Si vous vous irritez contre votre ennemi, qui est peut-être votre ami, vous ne le convaincrez jamais. N’oublions jamais les leçons profondes contenues dans la langue humaine, dans la science des mots Haïr, en latin, se dit Invidere « In, videre » : ne pas voir.

Il n’y a peut-être pas une seule vérité dont l’application soit plus universelle que cette vérité si simple : Si vous voulez montrer à un homme ce qu’il ne voit pas, commencez par voir ce qu’il voit, et dites-le lui. Pourtant le contraire arrive. On commence par se dire non, les uns aux autres, et on arrive à cette confusion épouvantable des intelligences. Le mal que je constate est un mal effroyable et universel duquel souffre horriblement l’humanité tout entière. Pierre s’imagine que s’il accordait à Paul tout ce qu’il peut lui accorder sans mentir, Paul profiterait contre lui de cet aveu. C’est le contraire absolu de la vérité. Paul verra ce que voit Pierre, quand Pierre aura vu ce que voit Paul et l’aura proclamé.

J’étais encore enfant quand l’occasion me fut donnée de me tromper beaucoup, parce que j’étais beaucoup contredit. Et, depuis ce temps, j’ai vu que l’esprit de contradiction était Satan lui-même, père de tous les mensonges. Le P. Faber, oratorien, dit que jamais on ne convaincra un homme si on ne lui prouve d’abord qu’on a parfaitement saisi toutes ses objections, et si on n’est entré profondément dans l’intelligence de son état. Rien n’est plus vrai. Le P. Faber dit encore qu’il y a une chose sur la terre qui ne peut jamais, en aucun cas, faire de bien. Cette chose unique, c’est l’ironie. Vous avez un antagoniste moquez-vous de son point de vue. Jamais il n’entrera dans le vôtre. Jamais. Voilà un homme à qui vous fermez les sources de la vie. Le P. Faber dit encore que si tout à coup un homme regardait avec amitié les autres hommes, et envisageait leur conduite avec l’interprétation favorable, cet homme changerait d’existence aussi complètement que s’il était tout à coup transporté dans une nouvelle planète. Cet homme aurait tout à coup une puissance de persuasion qui étonnerait lui-même et les autres, parce qu’il aurait l’esprit contraire à l’esprit de contradiction. L’esprit de contradiction peut être un instinct. Il peut aussi être un système. Dans les deux cas, il donne la mort.

Vous parlez à un jeune homme qu’une générosité mal dirigée va entraîner dans de grands périls. Choquez cette générosité, heurtez-la, traitez-la légèrement. Il n’écoutera plus rien; vous aurez perdu sa confiance, il vous traitera désormais en ennemi, et peut-être ira se perdre loin de vous. Comme vous avez paru mépriser son point de vue, il méprisera le vôtre. Vous aviez besoin de sa confiance; il avait besoin de votre expérience. L’esprit de contradiction vous a perdus tous deux. Si vous l’aviez écouté avec bonté, il vous eût écouté avec reconnaissance. Vous auriez profité de sa jeunesse; lui, de votre sagesse. Car chacun a besoin de tous, et il suffirait peut-être, pour obtenir des secours énormes, de vouloir bien en donner. Dans l’éducation, dans la discussion, dans la science, dans la critique, dans la vie publique, dans la vie privée, partout, partout, se remarque la même loi. La terre est couverte de ruines, et c’est l’esprit de contradiction qui les a faites. C’est l’esprit de contradiction qui arme le fils contre le père, l’ami contre l’ami. Sainte Madeleine de Pazzi avait adopté ceci pour règle de vie : Ne jamais rien refuser à personne, quand l’impossibilité d’accorder n’est pas une impossibilité absolue. Voilà l’esprit opposé à l’esprit de contradiction. L’expérience des siècles apprend que l’homme a besoin de consolation d’abord, d’enseignement ensuite.

Et il n’entend l’enseignement que quand il a reçu la consolation. L’esprit de contradiction viole cette Loi. Il veut parler d’abord de la chose irritante : il met en avant d’abord l’obstacle. II débute par le reproche. Il irrite, avant d’apaiser. C’est pourquoi son enseignement est stérile et fatal, eut-il cent fois raison. L’autre esprit, l’esprit de lumière, enseigne et console. Et comme c’est la consolation qui a ouvert la pore, l’enseignement passe. Il passe, il entre; il est accepté. Ce n’est pas la discussion qui est le principe de l’activité humaine, c’est la charité. Commencez par la discussion, tout sera stérile. Commencez par la charité, tout sera fécond. Il faut faire l’unité, avant d’aborder les détails, afin de ramener ensuite les détails dans l’unité faite, qui les attend. Tout ce qui commence par l’accord finira par l’accord. Tout ce qui commence par la division finira par la division.

L’esprit de contradiction crée un immense malentendu, qui va s’aggravant de jour en jour par l’effet qu’il produit. La division, livrée à elle-même, avait mille chances d’être guérie. Mais l’esprit de contradiction a tout envenimé, et, au bout d’un certain temps, le sujet même sur lequel il porte est oublié. L’esprit de contradiction subsiste, quand les légères et insignifiantes occasions autour desquelles il s’est produit, ne subsistent plus. L’esprit de contradiction est dans l’âme, et donne un certain ton à celui qui parle. Si le ton est si important dans la parole, c’est que le ton c’est l’esprit. Le ton est plus important que la parole. Satan signifie l’adversaire. Supposez que l’hypothèse du P. Faber se réalise. Supposez que les hommes adoptent aujourd’hui, pour principe d’activité, la bienveillance. Demain, en effet, nous habiterons une autre planète. Mais, direz-vous, les dissentiments intellectuels subsisteront. Je ne dis pas qu’ils disparaîtront tous. Mais nous serons stupéfaits, si nous voyons un jour dans quelles proportions ils seront réduits.

Si l’immense malentendu créé par l’esprit de contradiction allait disparaître, nous serions stupéfaits de voir dans quelle mesure l’union des intelligences suivrait l’union des cœurs. Aimer, c’est deviner ; haïr, c’est ne pas voir.

dimanche 17 juin 2012

Lettre ouverte à Mgr Tissier de Mallerais

Cher Monseigneur,
 
C'est vous qui m'avez ordonné prêtre. J'ai compté parmi les tous premiers à qui, par la grâce de votre sacre de 1988, vous avez conféré le sacerdoce ministériel, l'un des tous premiers que vous ayez envoyé dans la Vigne du Seigneur pour préparer la Moisson. Je sais ce que je vous dois dans le Seigneur.

Je suis fier de votre paternité, car je sais que, de votre côté, vous avez travaillé valeureusement, dans une grande générosité de coeur et dans une grande précision d'esprit pour faire connaître les positions de la Fraternité Saint Pie X face à la crise actuelle. Votre biographie de Mgr Lefebvre est marquée par ce travail en amont. J'ai souvenir de vous avoir invité, lors de cette publication, pour un exposé sur la liberté religieuse, à Paris ; ensuite, dans la Nouvelle revue Certitudes, j'ai eu l'honneur naguère de publier tel de vos travaux.

Je sais bien que vous n'êtes pas d'accord avec l'accord qui désormais est en vue. Mais votre désaccord est noble. Il s'exprime sans agressivité. Dans l'entretien que vous avez donné le 13 juin dernier au journal Rivarol, vous avez tenu à reconnaître les qualités indéniables de notre pape Benoît XVI. Vous n'êtes pas de ceux auxquels l'agressivité tient lieu de raison.

Vous n'êtes pas non plus de ceux que l'on sent perdus, égarés, parce qu'on leur demande brutalement un virage à 180 degrés et qu'ils n'ont pas l'habitude de virer de bord : manque de souplesse, manque d'exercice. Je pense au sermon de M. l'abbé Pfeiffer, que j'ai connu à Ecône. Il exprime bien ce désarroi, mais sans être capable malheureusement d'articuler la moindre raison de fond à son refus des accords. Je cite :
"Nous allons conclure un accord. Pourtant, après les discussions doctrinales, on nous avait dit : Rome n’a pas changé de position, Rome croit encore au modernisme, Rome rejette toujours la Foi, alors que la Fraternité défend toujours la Foi. Donc, rien n’a changé. C’est ce qu’avait dit Mgr Fellay. Et voici que les choses ont changé depuis : nous allons maintenant devoir conclure un accord, nous allons maintenant être reconnus et régularisés, nous allons maintenant recevoir une prélature personnelle. Mais tous les documents sont secrets, toutes les communications sont secrètes, tout se passe dans le secret. On n’observe pas le secret sur la vérité. On ne garde pas secret quelque chose de bien, on garde secret un mensonge, on garde secret quelque chose de mal, on garde secrète une tromperie. Ce qui explique le secret de ces dernières années, c’est que si Mgr Fellay, les abbés Pfluger et Nély et les autres supérieurs de la Fraternité Saint-Pie X nous avaient dit la vérité avec audace il y a un ou deux ans, tout le monde se serait révolté. Au lieu de cela, on nous a dit : Ayez confiance, vous ne connaissez pas tous les détails. Vous n’êtes que des moutons idiots, stupides, imbéciles".
Il faut bien sûr entendre ce désarroi "On nous a dit... Et maintenant on nous dit alors que rien n'a changé". Mais il ne constitue pas, en soi, une raison de refuser l'accord avec Rome. Ce n'est pas du tout votre perspective à vous, Monseigneur. Votre refus à vous n'est empreint d'aucune peur, d'aucune blessure... Il porte sur le fond, sur la vérité, qui seule nous attire, seule nous motive, seule nous rend féconds pour le Royaume... et seule peut nous absoudre, si par malheur nous dévions de la voie étroite.

Cher Monseigneur, ce n'est pas dans ces termes excessivement personnels que vous posez solennellement la question de l'accord avec Rome. Pour vous, il y a une opposition théologique entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X et il faut la formuler. Je vous cite :
Je voudrais que nous produisions un texte qui, renonçant aux finasseries diplomatiques, affirme clairement notre foi et par conséquent notre refus des erreurs conciliaires. Cette proclamation aurait l’avantage premièrement de dire la vérité ouvertement au pape Benoît XVI qui est le premier à avoir droit à la vérité et deuxièmement de restaurer l’unité des catholiques de tradition autour d’une profession de foi combative et inéquivoque.
 Je vois mal, je l'avoue, la portée de votre première raison, parce que je n'en saisis pas le fondement. Je suis très sensible, en revanche, à votre deuxième argument : un texte inéquivoque sur le Concile, pour les 50 ans de son ouverture, permettrait aux traditionalistes de savoir pour quoi ils expriment leur désaccord, au delà du Sensus fidei dont ils font preuve. Un texte clair, c'est l'union de tous les chrétiens de bonne volonté. L'absence de texte clair, c'est la désunion, avec un risque de surenchère dans la critique dont les circonstances actuelles nous montrent qu'il ne faut pas le prendre à la légère. Personnellement, je milite pour la clarté depuis 2002, le Symposium de Paris, au cours duquel 60 prêtres étaient venus des quatre coins du monde (vous en étiez cher Monseigneur), pour célébrer de manière ouvertement, clairement et respectueusement critique, les 40 ans du Concile. Nous avions, à cette occasion déjà, produit un texte en huit points, qui plus tard a constitué l'Appendice 3 de mon livre Vatican II et l'Evangile. A ce titre au moins, on le trouve encore sur Internet. Il me paraît que la modération du ton et la précision des références de ce travail collectif peuvent en permettre une utilisation nouvelle... et que ce document soit éventuellement revu et amplifié bien sûr.

Je suis revenu moi même à ce texte, plusieurs fois, lors de conférences au Centre Saint Paul (la dernière au mois de janvier pour célébrer l'entrée dans le demi-siècle, il y en eut je crois quelques échos sur Metablog). La vraie Tradition est critique ! Rien à voir avec l'accord ou l'absence d'accord avec Rome. Il s'agit pour nous de jouer notre partition, de prendre notre responsabilité dans l'Eglise. "Agere ut pars", agir comme une partie dans la grande Eglise, comme dit Cajétan définissant le constitutif formel de notre appartenance au Corps mystique. En agitant le chiffon rouge de l'herméneutique, Benoît XVI a indiqué dès la première année de son Pontificat, que le Concile devait être interprété à nouveaux frais, contre un certain "esprit du Concile" dont le pape a montré le caractère délétère. Il faut que nous participions tous à cette réception nouvelle et correctrice d'un texte autour duquel se sont cristallisés - en pour et en contre - cinquante ans de vie de l'Eglise.

Cher Monseigneur, vous contestez, je l'ai vu, le principe même de l'herméneutique. Mais le contestant, vous alimentez vous même cette interprétation multiforme du Concile. Tout évêque que vous soyez, vous ne pouvez pas trancher sur un tel sujet, vous ne pouvez pas vous-même écrire à ce sujet des Anathema sit. Il faut bien vous résigner à être ce que vous êtes : un interprète critique. Comme moi, même si je ne suis qu'un simple prêtre. Pourquoi ne pas travailler ensemble - et avec beaucoup d'autres, Instituts ED toutes chapelles confondues - non seulement pour la FSSPX, mais pour toute l'Eglise ?

Je crains votre refus et je voudrais, à l'avance, en produire ici une raison possible. Elle est tirée de votre entretien à Rivarol.
Avec cette religion [conciliaire] nous ne voulons aucun compromis, aucun risque de corruption, aucune apparence même de conciliation, et c’est cette apparence que nous donnerait notre soi-disant “régularisation”.
 Ce qui me gène ici n'est pas que vous parliez de "religion" conciliaire. Je crois que le terme est juste. Le Concile n'a pas touché à la foi catholique, mais il a ambitionné d'accompagner la création d'une véritable religion nouvelle, optimiste et humaniste comme l'étaient les 30 Glorieuses. Cette religion nouvelle, les 20 dernières années nous le démontrent par les faits, elle ne marche pas. Elle a contribué à accélérer le mouvement de sécularisation qui vide les églises, au lieu de se présenter comme une réponse à ce mouvement.

Ce qui me gène c'est que vous - oui : vous - vous teniez tellement à avoir l'air, c'est que vous écriviez qu'il faudrait fuir non seulement une conciliation forcément imbécile (au sens étymologique de ce terme), mais d'abord, mais surtout "l'apparence de cette conciliation". Parlant d'"apparence", vous savez très bien que l'accord avec Rome ne vous ferait pas dévier d'un iota sur les justes reproches que vous faites au Concile et qu'aujourd'hui, volens nolens, toute l'Eglise est prête à entendre de votre bouche d'évêque catholique. Qui craignez-vous de scandaliser ? Les hystériques de Virgo Maria ? Leur scandale est pharisaïque et non réel.

Cher Monseigneur, en signant l'accord avec Rome, peut-être donnerez-vous à certains esprits mal tournés l'apparence du scandale. Mais en ne signant pas, alors que l'évêque de Rome vous le demande, ce n'est pas l'apparence que vous risquez, mais la réalité du scandale. Je prie à vos intentions et vous remercie de la noblesse avec laquelle pour lors vous montrez à tous que "la vraie tradition est critique".

Permettez que j'emprunte au livre tout récent de Philippe Le Guillou, Le Pont des anges (Gallimard) un petit mot qui justifie cette lettre : "Il faut tout faire pour éviter les conservateurs étroits. Vous êtes un homme de Dieu, tout le monde le sait, ici... et là-haut. Ne nous décevez pas !"

mercredi 13 juin 2012

Je les comprends un peu...

Précision liminaire: vous êtes ici sur le (meta)blog de l’abbé de Tanoüarn – pour autant les billets que je signe (moi, son inutile ‘webmestre’) ne sont pas de lui… puisqu’ils sont de moi. Je précise ceci dans l’espoir que le comprennent quelques lecteurs pressés, qui  attribuent régulièrement à l'abbé les modestes propos que je commets ici, ce qui n'est guère flatteur pour lui – ou qui pensent que je les ponds sur sa commande, ce qui est mal connaitre l'abbé. Bref, mon «je» ne représente que moi, de même que les commentaires n’engagent que leurs auteurs. En particulier, c'est moi qui écris que...:
J’ai écouté l’allocution de l’abbé Koller, et je comprends un peu son émotion. De même que je comprends les doutes de ces autres prêtres (et évêques) de la FSSPX qui ont mené un combat sur un ligne (trop?) simple, avec d’un côté la Tradition (à la suite de Mgr Lefebvre) qui oeuvrait pour le Christ, et de l’autre les conciliaires qui luttaient contre Lui. Amis lecteurs, vous pensez que j’exagère un peu, et que je peins les choses d’un pinceau trop large? A peine! Si vous lisez ceci c’est que vous êtes sur internet, profitez-en: tout ou presque est encore en ligne.

Et voici que les choses changent. La SSPX apprend de son Supérieur qu'il lui faut rejoindre les structures officielles de l’Eglise; on y trouve certes encore «un grand désastre» mais ce serait pour ainsi dire dans la nature des choses («Notre Seigneur nous a appris qu’il y aurait toujours de la mauvaise herbe jusqu’à la fin des temps»). Quant au concret… le développement de la Fraternité (et de ses alliés) sera soumis au bon vouloir de l’évêque local. Ce qui était hier inacceptable est devenu une «difficulté», là encore naturelle («Depuis quand la vie est-elle sans difficulté?»).

Pas de malentendu, lecteurs! Je me réjouis de l’Histoire qui s’écrit aujourd’hui. Benoît XVI, pape immense, réintègre dans l’Eglise l’œuvre d’un saint évêque. Mais je comprends que le tournant soit un peu dur à négocier pour ceux qui toute leur vie ont pensé suivre la droite ligne. Je trouve un peu sec de leur opposer l’argument d’autorité (le chef est le chef, donc vous obéissez), l’argument de la confiance en l’Eglise (vous n’avez pas droit de vous méfier parce que vous n’en avez plus le droit), ou l’argument de personnes (le pape himself veut le bien de la FSSPX et la protégera contre les évêques – et ne prenez pas en compte qu'il a 85 ans).

Tout aussi faibles sont les arguments ad hominem contre les prêtres qui se sont exprimés (les abbés Méramo, Chazal, Koller, et tant d’autres à venir), accusés ici ou là d’orgueil, de passion mal placée, voire de manque d’esprit missionnaire, ou encore de rechigner à la difficulté. Faible encore, et surtout inopérant, de les appeler à écouter la voix de la raison – alors qu’ils pensent justement avoir raison.

Puisque les choses se précipitent et qu'un certaine rupture semble inévitable, j'émets le simple voeu que les disputes et les condamnations à venir se fassent en des termes qui n'attaquent pas les personnes, qui respectent la sincérité des démarches, bref: qui n'obèrent pas l'avenir.

lundi 11 juin 2012

Rousseau et la nouvelle évangélisation

Demain au Centre Saint Paul, c'est moi qui fais la conférence : pour les 300 ans de sa naissance (juin 1712) nous rendrons un hommage mesuré à Rousseau (Jean-Jacques), en insistant sur sa religion. C'est tout de même lui qui le premier parle d'une "religion de l'homme". Dans les années 60 certains se sont trouvés très modernes d'emboucher cette trompette sans avoir l'air de se douter qu'elle avait déjà quelques siècles. L’Église a donné là dans le piège de la philosophie, elle s'est voulu détentrice d'une sagesse à géométrie variable, d'une sagesse compréhensive (glorious comprehensiveness disent les anglicans paraît-il), ouverte à tous les vents de doctrine, composant avec l'esprit du monde et anticipant sur lui, anticipant sur Mai 68 au nom de l'Utopie, anticipant sur l'idéologie du bien être qui domine aujourd'hui au nom d'un "bonheur" décrété évangélique, mais hélas... oubliant la Première épître aux Corinthiens dans laquelle saint Paul explique posément que son message n'est pas une sagesse mais une folie (pour les Grecs) et un scandale (pour les Juifs).

En dînant hier avec Eric, lecteur protestant de ce Blog, qui s'est aventuré rue Saint Joseph, nous avons ensemble refait le monde. Il cite dans l'ordre saint Paul, saint Augustin et Calvin. Je préfère - c'est mon tiercé à moi - saint Paul, saint Augustin et Pascal, mais au fond nous nous sommes retrouvés dans le même sentiment d'urgence devant l'évangélisation à réaliser. Ce qui compte c'est de porter le salut, pas la sagesse. Pour la sagesse, il y a des écoles de philosophie, il y a des professionnels de la philosophie, leur virtuosité d'interprétation suffit largement aux esprits exigeants, en quête de sens. Rien à voir avec l'Evangile : bonne nouvelle, salut donné, à prendre ou à laisser. Vérité qui se réalise dans l'histoire pour un au-delà de l'histoire. Nous avons été créés comme des animaux plus ou moins raisonnables (qui dira ce "monstre incompréhensible" qu'est l'animal humain ?) et nous sommes appelés, par l'Evangile à devenir des fils et des filles de Dieu. Voilà l'évangélisation, ancienne, nouvelle et qui, encore et toujours, ébranle nos certitudes faciles, notre confort, notre "religion de l'homme". Voilà l'évangélisation qui a fait et qui fera l'histoire. Merci à Jean Madiran d'avoir repris un texte de ce blog sur ce sujet.

En mettant mon nez dans le livre plein d'idées et rempli d'une culture parfaitement assimilée sur L'évangélisation impertinente, signé Thierry-Dominique Humbrecht (éd. Parole et silence), je tombe sur une dialectique entre un Dieu masculinisé à tort comme juge et un Dieu féminisé "jusqu'au grotesque" (pp. 130-131). Et je me dis : voilà, on est en plein dans cette religion comme sagesse, comme synthèse raisonnable, cultivant une position moyenne, obtenue au prix d'un "ni... ni..." qui n'est pas très attractif, même s'il satisfait l'esprit épris de géométrie. Parce qu'il ne veut pas que Dieu soit une femme, le Révérend Père Humbrecht s'interdit d'y penser comme à un juge : "Un Dieu juge et non plus Père est l'idée faussée que l'on se fait de lui, du fait du péché originel, comme Adam et Eve, qui après leur péché de désobéissance se cachent de Dieu...".

Pour ne plus être dans l'urgence du salut, pour "desserrer la pression eschatologique" (François Huguenin), on se permet de dire que le Dieu juge est une idée fausse. Mais comment envisager une justice s'il n'y a pas de jugement ? Nous savons bien que l'injustice domine ce monde, que "les fils des ténèbres sont statistiquement plus malins que les enfants de Lumière" comme le Christ nous en a prévenu. L'Evangile signifie l'avènement d'une Justice qui n'est pas de ce monde mais dont beaucoup dans ce monde ont faim et soif. L'Evangile ? C'est le jugement du monde. Quant au Prince de ce monde, lui il est "déjà jugé". Mais le monde... Vers quelle justice s'oriente-t-il ? C'est la question à laquelle les chrétiens répondent en annonçant le Jugement : "J'avais faim et vous m'avez donné à manger, j'avais soif et vous m'avez donné à boire...". Ce jugement surprendra ceux qui seront condamnés : "Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim ou avoir soif ?". "Tout ce que vous n'avez pas fait aux plus petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait" (Matth. 25).

Le monde aujourd'hui croit parfois encore (de bonne foi ?) à sa propre justice. Le Christ, jugeant le monde, lui impose ses critères à lui : non pas la force, la réussite, l'égoïsme mais la charité, la petitesse, le sacrifice... Une autre justice donc. La Révolution chrétienne ne sera achevé qu'au jour du Jugement, dans la stupéfaction universelle, quand le Juge souverain aura percé tous les blindages, toutes les artificialités, toutes les superficialités, pour saisir l'homme dans sa vérité, pour manifester ce que Rousseau avait raison d'appeler après Pascal, saint Augustin et saint Paul : son coeur. Son coeur oublié, mal conscient de lui-même.

dimanche 10 juin 2012

Et maintenant ou presque: que va-t-il se passer?

Dans un entretien avec DICI, Mgr Fellay fait le point sur ses tractations avec Rome. La solution canonique n’implique plus d’accepter l’ensemble de Vatican II, qui pourrait être soumis au filtre traditionnel («ce qui est en accord avec la Tradition, nous l’acceptons; ce qui est douteux, nous le comprenons comme la Tradition l’a toujours enseigné; ce qui est opposé, nous le rejetons»). La FSSPX réintégrée serait mieux à même de propager la Tradition dans l’Eglise, «malgré tous les troubles qui subsistent» – mais l’histoire réelle montre qu’à toute époque «il y a des erreurs répandues dans l’Eglise». Le pape souhaiterait vraiment cette réintégration, qu’il ne «propose pas comme un piège». Juridiquement, la FSSPX aurait «juridiction ordinaire sur les fidèles» qui se tournent vers elle. Les prieurés, congrégations amies, et autres œuvres déjà existantes seraient reconnues. A l’avenir, la FSSPX aurait besoin de l’accord de l’évêque local pour ouvrir une nouvelle chapelle – cette ‘difficulté’ serait largement compensée par l’ouverture de nouveaux champs d’apostolat, dans des diocèses bien disposés («Nous avons grand espoir que la Tradition se développe avec notre arrivée»).

Bref, dans cet entretien on n’est est plus à préparer les fidèles à envisager la possibilité d’une éventualité… Nous sommes entrés dans le concret, et sans jouer à Madame Irma j’y vois le signe d’une signature imminente. Lorsqu’elle interviendra, que va-t-il se passer? Les trois autres évêques de la FSSPX ont fait connaître leur opposition profonde. Surtout, ils l’ont fait publiquement, et collégialement. Peut-être vont-ils manger leur mitre et changer de position? Plus probablement ils quitteront la Fraternité. A tout le moins, ils feront savoir (tout aussi publiquement et collégialement) que l’accord ne les engage pas – et une fraction du clergé leur emboîtera le pas. Sans doute auront-ils besoin d’une nouvelle structure d’accueil, une sorte de «FSSPX-canal historique». Un peu plus tard la question se posera à Menzingen du remplacement des trois évêques manquants.

Le petit peuple des chapelles et des prieurés sera partagé, certains dans la joie et d’autres dans le désarroi. Les «conciliaires» (il faudra leur trouver un autre nom) auront des réactions diverses, certains jouant le jeu de la réconciliation, d’autres faisant part de leur tristesse ‘vigilante’. Chers lecteurs, nous allons donc assister très bientôt à une secousse sismique dans le monde traditionaliste, avec répliques et contre-répliques, internes et externes, dans les semaines et les mois qui suivront.

mercredi 6 juin 2012

La vérité n'est pas démocratique

Merveilleuse et très simple réunion autour d'Alain de Benoist, ce soir au CSP, chacun a pu poser les questions qu'il voulait sans aucune censure... Et nous nous sommes trouvés et des proximités et des distances, la discussion restant toujours cordiale. Si l'espace publique existait comme lieu d'amitié politique dans la diversité des points de vue (utopie d'Hannah Arendt), je crois qu'il ressemblerait au Centre Saint Paul ce soir...

L'un d'entre vous s'est signalé ce soir au CSP comme "lecteur de Métablog", venant de Belgique. Je le salue de nouveau virtuellement. A toutes fins, si vous êtes Parisien (d'occasion ou de résidence) et que votre mardi est libre, je vous signale que mardi prochain, en l'honneur du tricentenaire de la naissance de Jean-Jacques (juin 1712), je donnerai une conférence sur la religion de Rousseau, dont j'espère qu'elle aura - je parle juste de la forme - la même qualité d'ouverture et d'interactivité...

Non, je ne tourne pas Bisounours. Mais je crois à cette transcendance particulière du vrai qui se vérifie en chacun de nous... Au stage Ennéagramme, que certains me blâment d'avoir fait, l'organisateur a commencé à me demander ce qui agaçait le plus. J'ai répondu: la connerie. Je voulais dire: l'inaccessibilité au logos commun. Il y a une autre définition de la connerie qui doit être de Desproges: "la décontraction de l'intelligence". Celle-là me semble en revanche très pardonnable.

Parmi les conneries au premier sens, il y a, massif, ce qui pourrait bien être l'hérésie du XXIème siècle, le démocratisme. J'en ai trouvé une confirmation en lisant l'extraordinaire recueil que Simon Leys a intitulé Le studio de l'inutilité (Flammarion éd.). Beaucoup de belles évocations de tel ou tel auteur. J'ai aimé le coup de chapeau à Chesterton, "l'homme qui était amoureux de la lumière du jour". J'ai goûté les réserves sur Victor Segalen, ce Breton dont j'aime pourtant les "Stèles" chinoises, mais qui, pour Leys, a le tort de faire dans "l'exotisme" - un exotisme qui est forcément de pacotille.

Simon Leys, qui a écrit Les habits neufs du Président Mao, nous parle aussi de la Chine post-communiste et toujours aussi totalitaire: un pouvoir maffieux qui supprime la démocratie méthodiquement au nom du Pèze et du Saint Bénéfice.

Mais le plus beau texte est celui que Leys a placé en conclusion, où il nous livre son opinion sur la démocratie. Il s'agit d'une leçon pour la réception du doctorat Honoris causa de l'Université de Louvain, dont il est un ancien étudiant. Je vous le donne sans commentaire. Il est limpide: "La démocratie est le seul système politique acceptable, mais précisément elle n'a d'application qu'en politique. Hors de son domaine propre, elle est synonyme de mort : car la vérité n'est pas démocratique, ni la beauté, ni l'amour - ni la grâce de Dieu".

Jean-Paul II a dit et répété - un peu dans le même sens - qu'une démocratie sans valeurs était totalitaire (Centesimus annus, Veritatis splendor et Evangelium vitae). Mettre les valeurs aux voix, comme on s'apprête à le faire en France, c'est flirter avec le totalitarisme.

Simon Leys parle de "la grâce de Dieu". Extravagant ? - "Des auditeurs [entendant parler de grâce] m'ont demandé si j'étais janséniste. Il n'en est rien. Je pensais seulement à la parabole des ouvriers de la onzième heure". Dieu sauve qui il veut, ce n'est pas janséniste que de l'écrire. Il faut ajouter que la volonté de Dieu n'est jamais ni absurde, ni excessive ni insignifiante. Elle est juste - Ça va sans dire? Mais pour certains, sans doute démocratistes et qui imaginent un Dieu à leur image, un Dieu absurde qui met l'éternité aux voix... cela va mieux en le disant!

mardi 5 juin 2012

Se connaître soi-même

Je ne sais si les nouveaux venus sur ce Blog savent ce qu'est l'ennéagramme - un mode de connaissance de soi à travers neuf types psychiques. J'ai participé, à la fin de la semaine dernière, à une session animée avec un tact extraordinaire et une entente belle à voir par François et Valérie. Je vous avoue que très longtemps la phrase de saint Augustin : "Que je me connaisse et que je te connaisse" m'avait laissé sceptique. Connaître Dieu, pensais-je passe encore, par l'Evangile, il s'est fait connaître à nous, il nous a livré son coeur. Mais se connaître ? Je veux bien : comment faire ? Comment repérer les constantes ? Les qualités (en n'étant pas trop indulgent envers soi-même) les défauts (en étant suffisamment critique) ? Comment ne pas perdre patience dans les innombrables rechutes ? Comment discerner ce qui est vraiment personnel et ces bonnes vieilles passions qui illustrent simplement... la nature humaine dans tous ses états ? Je ne sais pas vous, mais moi j'avais le plus grand mal à envisager comme possible une connaissance de moi-même. Pas parce que je le refusais (comme j'ai vu certains refuser de se connaître), mais parce que l'entreprise me paraissait rude.

Comme dit le Poète : "Ariane me manque et je n'ai pas son fil". Il me restait une certitude : j'apprendrai à me connaître en vieillissant. Et une ligne de conduite : "On met longtemps à trouver son naturel". Cela se passe en tout cas après 30 ans pour la plupart des gens. Mais lorsqu'on l'a trouvé, lorsque l'on a découvert la mesure de sa nature, surtout il faut s'y tenir et ne pas la forcer. La grâce elle-même agit selon le mode de la nature... Ne cassons pas la machine !

J'en étais là de mes réflexions sur la connaissance de soi lorsque j'ai découvert l'ennéagramme il y a quelques années déjà. J'ai l'impression de gagner du temps, en essayant de me trouver à travers les neuf types psychiques proposés, étant entendu que l'on peut aussi admettre des ailes (pas pour voler !) des flèches (pas pour tuer) et des sous-types. Redécouverte au début des années 70, la méthode peut se targuer aujourd'hui d'un imposant matériel inductif : des centaines et des milliers de témoignages, qui permettent de confirmer et d'affiner la classification proposée. Le livre d'Eric Salmon sur les trois sous-types vus à travers les neuf types en vingt sept "modèles" différents est tout à fait étonnant. Il est expérimental. On est surpris du caractère opératoire de cette modélisation.

Au cours d'une discussion Oxbridge me pose une vraie question : cette typologie ne conduit-elle pas à une trop grande indulgence envers soi-même ? N'aura-t-on pas tendance à dire, une fois que l'on s'est découvert : "Je suis comme cela et puis tant pis". C'est un véritable risque.

Je crois qu'il faudrait ajouter à l'énnéagramme, qui est une sorte d'abrégé de la carte et du territoire en chacun, une perspective concernant l'action dans nos coeurs du Saint Esprit, la distinction entre l'Esprit et les concupiscences, et donc une distinction claire entre l'Esprit dont il faut vivre ici-bas pour vivre toujours et la psyché, dont il faut, après l'avoir découverte et connue, s'extraire et se libérer... Si l'énnéagramme devient une fin en soi, il peut effectivement constituer un handicap dans la vie spirituelle en nous limitant à notre psyché. Mais si l'énnéagramme est utilisé comme un moyen de connaissance de soi, il peut devenir immédiatement un moyen de connaissance de Dieu : "Que je me connaisse et que je vous connaisse". Que je reconnaisse humblement mes carences et parfois mes fêlures ou même mes failles, que je n'hésite pas à les fixer, que je ne cherche pas à m'échapper de ma médiocrité en oubliant qui je suis et que je me laisse à Dieu et à son Esprit. Jacta cogitatum tuum in Domino et ipse te enutriet. Jette tes pensées dans le Seigneur, c'est lui qui te nourrira.

J'imagine tel d'entre vous que je remercie de me lire de près... Vous allez tomber en arrêt devant ce membre de phrase : "Que je ne cherche pas à m'échapper de ma médiocrité"... Et du coup vous donnerez raison à Oxbridge.

Ce que je veux dire par là, c'est qu'avec l'ennéagramme, on possède un dessin non seulement de ses qualités mais de ses défauts. Comment changer ? D'abord en acceptant de se regarder tel que l'on est. Sans s'échapper. Sans se chercher des excuses. Sans utiliser l'ennéagramme comme une excuse. Ensuite il faudra faire intervenir l'Esprit saint, il faudra se laisser à cet élan radical qui nous porte hors de nous-mêmes...

"On ne change pas" disait Schopenhauer paraît-il. Seul un élan extérieur à nous même, qui ne vient pas du dédale de notre intérieur, peut nous faire donner, par moment, lorsqu'il faut faire face, le meilleur de nous-mêmes. Et cela est une grâce.

dimanche 3 juin 2012

En écho à l'émission d'Alain de Benoist...

En échos à l'émission d'Alain de Benoist que j'ai animée sur Radio Courtoisie la semaine dernière, à l'occasion de la publication de Mémoire vive, Alain de Benoist vient au Centre Saint Paul mardi prochain à 20H15, répondre à toutes mes questions, mais aussi aux vôtres, avec cette simplicité et ce brio que ceux qui le connaissent lui reconnaissent aisément. Une occasion à ne pas manquer. Alain a tenté dans Mémoire vive comme un premier bilan de son existence, nous faisant partager quelques images de son enfance et de sa jeunesse, expliquant (pour la première fois avec une telle précision) les folles années militantes qui ont marqué la fin de la Guerre d'Algérie et balisant enfin sans complaisance ce qu'il appelle son "chemin de pensée".

Voici un texte de présentation par mon alter ego Joël Prieur :
Les confessions d’un intellectuel du XXIème siècle
Alain de Benoist, figure emblématique de ce qu’il est convenu d’appeler la Nouvelle droite, se met à table. Il le fait avec l’élégance qui est la sienne ; dans Mémoire vive, son dernier livre, il nous dit tout, et un peu plus encore sur les origines du mouvement de pensée qu’il anime. Sans jamais se trahir.

Mémoire vive, au milieu d’une production de circonstance où un livre chasse l’autre à la devanture des libraires, est une pierre miliaire, un ouvrage qui restera, à la fois bilan sans complaisance d’un chemin de pensée et confession personnelle, où la pudeur et la vérité se disputent comme deux sœurs jumelles.
 
Il y a deux livres en un dans Mémoire vive, je dirais même qu’il y a deux principes d’écriture opposés. D’un côté, Alain de Benoist pourrait dire comme Montaigne autrefois : « Je suis moi-même la matière de mon livre ». De l’autre, il ouvre ce livre à tous les livres qu’il a lus, à tous les auteurs qu’il a fréquentés, que ce soit de visu ou bien à l’ombre de leurs livres. Mais d’abord, il distille les confidences, non pas pour s’étaler complaisamment au regard du lecteur, mais pour tenter de répondre à cette question, presque sacrilège au moment où il l’a posée, je veux dire dans les années 70 : comment peut-on être de droite. Avec la plume classique et les traits de feu qu’on a déjà remarqué sous sa plume, Alain de Benoist s’emploie à répondre par petites touches à cette question informulée. Il entend bien montrer que le propre d’un intellectuel de droite c’est qu’il est capable d’être aussi de gauche, alors que l’inverse n’est pas souvent vrai. Certains ont cru pouvoir se réclamer d’un « ni droite ni gauche ». Alain de Benoist aimerait dire « Et droite et gauche », parce que décidément, rien de ce qui est humain ne doit lui rester étranger. Dans une approche résolument bienveillante des pensées et des penseurs, il entend faire son miel de tout, avec une double détestation initiale et non-négociable : le libéralisme, qu’il tient finalement pour un bloc, et la bourgeoisie, contre laquelle il verrait bien se croiser et s’unir les forces convergentes du peuple et de l’aristocratie. Le signe le plus grave de la crise que nous traversons est justement pour lui le manque de qualité des élites.
 
Au passage, on notera toutes sortes de confidences, qu’il élève pour en faire de ces réflexions universelles, à travers lesquelles, sans avoir l’air d’y toucher, il rejoint chaque lecteur dans son expérience la plus intime. On appréciera aussi tout particulièrement le récit fiévreux qu’il nous offre de sa jeunesse militante, entre la déchirure de l’Algérie française et le grand billard à plusieurs bandes de Mai 68 : une époque qui n’existe plus, où l’on prenait les idées à l’envers ou à l’endroit mais toujours au sérieux. La deuxième et la troisième partie de cet ouvrage suffiront à certains pour comprendre l’extraordinaire bouillon de culture des années 60, mais aussi les origines de la thématique si particulière qui va être celle de l’auteur de Vu de droite, sa prise de distance, lui l’ancien de la FEN, avec le nationalisme, sa quête rationnelle voire parfois, au moins au début, rationaliste, et puis son ambition collectionneuse, qui débouche sur des aspirations encyclopédiques. Alain de Benoist évoque enfin, avec une volonté évidente de clarification, le rôle de tel ou tel, Dominique Venner par exemple ou, dans un autre registre, Louis Pauwels.
 
Enfin, comme je le disais en commençant, dans Mémoire vive, il y a un autre ouvrage, cette longue quatrième partie dans laquelle Alain de Benoist se fait son propre critique, revenant sans tabou sur tel ou tel aspect de son « chemin de pensée », montrant à la fois la cohérence de ses options, les anticipations réussies de la Nouvelle droite, faisant très tôt l’impasse sur l’anticommunisme et désignant le véritable adversaire, ce qu’Alain de Benoist a été le premier à appeler « la Pensée unique ».

L’objectif du GRECE, hier et aujourd’hui, n’est-il pas d’abord d’éviter ce que Benoist appelle « l’impolitique » c’est-à-dire le militantisme purement réactif ? Il s'agit de contourner les évidences incantatoires de la Pensée unique, et de retrouver au terme de ce long détour, des recherches nouvelles fournissant les principes valides pour une culture différente de la monoculture ambiante… Le parcours est trop long ? Mais y en a-t-il un autre ?
Un livre essentiellement honnête, dans lequel on se plongera avec passion parce qu’une telle quête de vérité, qui ne veut rien ignorer et accepte tous les débats, n’est pas fréquente. Je crois même qu’elle a quelque chose d’unique dans le Paysage intellectuel français… Qui d’autre ?
Joël Prieur
Alain de Benoist, Mémoire vive, éd. de Fallois, 338 pp. (avec un index), en librairie le 5 mai, 22 euros

Bien entendu, Alain de Benoist dédicacera son livre mardi prochain à 20H15 au Centre Saint Paul.

PS : Sans rapport : Antoine me reproche amicalement de dire que je n'ai pas le temps, mais dans le même temps que je n'ai pas... d'aller au cinéma et de vous en parler. C'est que ça fait partie du travail quotidien... Merci à Thierry d'avoir l'air de penser que cela peut être utile.
 
Je suis convaincu que l'une des voies efficaces pour revenir au christianisme est la culture... Souvent on ne trouve plus le nom du Christ (comme récemment dans De rouille et d'os) mais le message du Christ sur le mystère de la souffrance et sur la manière dont il rend possible l'amour constitue me semble-t-il la signification profonde de ce film, dont je regrette qu'il n'ait pas fait à Cannes une belle Palme d'or française.

vendredi 1 juin 2012

[Echos Littéraires] «De ce train-là une messe basse est vite expédiée» - Alphonse Daudet

Julien m’écrit, dans un commentaire sur l’Affaire Saint Fiacre, qu’il n’est pas nostalgique de cette «ambiance mortuaire de gens mal réveillés», ni des «messes basses expédiées en seize minutes». Attention au malentendu! Je ne regrette pas des offices qui auraient (?) été bâclés – ce que je regrette c’est que le grand public n’a plus, en 2012, le bagage nécessaire pour lire leur simple description. Prenez «Les Trois Messes» d’Alphonse Daudet. La nouvelle se passe «une nuit de Noël de l’an de grâce mil six cent et tant», le Père Balaguère doit dire ses trois messes avant que d’aller ripailler. Or Balaguère est gourmand, le diable prend l’apparence de son enfant de coeur «Garrigou», pour mieux l’inciter à expédier ses messes... – La chose est détestable, mais Daudet en fait une histoire assez drôle, morale et jolie, … et très éloignée des références culturelles de nos contemporains... et je le regrette.

Vous lirez le texte complet, ou juste un extrait:
Drelindin din!… Drelindin din!

C’est la seconde messe qui commence, et avec elle commence aussi le péché de dom Balaguère. «Vite, vite, dépêchons-nous,» lui crie de sa petite voix aigrelette la sonnette de Garrigou, et cette fois, le malheureux officiant, tout abandonné au démon de gourmandise, se rue sur le missel et dévore les pages avec l’avidité de son appétit surexcité. Frénétiquement il se baisse, se relève, esquisse les signes de croix, les génuflexions, raccourcit tous ses gestes pour avoir plus tôt fini. A peine s’il étend ses bras à l’Évangile, s’il frappe sa poitrine au Confiteor. Entre le clerc et lui c’est à qui bredouillera le plus vite. Versets et répons se précipitent, se bousculent. Les mots à moitié prononcés sans ouvrir la bouche, ce qui prendrait trop de temps, s’achèvent en murmures incompréhensibles.

Oremus ps… ps… ps…
Mea culpa… pa… pa…


Pareils à des vendangeurs pressés foulant le raisin de la cave, tous deux barbotent dans le latin de la messe, en envoyant des éclaboussures de tous les côtés.

Dom… scum!… dit Balaguère.

Stutuo! … répond Garrigou; et tout le temps la damnée petite sonnette est là qui tinte à leurs oreilles, comme ces grelots qu’on met aux chevaux de poste pour les faire galoper à la grande vitesse. Pensez que de ce train-là une messe basse est vite expédiée.

«Et de deux!» dit le chapelain tout essoufflé; puis sans prendre le temps de respirer, rouge, suant, il dégringole les marches de l’autel et…

Drelindin din!… Drelindin din!…

C’est la troisième messe qui commence. Il n’y a plus que quelques pas à faire pour arriver à la salle à manger; mais, hélas! à mesure que le réveillon approche, l’infortuné Balaguère se sent pris d’une folie d’impatience et de gourmandise. Sa vision s’accentue, les carpes dorées, les dindes rôties sont là, là… il les touche; il les… Oh! Dieu! les plats fument, les vins embaument; et, secouant son grelot enragé la petite sonnette lui crie:

«Vite, vite, encore plus vite!…»

Mais comment pourrait-il aller plus vite? Ses lèvres remuent à peine. Il ne prononce plus les mots… A moins de tricher tout à fait le bon Dieu et de lui escamoter sa messe… Et c’est ce qu’il fait, le malheureux!… De tentation en tentation, il commence par sauter un verset, puis deux. Puis l’Épître est trop longue, il ne la finit pas, effleure l’Évangile, passe devant le Credo sans entrer, saute le Pater, salue de loin la préface, et par bonds et par élans se précipite ainsi dans la damnation éternelle, toujours suivi de l’infâme Garrigou (vade rétro, Satanas!) qui le seconde avec une merveilleuse entente, lui relève sa chasuble, tourne les feuillets deux par deux, bouscule les pupitres, renverse les burettes, et sans cesse secoue la petite sonnette de plus en plus fort, de plus en plus vite.

Il faut voir la figure effarée que font les assistants! Obligés de suivre à la mimique du prêtre cette messe dont ils n’entendent pas un mot, les uns se lèvent quand les autres s’agenouillent, s’asseyent quand les autres sont debout; et toutes les phases de ce singulier office se confondent sur les bancs dans une foule d’attitudes diverses. L’étoile de Noël, en route dans les chemins du ciel, vers la petite étable, pâlit d’épouvante en voyant cette confusion.

«L’abbé va trop vite… on ne peut pas suivre», murmure la vieille douairière en agitant sa coiffe avec égarement. Maître Arnoton, ses grandes lunettes d’acier sur le nez, cherche dans son paroissien où diantre on peut bien en être. Mais au fond tous ces braves gens qui, eux aussi, pensent à réveillonner, ne sont pas fâchés que la messe aille ce train de poste; et quand dom Balaguère, la figure toute rayonnante, se tourne vers l’assistance en criant de toutes ses forces: Ite missa est, il n’y a qu’une voix dans la chapelle pour lui répondre un Deo gratias si joyeux, si entraînant, qu’on se croirait déjà à table au premier toast du réveillon.

Tous à Reims le 23 juin - une Journée au cœur de la légitimité française

Une Journée au cœur de la légitimité française: Découvrir Reims, les sacres, la cathédrale, l’ange au sourire, le Palais du Tau… dans le regard de Jeanne d’Arc. Le samedi 23 juin 2012, tous avec Jeanne à Reims!
  • Messe à la cathédrale à 10H30
  • Visite de la Maison natale de saint Jean-Baptiste de la Salle à l’issue de la messe
  • Repas à Midi au Restaurant Côté Cuisine
  • Courte allocution d’Alain Bournazel sur la politique de Jeanne d’Arc
  • Visite accompagnée de la Basilique Saint-Rémy (14H30), de la Cathédrale de Reims (15H30) et du Palais du Tau, en compagnie du Conservateur (16H30)
  • Fin de la visite-pèlerinage à 17H30
Pour s’inscrire, deux formules
  • Vous vous inscrivez uniquement pour la messe, le repas et les visites : 30 euros
  • Vous vous inscrivez aussi pour le car avec l’abbé de Tanoüarn: 25 euros l'aller/retour depuis Paris, soit un total de 55 euros par personne
A noter : il y a un train au départ de Paris à 8H58 et une navette rapide entre la Gare et la Cathédrale - Si vous prenez le car, cela vous permettra de visiter la Basilique Saint Rémy facilement (elle est un peu distante du Centre-ville) - Rendez-vous pour le car: 8H15 précises à côté du Centre Saint-Paul à la Bourse (côté avenue du 4 septembre).
Renseignements-inscriptions auprès de Sélénia tél: 07.62.07.26.41 - ou par mail: jeannedarc2012@yahoo.fr