mardi 12 avril 2011

Vingt-neuvième Billet de Carême : mardi de la Passion

"Le monde me hait car je témoigne à son sujet que ses oeuvres sont mauvaises" Jean 7, 7

Mystérieuse et forte parole ! Quel est le témoignage du Christ ? Quel est son message ? Il est d'abord négatif. Petites natures s'abstenir ! Optimistes compulsifs et autres broyeurs de rose, qui ne veulent même pas "voir le mal", sachez-le : "Les oeuvres du monde sont mauvaises". C'est tout le Commencement du Livre, le chapitre 3 de la Genèse sur le Péché originel, le chapitre 4 sur le meurtre de Caïn, le chapitre 6 sur le Déluge, le chapitre 11 sur la Tour de Babel. Dieu se révèle à son peuple en lui manifestant ce qu'est son péché. Le Christ lui-même vient "pour la chute et le relèvement d'un grand nombre en Israêl" comme dit le vieillard Siméon, qui l'accueille au Temple.

Cette haine du monde pour le Christ a quelque chose de surréaliste et d'absurde. Nous n'arrivons pas à nous y résigner, nous autres qui portons avec sérieux et avec fougue le beau nom du Christ et nous disons des christiani, des chrétiens. Il en est ainsi depuis le commencement : relisez les chapitres 7 et 8 de saint Jean, dont bon nombre d'évangiles de Carême proviennent. Il sont essentiellement polémiques. Et aujourd'hui encore cette haine du Christ persiste. L'Eglise en Occident (et en particulier en France) n'est plus que l'ombre d'elle-même mais l'anticléricalisme continue et même, comme disait René Rémond avant de mourir, il se renouvelle, il change non pas dans sa haine mais dans ses motivations.

Certains s'étonnent de cela. René Rémond lui-même, chaud partisan de Vatican II, avait construit toute son analyse de l'anticléricalisme en France sur l'idée que ce que l'Occident détestait, c'était les excès passéistes et réactionnaires de certains hommes d'Eglise. Il a dû reconnaître que cette analyse première du phénomène historique de l'anticléricalisme était trop courte. Vatican II n'a servi à rien. Jean Paul II, Benoît XVI ont été attaqués tout autant et sans doute plus que Pie XII de son vivant. Il suffit de voir la disfférence entre la vénération dont est entouré le pape Pie XII pendant sa vie et la haine qui le poursuit, après sa mort et s'est cristallisée dans cette pièce mensongère : le Vicaire de Rolf Hochhuth. Vatican II est avant tout l'expression du désir d'être aimé qui a saisi les chrétiens, remplis de l'Optimisme caractéristique des Trente Glorieuse. En finir avec la haine ! En finir avec l'anticléricalisme ! Tout se passe comme si ce Concile qui s'est voulu consensuel, qui a été organisé avec ce souci, aussi bien par Jean XXIII que par Paul VI, avait en réalité produit un autre type de haine du Christ... Un autre anticléricalisme.

Je vois poindre l'objection chez ceux qui me lisent : la haine du Christ et la haine du clerc (ou anticléricalisme), ce n'est pas la même chose. il est vrai que les prêtres ont prêté le flanc à cette nouvelle poussée d'anticléricalisme. Comme disait Chesterton : "les chrétiens sont pires car ils devraient être meilleurs". Il y a un scandale particulier dans la médiocrité des prêtres, je le confesse et le prend aussi pour moi même qui suis prêtre.

N'empêche que... Lorsque je me remémore tel 'Croa, croa', telle manifestation épidermique (rare) contre ma soutane, je peux dire que celui que l'on cherche à atteindre, ce n'est pas moi... On voit bien que Celui que l'on cherche à atteindre dans l'exposition avignonnaise qui a lieu en ce moment... c'est le Christ. L'un de mes amis, scandalisé par ce Piss Christ, m'a expliqué qu'il avait téléphoné à la Mairie d'Avignon (organisatrice de l'exposition), en les félicitant de leur ouverture d'esprit et de leur lutte contre les tabous. "Je suis sûr que dans ce cadre de la lutte contre les tabous vous seriez prêts à mettre une photo du Maire Marie Josée Roigt dans l'urine, en convoquant toute la population pour voir ce spectacle..." La fille s'est étranglée au téléphone : démonstration faite. il est permis de mépriser le Christ, c'est même plutôt conseillé. Mais l'ouverture d'esprit s'arrête là !

En quoi un tel développement est-il spirituel et relève-t-il d'un billet de Carême ? C'est que la vie spirituelle n'est pas un petit compartiment de la vie réelle. Nous voulons vivre en chrétiens ? Il faut savoir où nous mettons les pieds, ne pas être naïfs et comprendre que nous nous engageons aujourd'hui dans une véritable dissidence culturelle. Le pape à Malte a parlé de "contre culture" à propos de la culture chrétienne aujourd'hui. En même temps, il ne servirait à rien de prendre les armes : "Celui qui vit par l'épée périra par l'épée". C'est dans une paix totale que l'on doit se préparer à affronter cette haine du monde qui n'a pas changé depuis l'Evangile. La paix ? C'est l'arme du chrétien.

3 commentaires:

  1. "Haine du monde contre le christ" (ou contre le clerc qui n'est pas le Christ, mais en qui le Christ est visé), reste qu'une autre objection est possible, Monsieur l'abbé, vous le savez bien, vvous ne pouvez pas l'ignorer. Cette objection est tellement scandaleuse qu'on ose à peine la formuler: et s'il y avait une haine du christ pour le monde! A tout le moins, il y a un antagonisme entre "le monde" et le Christ, pareil à celui qu'il y a entre la chair et l'esprit! Le monde est terre comme la chair est matière. D'où une accusation possible d'encratisme! Je ne la reprends pas à mon compte, mais je m'interroge, comme je l'ai déjà fait sur ce blog: pourquoi est-ce le mot "monde" qui a été choisi pour désigner celui dont les oeuvres sont un sujet d'opprobre au christ? Et quelle est cette déchirure dans la création qui fait qu'il ne s'est jamais pu que Création et Créateur recouvrent l'harmonie? Malgré la rédemption, l'antagonisme persiste. Vous me direz qu'il est fait pour cesser avec le don des "biens à venir". Mais pourquoi pas maintenant? En ces jours de la Passion, c'est certainement plus que jamais le moment d'exercer la patience! Il n'empêche: tout se passe comme si Dieu S'était subordonné à une loi de la nature qui Lui eût rendu sa création hostile. L'explication du péché originel est trop courte, non qu'elle soit purement allégorique, mais elle ne vaut que pour l'homme. Teilhard de Chardin avait essayé d'expliquer que Dieu n'avait peut-être pas voulu se rendre hostile à l'autonomie d'une nature qui s'était développée de manière exogène à son dessein, mais qu'Il redressait d'un mouvement, d'une impulsion intérieure au sein du processus de Création. Toujours est-il que le processus de discordance paraît appelé à perdurer afin que s'exerce la Miséricorde. Y a-t-il un "pourquoi" de cette économie dont on pourrait amorcer une explication?

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  2. Il n'y a pas d'antagonisme entre Dieu et la Création. Le Christ ne nous a-t-il pas donné la nature sans cesse en exemple? "Soyez comme les lys, comme les oiseaux du ciel", "on reconnait l'arbre à ses fruit", "Je suis la vigne vous êtes les sarments", "le Royaume de Dieu est semblable à une graine de sénevé" etc.

    Votre objection est STUPIDE et vous n'avez rien compris à la signification du mot "monde". Ca ne veut pas dire "Création". Le monde, ce sont les hommes soumis à leurs passion et donc au péché, à l'esprit du mal.

    "Monde" comme dans l'expression "du beau monde". Ca ne veut pas dire "belle création" que je sache. Et "vivre retiré du monde" ne veut pas dire vivre sur la planète Mars, mais bien sur la Terre, dans la solitude.

    Le monde, c'est la société des impies opposée à la société des chrétiens. Ces impies haïssent le Christ et ses disciples. Il faut haïr le monde, ses pompes et ses oeuvres.

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  3. Cher anonyme,

    Réponse de l'homme à l'objection stupide:

    Certes, le "fil de ma plume" ou le cours de mon commentaire auront pu vous laisser croire que je confondais le monde et la création. Je les confonds si peu que j'ai forgé cet aphorisme: la création est l'âme du monde et le monde est la chair de la création. Reste cette constante que les sociétés humaines, impies ou tout ce qu'il y a de croyantes, se dissolvent toujours en d'invincibles incompréhension; tout comme la nature, que Dieu nous montre certes en exemple, notamment comme la récitante de Sa gloire, est soumise à des catastrophes qui ne sauraient passer toutes pour des châtiments.

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