mardi 30 novembre 2010

[conf'] «Les derniers Araméens chrétiens de Syrie : méandres de l’identité» par Frédéric Pichon

Mardi 30 Novembre 2010 à 20H00 :«Les derniers Araméens chrétiens de Syrie : méandres de l’identité» par Frédéric Pichon - F. Pichon dédicacera son livre «Maaloula, Voyage chez les Chrétiens de Syrie». - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

Vive la Benoît XVI attitude !

"Faites un post, même court, sur le dernier livre du pape !". L'injonction de ce lecteur me paraît assez naturelle : c'est l'actualité après tout ce livre. et en même temps je résiste. Pourquoi ? Je cherche le "point" sur lequel focaliser les remarques. En y réfléchissant, je comprends pourquoi j'ai du mal à trouver une unité et un point fixe : le pivot autour duquel tourneraient les remarques augustes qui composent ce livre.

C'est une remarque de Daniel Hamiche, ce midi, qui me met sur la voie. "Je n'aime pas la forme du livre d'entretien pour un pape" me dit-il. On sait bien que Paul VI y a eu recours avec Jean Guitton, que Jean Paul II s'y est livré avec Frossard, puis avec Messori, que le cardinal Ratzinger en a écrit un avec Messori et un avec Peter Seewald, le journaliste qu'il a choisi de nouveau pour Lumière du monde. Mais je comprends Daniel et je le comprends spécialement pour ce livre, très dense au début, beaucoup plus rapide après 150 pages. Le pape a-t-il eu raison de commettre ces nouveaux Entretiens sur la Foi ?

Décidément je crois que oui, car il a confié à ces Entretiens une synthèse, qu'il lui est très difficile de livrer autrement que de manière fragmentaire, sermon après sermon. Il a voulu nous enseigner là une sorte de cathopride, faite d'humilité, de générosité, d'intelligence du présent et de pénétration de la foi. Nous avons une synthèse unique, qui n'est pas une synthèse intellectuelle, qui ne propose pas un diagnostic sur la crise de l'Eglise ou sur la catastrophe annoncée au niveau mondial (ça ce serait bon pour une encyclique), mais qui teste un certain nombre d'attitudes, qui propose un certain nombre de réponses concrètes et qui constitue, dans un dialogue loyal, une sorte de très longue prédication, une exhortation à l'usage de tous les chrétiens.

Benoît XVI se révèle un extraordinaire Maître d'attitudes, tant pis pour ceux qui seraient allergiques à son grand âge, à sa douceur, à sa fermeté, à son côté très personnel et méprisant les sentiers battus.

Exemples ?
  • Face à la crise de la pédophilie : humilité, sincérité, fermeté.
  • Face aux récriminations sur le rôle de Pie XII pendant le deuxième conflit mondial : ambition de la recherche, prenant à contre pied les stéréotypes que son exigence intellectuelle a ringardisés.
  • Face à l'islam : vérité sur les liaisons dangereuses entre violence et religion et charité inlassable envers les personnes.
  • Face à la modernité : dénonciation de la "contre-religion" rationaliste et laïque et souci de respecter "la bonne modernité", celle dont les valeurs viennent du christianisme.
  • Face à son propre enseignement : Spirituel d'abord ! Le problème n'est pas de faire Vatican III mais d'essayer de comprendre comment parler de Dieu au monde.
  • Face à la crise écologique imminente : apologie de la décroissance, dont le modèle est à chercher chez les moines.
  • Face à l'avenir : Souci d'une présence de l'Eglise au monde entier et volonté de constituer des îlots de foi, dans ce que Rémi Fontaine appelle dans Monde et Vie "un sain et légitime communautarisme"

Le dernier livre de Benoît XVI nous livre le secret d'un christianisme enfin décomplexé, qui saurait revenir à "la simplicité de la foi", en laquelle s'identifient la vérité et l'amour.

dimanche 28 novembre 2010

en ligne: des sermons de l'abbé de Tanoüarn

Vous trouverez en ligne (dans la colonne de droite) certains sermons récents de l'abbé de Tanoüarn. Et puisqu'on n'arrête pas le progrès, vous pouvez les télécharger sur votre iPod, qui est (m'a-t-on dit) une sorte de walkman perfectionné.

samedi 27 novembre 2010

Veiller avec le pape pour la vie

En union de prière avec le Saint Père: Adoration devant le Saint Sacrement, le 27 novembre 2010 - 20H00/22H30 au Centre St Paul

Au Centre Saint Paul, samedi prochain 27 novembre, nous veillerons avec le pape, devant le Saint Sacrement, en priant pour la Vie, c'est-à-dire d'abord en priant pour les femmes qui portent dans leur corps ce miracle renouvelé à chaque naissance d'un petit d'homme, en particulier pour toutes celles qui sont en difficulté au moment où s'annonce pour elles une grossesse, pour qu'elles sachent se respecter elle-mêmes en respectant la vie qu'elles portent, et aussi pour qu'elles puissent faire face, pour qu'on les aide à faire face.

Les femmes portent la vie. Mais les hommes direz-vous ? En réfléchissant à cette question, me revient le mot de l'Infante dans la Reine morte de Montherlant : "Lâcheté, c'est un mot qui m'évoque irrésistiblement les hommes". Les hommes n'ont pas moins besoin de prière que les femmes lorsque l'enfant paraît. Ce qu'on leur demande ? Ne pas la jouer Ponce Pilate.

Une humanité qui ne sait plus spontanément accueillir la vie, une humanité dans laquelle l'accueil de la vie devient un problème est une humanité blessée au coeur, selon la formule de Jean Madiran. Cette blessure, j'y insiste, n'est pas quelque chose qui atteindrait telle personne et non telle autre. C'est notre civilisation qui est blessée au coeur et d'une certaine façon, si nous ne sommes pas des cosmonautes isolés dans je ne sais quelle combinaison de survie, dans la mesure où nous participons de cette civilisation et de ses fausses valeurs, nous sommes nous mêmes blessés, soit que nous ayons été blessé dans notre histoire personnelle soit que nous hésitions devant l'engagement que représente la transmission de la vie, soit que nous restions fermés aux difficultés de nos prochains et de nos prochaines.

Au Centre Saint Paul Odile et Virginie cherchent à protéger la vie naissante, en essayant d'aider les mamans en difficulté. D'autres peuvent les rejoindre. Je pense aussi à mon ami Winnie Wuermeling et son organisation à SOS Mamans, qui tous les ans sauve une quinzaine d'enfants, en proposant une aide concrète. Je pense de conscientisation que l'on peut faire, ne serait-ce qu'en intervenant sur certains Forums où des femmes disent leur angoisse et leur solitude. La prière, cela sert à cela aussi : libérer notre imagination, mettre de côté nos peurs, apprendre à agir, même si au début cela paraît ardu.

Il y a plusieurs églises à Paris où l'on prie pour la vie. N'oubliez pas cette soirée du 27 novembre, au cours de laquelle on entrera dans le temps de l'Avent, en passant d'une année liturgique à une autre. Venez prier avec nous car la prière "couvre une multitude de péchés". Pour beaucoup de gens qui ont commis ou encouragé des avortements, j'en ai eu l'expérience maintes fois au Confessionnal, cet acte peut constituer une sorte d'électro-choc, qui les réveille de leur tiédeur. Il ne sert à rien de se désoler. L'expérience du mal porte en elle, si elle produit le repentir, une promesse de salut. Voilà encore une intention de prière !

vendredi 26 novembre 2010

Immigration : Benoît XVI sort de l’ambiguïté

Article repris de Monde et Vie n°834 - novembre 2010


Chaque année la Journée des Migrants revient, et avec elle, un discours du pape, que l’on connaît longtemps à l’avance. Pour le 16 janvier 2011, le texte de la lettre de Benoît XVI vient de paraître. Il comporte quelques lignes de bon sens, qui montrent que les papes n’adhèrent pas au « transnationalisme » cette nouvelle idéologie obligatoire, vantant le mixage à tout prix, dont Michèle Tribalat, dans Les yeux grand fermés (Denoël 2010), nous a montré l’émergence mondiale.

Benoît XVI écrit dans cette Lettre: « les Etats ont le droit de réglementer les flux migratoires et de défendre leurs frontières, en garantissant toujours le respect dû à la dignité de chaque personne humaine ». L’Etat doit faire en sorte que les diversités culturelles des populations présentes sur son territoire ne s’opposent pas à l’identité nationale. En ce sens, la notion de « frontière », n’en déplaise à l’Europe de Schengen, n’a rien perdu de sa pertinence. Dans l’affaire des Roms, on s’en souvient, notre pape avait évoqué « la préservation des légitimes différences ». Il reprochait sans doute discrètement à Nicolas Sarkozy de se servir des Roms comme d’un alibi politique, pour faire semblant de traiter le problème de l’immigration, dans une de ses plus faibles composantes, au lieu de le traiter « en grand ».

Le devoir de s’intégrer

« Légitimes différences »? Cela signifie que la différence des Roms peuple nomade chrétien est « légitime », mais c’est aussi avouer à demi mot qu’il y a des différences qui ne le sont pas. Angela Merkel, chancelier allemand, s’est exprimée récemment là-dessus à la surprise générale. Elle aussi semblait insister sur les différences légitimes et celles qui ne le sont pas, en déplorant le « multiculturalisme » qui a prévalu jusqu’à maintenant dans son pays. "Le multiculturalisme a échoué, complètement échoué", a-t-elle constaté dans un discours prononcé devant le congrès des jeunes de la CDU (Union chrétienne-démocrate), le 16 octobre. L’idée que toutes les cultures peuvent et doivent cohabiter du moment qu’elles se respectent entre elles est une idée morte. La nation, qu’on le veuille ou non, reste le creuset qui unifie les cultures, dont il ne faut pas dénier les incompatibilités fondamentales. La chancelière allemande a justement insisté sur la nécessité de se montrer "exigeant" à l’égard des immigrés. Respecter la dignité des personnes: bien sûr. Respecter les « différences légitimes »: comment faire autrement ? Mais, comme le fait le pape dans sa récente Lettre, rappeler « en outre, que les immigrés ont le devoir de s’intégrer dans le pays d’accueil, en respectant ses lois et l’identité nationale ».

C’est à ma connaissance, la première fois que Benoît XVI emploie l’expression « identité nationale ». Le fait est important. Il faut reconnaître que, jusque-là, Jean Paul II avait été le seul (même un Pie XII ne l’a pas fait) à défendre une théorie de l’identité nationale. On la trouve dans Mémoire et identité, le livre qu’il a écrit en 1993, et qu’il n’a publié qu’à titre posthume… J’invite nos lecteurs à se procurer cet ouvrage et à le lire. Il contient, mieux que bien des documents officiels, les linéaments d’une politique nationale chrétienne.

Joël Prieur

Légionnaires du Christ : le pape entend peser de tout son poids

Article repris de Monde et Vie n°834 - novembre 2010

Parmi les nouveaux cardinaux, dont la nomination vient d’être annoncée, il en est un dont la fiche biographique est presque vide et dont onne sait rien, sinon qu’il est depuis longtemps l’un des hommes du pape, Mgr Velasio de Paolis. C’est son mandat actuel de délégué pontifical auprès des Légionnaires du Christ qui justifie son chapeau. Dans ce qu’il faudra bien nommer une « ténébreuse affaire », le pape entend donc peser de tout son poids en faisant cardinal son homme de confiance.

Les « légionnaires » se relèveront-ils des révélations qui ont été faites sur les turpitudes épouvantables de leur fondateur mexicain, le Père Marcial Maciel, dont on découvre qu’il fut père de plusieurs enfants, mais aussi pédophile, sollicitant de jeunes séminaristes de son propre Institut (en particulier entre 1940 et 1960), et, comme si tout cela ne suffisait pas, incestueux avec ses propres enfants. Jean-Paul II, on le sait, avait toujours refusé de s’occuper de ce problème, comptant sans doute sur la discipline interne de cet Institut pour que tout, progressivement, rentre dans l’ordre. Cette attitude, qui peut ressembler à une compromission, soit dit en passant, est en train de coûter au prédécesseur de Benoît XVI cette béatification « subito » que demandaient les fidèles massés sur la Place Saint-Pierre, lors de ses obsèques. Mais Benoît XVI arrivant au souverain pontificat en avril 2005, les choses changent du tout au tout. Dès 2005, le Père Marcial Maciel avait dû laisser sa place de supérieur à un autre prêtre mexicain, le Père Alvaro Corcuera. En mai 2006, le fondateur des Légionnaires avait été relevé de tout ministère public et invité par l'instance vaticane de la Congrégation pour la doctrine de la foi, avec l'aval de Benoît XVI, à « se retirer età mener une vie discrète de prière et de pénitence ». Le Père Maciel mourra à 87 ans, en 2008. Mais le problème n’est pas résolu pour autant. La démesure du fondateur, qui apparaît comme une sorte d’ange du mal, jouant le jeu ecclésial toute sa vie mais refusant au dernier moment les sacrements de l’Eglise, n’a pas pu ne pas transpirer sur les supérieurs actuels de la Congrégation…

Fallait-il supprimer les Légionnaires du Christ et envoyer les 800 prêtres et les 2500 séminaristes que compte cet Institut dans d’autres Congrégations ? L’ordre est installé dans 22 pays. Son mouvement de laïcs, Regnum Christi, regrouperait quelque 50 000 personnes dans le monde. Ce mouvement de clercs et de laïcs s’est toujours voulu une phalange internationale au service du pape. Il était impossible, pour le Vatican, dans l’état de faiblesse où se trouve l’Eglise, que tout cela disparaisse. Comment dissiper le malaise?

Benoît XVI, qui a toujours suivi avec une vigilance particulière, les affaires de la Légion, a voulu peser personnellement dans la balance, en nommant, en juillet dernier, un homme à lui, Mgr Velasio de Paolis, comme délégué pontifical auprès des Légionnaires du Christ, chargé d’organiser, dans les meilleures conditions, un chapitre général extraordinaire, au cours duquel on procèderait à une nouvelle élection des Supérieurs. Pour l’instant, cependant, les supérieurs actuels, soupçonnés d’allégeance étroite à Maciel, restent en place. Le Vatican ne souhaite pas révolutionner la Congrégation, en imposant a priori sa propre équipe dirigeante (comme cela avait été le cas en 2000 pour la Fraternité Saint Pierre). En revanche, une véritable structure parallèle est mise en place; elle n’a pas pour but de se substituer aux Supérieurs, mais de vérifier que la longue marche de la Congrégation vers la normalité se passe dans les meilleures conditions. La route sera longue, prévient le représentant du pape.

Le 19 octobre dernier, alors quel’on apprenait qu’il faisait partie de ceux qui recevront le chapeau cardinalice au prochain consistoire, le délégué pontifical a envoyé une longue lettre à tous les membres de la Congrégation, définissant les perspectives d’avenir dans lesquelles devront se tenir les Légionnaires. Qu’il ait attendu que la nouvelle de sa nomination cardinalice soit connue pour rendre public son plan d’action auprès des intéressés, cela montre bien les résistances que l’envoyé du pape doit rencontrer à l’intérieur de cette communauté fortement charpentée et qui se défend pied à pied contre toute ingérence.

Le nouveau cardinal nommé est prudent. Mais il ne se réfugie pas dans la langue de buis: « Une difficulté persiste, explique-t-il, et elle est ressentie par certains pour qui les supérieurs actuels ne pouvaient pas ne pas connaître les fautes du Fondateur. En les taisant, ils auraient menti ». En quelques mots tout est dit du drame que vit cette congrégation.

Mgr Velasio de Paolis n’est pas là pour aggraver une situation déjà très lourde. Il tente donc de défendre l’équipe en place : « On sait que le problème n'est pas si simple. Les différentes dénonciations publiques dans les journaux, à partir des années 90, étaient bien connues, et aussi par les supérieurs de la Congrégation. Mais, avoir les preuves du fondement de telles accusations et en avoir la certitude, est une autre chose. Ceci est venu beaucoup plus tard et graduellement ». Mais en même temps il annonce une mutation profonde de cette Communauté, dont il est responsable devant le pape.

Est-ce à dire que les Légionnaires du Christ, communauté très traditionnelle dans le panel actuel, vont être obligés de subir, en 2010, un véritable aggiornamento, en se mettant à l’heure du Concile? Le délégué pontifical se veut rassurant : « Pour les instituts religieux en général on se lamente parce qu'au nom de la rénovation postconciliaire demandée par le Concile, la discipline et le sens de l'autorité se sont perdus, suivis par un certain relâchement dans la pratique des conseils évangéliques et d'une crise vocationnelle importante, malgré la richesse de la théologie sur la vie religieuse qui se développe en cette période. Pour les légionnaires, par contre, il s'agit de s'ouvrir davantage à cette rénovation postconciliaire de la discipline et de l'exercice de l'autorité. Le danger d'aller trop loin et de déclencher un mécanisme de manque d'engagement dans la discipline et dans la vie spirituelle est réel ; il serpente particulièrement entre quelques prêtres et religieux. Ce danger est redouté y compris par le Supérieur Général qui, exprimant son engagement d'obéissance et de fidélité au Pape, a demandé, cependant, que l'institut, tout au long de ce chemin de rénovation, soit préservé de ce péril, c´est-à-dire, du danger que l'engagement pour la rénovation se transforme en indiscipline et relâchement ».

L’affaire Maciel, au vu des moyens que le pape met en œuvre, est sans doute la plus importante du pontificat actuel, celle où l’on attend l’Eglise au tournant. Il s’agit à la fois de nettoyer de fond en comble les écuries d’Augias et de conserver à cette jeune Congrégation l’esprit profondément traditionnel qui a fait son succès. Benoît XVI entend bien tenir les deux bouts de la chaîne, comme le souligne son envoyé. En d’autres temps, on aurait sans doute profité des graves dysfonctionnements de cet Institut pour le « normaliser » ou le « conciliariser ». Dans cette lettre du 19 octobre le futur cardinal Velasio de Paolis, délégué pontifical auprès des Légionnaires, s’est engagé au nom du pape pour que l’Eglise conserve le meilleur de ce qui a fait la renommée des Légionnaires du Christ, sans pour autant manifester la moindre complaisance pour les graves dérapages du fondateur. La marge de manœuvre de Rome est étroite. Mais déjà la lumière brille au bout du chemin.

Claire Thomas

jeudi 25 novembre 2010

Des hommes à part

Désolé de vous faire trop souvent faux bond sur ce Blog. Je termine mon livre sur Pascal (dont vous avez d'ailleurs abondamment entendu parler ici) et je suis comme un gros moteur diésel : il faut le temps que ça chauffe et quand c'est chaud, c'est increvable.

Cela dit, j'étais invité à l'avant-première d'un très beau documentaire : Des hommes à part, un film sur les prêtres (et les séminaristes) de la Fraternité Saint Pierre. L'auteur ? Yvon Bertorello que j'ai souvent croisé. Un spécialiste du film religieux, qui a déjà à son actif un film sur les moines du Mont Athos (cette république monastique interdite aux femmes et aux caméras), un film sur le Barroux, qui a reçu plusieurs prix et beaucoup d'autres choses encore.

Le film ne trahit pas notre attente, avec un rythme qui lui est propre et qui prend le spectateur petit à petit. Tout commence au Séminaire, et en particulier - pour le jeune homme du XXIème siècle qui n'est plus spontanément un animal religieux - l'apprentissage du sacré. Le cinéaste Eddy Vickert procède par gros plans successifs sur les visages, en laissant chacun s'exprimer. Il n'y a pas de triche. Pas d'emphase (sauf les quelques ralentis du début qui m'ont un peu effrayé ; ma peur a disparu très vite). Chacun s'exprime, avec des mots simples sur son parcours. La première chose qui frappe, en dehors de la simplicité des réponses, c'est leur diversité : il y a celui qui a découvert la messe traditionnelle sur Internet, celui qui se voulait prêtre à cinq ans (sic), celui qui était complètement athée et qui a été conduit à l'église par sa grande tante. Tout cela ne s'invente pas, c'est la diversité de l'existence et un beau témoignage sur la fécondité de la Fraternité Saint Pierre. Un leit-motiv revient : l'importance de la liturgie (supra tutto, comme dit un séminariste italien en détachant les "t" dans la jolie musique de sa langue maternelle). Pas de doute : la forme extraordinaire est... extraordinaire pour tous ces jeunes. C'est cela qui les a conduit des quatre coins du monde (l'un d'eux vient de Taïwan) jusqu'au petit bourg de Lindau en Bavière, où ont lieu les ordinations.

Dans la deuxième partie, le film s'emballe littéralement, en nous présentant les prodiges de l'Apostolat dans la Fraternité : il y a d'abord ce prêtre chilien qui exerce dans les Landes et s'engouffre sans crier gare dans la permanence de la CGT, embrassant tout le monde. Sans rien céder sur le fond bien sûr, mais c'est vraiment l'homme de tous, qui est à tous. Je connais un autre prêtre de ce calibre dans l'évêché de Nice, auquel ses quinze ans d'Afrique ont appris à être infiniment disponible. C'est vraiment l'image que l'on se fait du curé de Paroisse si le Concile (et la décision prise à Rome de supprimer l'inamovibilité des curés et la monarchie presbytérale) ne les avait pas (presque) tous réduits au rang de commis de l'évêque (Aïe, mon mauvais esprit va encore me valoir des coups de règle sur les doigts). Même chose pour les deux prêtres "colombiens" : ils opèrent eux à la limite du territoire tenu par les FARC, mais avec une décontraction et une efficacité merveilleuse. Reçus par tout et par tous, ils ne portent pas la marque infamante de l'intégrisme. Il se trouve que le plus jeune de ces deux prêtres a été mon (jeune) élève en latin : si j'avais su où ce latin devait mener ! Du XVIème arrondissement à une chambre de 6mètres carré, en compagnie des tarentules et autres scorpion : c'est la grâce efficace aurait dit Monsieur Arnauld.

Ce film est efficace de l'efficacité de ces jeunes prêtres, que l'on voit au début du film comme des anges et que l'on découvre dans la deuxième partie prêts à tout et se pliant aux conditions si diverses de l'apostolat réel. J'ajoute deux petites notes : ce film est efficace, parce que la voix de Michael Lonsdale, la voix de frère Luc dans Des hommes et des dieux, avec son très léger vibratto est efficace. Enfin mention spéciale à Thierry Malet pour la musique originale de ce film : en elle-même une très belle invitation au voyage !

A l'IBP, nous avions déjà montré la vie de nos séminaristes romains : dix minutes et un maximum d'effet sur KTO, la Télé catho, grâce au talent de François Lespès l'auteur du court métrage. Cette fois, nous avons plus de cinquante minutes d'un film, tourné dans plusieurs pays et sur deux continents. Je crois que la qualité de toutes ces images montre bien que n'en déplaise aux Cassandre, le sacerdoce a de l'avenir. Non ce n'est pas un métier faute de mieux. Fonctionnaires de Dieu s'abstenir. Oui, c'est une aventure exaltante, où l'on doit se sentir sans cesse dans la main de Dieu. Comme dit Bernanos dans quelques unes de ses lettres : "Va-t-Il serrer ?" C'est vrai, gare aux secousses, on se croirait parfois sur la grande roue, mais quel élan sans cesse renouvelé ! La grâce efficace devient le point fixe qui, s'il ne nous fait pas soulever le monde, comem pour Archimède, doit en tout cas nous faire transporter des montagnes.

Il faut vous procurer ces images, par exemple en commandant le DVD à Brannay, à la maison du district. J'accumule les paroles. Mais ce film est une démonstration par l'image. Prix franco de port 21 euros à commander à FSSP, 10 impasse de la Chapelle, 89 150 Brannay

mardi 23 novembre 2010

[conf'] «Amour profane, amour sacré, la littérature antique dans tous ses états» par Gianfranco Stroppini et l’Abbé Guillaume de Tanoüarn

Mardi 23 Novembre 2010 à 20H00 :«Amour profane, amour sacré, la littérature antique dans tous ses états» par Gianfranco Stroppini et l’Abbé Guillaume de Tanoüarn - G. Stroppini dédicacera ses ouvrages «Virgile et l'amour » et « L'amour dans les Géorgiques de Virgile» - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

dimanche 21 novembre 2010

[conf'] La Sainte Russie

Le Cercle de l'Aréopage est heureux de vous convier à la deuxième journée de conférence franco-russe: "LA SAINTE RUSSIE", le samedi 11 décembre 2010, de 14H00 à 19H00 au Centre Saint Paul, 12, rue Saint Joseph, 75002 Paris -- Au programme : Concert spirituel: chants vieux slaves sur le thème "La Mère de Dieu". Chorale dirigée par V. Soloviev -- Père Diaz: spiritualité de la liturgie byzantine -- Père Jean-Paul: Comment la spiritualité liturgique byzantine éclaire celle d'Occident -- Pr. Mikhaylov (Université Saint Tukhon, Moscou): le mystère de l'Eucharistie selon les théologiens de l'Ecole de Paris -- Abbé Guillaume de Tanoüarn: Nicolas Berdiaev ou l'identité spirituelle de l'Orient et de l'Occident -- Les conférences seront suivies d'un verre de l'amitié/buffet - Participation: 15 euros (réduction pour les chômeurs et étudiants) - Réservation souhaitée auprès de cercle.areopage@gmail.com

samedi 20 novembre 2010

Ce n’est pas une réponse de théologien…

Texte repris de Monde&Vie n°833 - 11 octobre 2010 - suivi du texte de Jean-Pierre Dickès

J’ai lu avec passion [l'article de Jean-Pierre Dickès à lire ci-dessous] et je crois que cette question de la création d’une vie en laboratoire est fondamentale. On va connaître l’époque où cette découverte des clés du génome sera complètement banalisée.

Que faut-il en penser du point de vue spirituel et du point de vue philosophique ? Est-ce conforme ou non conforme aux principes religieux qui nous animent ? Est-ce pensable? Dans un livre retentissant, qui a déjà plus de 20 ans, Patrick Chalmel comparait Biologie moderne et philosophie thomiste, en soulignant le matérialisme foncier de la philosophie thomiste, entée sur l’aristotélisme. « l’âme est l’acte d’un corps organisé » avait dit le Stagirite. Cela ne gêne pas saint Thomas. Et quand il a à expliquer les « prodiges » accomplis, face à Moïse par les magiciens de Pharaon, faisant sortir des serpents de la poussière dans une sorte de génération spontanée, l’Aquinate explique tout bonnement que Satan leur inspirateur a une connaissance… angélique des mécanismes de la matière. Il connaît le secret de la vie. Ce prodige n’est pas un miracle substantiel, mais simplement l’exploitation par un esprit supérieur des lois de la matière et de ce qui, en elle, permet de produire la vie. On remarque chez saint Augustin, dans son De Genesi ad litteram la même tendance au matérialisme dans l’explication des origines de la vie. Augustin s’appuie sur la théorie stoïcienne des raisons séminales, contre le « spiritualisme » excessif des gnostiques, qui oppose, dans l’homme, le principe spirituel bon et le principe matériel mauvais. On peut dire que depuis Tertullien et son De Carne Christi, toute la tradition théologique chrétienne – contre le gnostique Marcion - procède de ce matérialisme-là.

Faut-il pour autant donner raison à Darwin et répéter avec Craig Venter que l’humanité est aujourd’hui darwinienne? Ne confondons pas tout. Darwin produit une théorie générale explicative de l’origine des espèces, théorie dont même les darwiniens d’aujourd’hui, que l’on nomme « néos », ne peuvent plus soutenir comme l’a démontré de façon définitive leur porte étendard Stephen Jay Gould.
 
Mais la question d’une histoire de la création, la question de l’apparition de nouvelles espèces au cours de l’histoire n’est pas tabou chez saint Thomas: «Si quelque espèce nouvelle apparaît, il faut dire qu’elle se trouve en germe dans les raisons séminales» qui sont à l’origine de la vie. Que l’homme soit capable de déchiffrer le code dont Dieu s’est servi, cela ne signifie pas que la vie est née toute seule, s’est complexifiée par elle-même et ait engendré spontanément ce prodige qu’est l’homme.

Dieu a fait les plans. Nous sommes capables de les restituer au moins pour une part… A la bonne heure. Cela signifie que nous participons à ce que la création possède de plus haut : l’esprit. En ce moment l’homme a un peu tendance à oublier cette évidence première.

Abbé G. de Tanoüarn
Quand l’homme crée la vie

Encensé par les uns comme un génie, qualifié par d’autres du nom de Frankenstein, Craig Venter, célèbre chercheur américain a réussi en juin dernier à créer un microbe vivant. Ce qui n’est pas sans poser de graves questions en matière d’éthique.


Le chercheur de San Diego, en synthétisant le premier organisme vivant a-t-il créé la vie ? Craig Venter a détricoté le génome d’une bactérie en la réduisant à sa plus simple expression; celle qui forme le code génétique dit ATGC, adénosine, thymine, guanidine, cytosine : le chiffre de la vie. Ce sont des acides aminés protéiques qu’il est d’ailleurs possible de synthétiser facilement et que l’on retrouve dans toutes les ampoules de fortifiants du commerce. Puis il a reconstruit, comme on le ferait avec des pièces d’un gigantesque Lego, une autre bactérie du nom de Mycoplasma mycoïdes appelée désormais par les journalistes du doux nom de Synthia. Il s’agit d’un micro-organisme sans ancêtres, sans parents, se reproduisant tout seul. Synthia est le premier vivant au monde construit de main d’homme.
A l’instar d’Aristote, saint Thomas définit cinq références pour que la vie puisse exister : organisation, nutrition, reproduction, conservation et évolution. Synthia présente effectivement ces critères. Saint Thomas ajoute que ces cinq fonctions ne peuvent se faire sans qu’il y ait une anima, une âme donnée par Dieu, un principe de vie animateur qui dans ce cas existe bien de par les recherches de la science humaine.
Sans complexes, Venter proclame : « le nouveau Darwin c’est moi ». Il ajoute : « désormais, créer de toutes pièces des animaux, des plantes et demain des êtres humains c’est possible ». Telle est la perspective de l’Homme Artificiel. Bon prince, il considère que sa découverte peut poser des problèmes aux catholiques. Car jusqu’à présent créer la vie, c’était le job de Dieu. Voilà ce dernier dépossédé de son monopole.
L’inévitable Axel Kahn va plus loin en répondant affirmativement à la question de savoir si Craig ne se prend pas pour Dieu. Et il ajoute que, certes pour les croyants, la question peut se poser et que la découverte du savant américain est « blasphématoire » à l’égard de la religion. Lui-même se disant agnostique, il affirme sans ambages que cela ne le préoccupe guère. Les réactions de Rome vis-à-vis de cette découverte ont été peu consistantes, allant du « passez votre chemin, il n’y a rien à voir » à « si cela peut être utile à la recherche, c’est très bien ». Il est probable que l’Académie Pontificale des Sciences cherche à en savoir plus, se méfiant des escrocs du tripatouillage de la vie. Il n’empêche que le catéchisme définit la vie comme l’union de l’âme et du corps. Et que si Craig Venter a créé un être vivant à partir d’un matériau, cela signifie que l’homme contemporain a été capable de créer une âme animale comme Dieu lui-même l’a fait au commencement du monde. Or Dieu crée à partir du néant. Pourtant dans le récit de la Genèse, il est bien spécifié que Dieu créa les êtres selon leur espèce. Or c’est bien une espèce que Craig a créée. Il a touché à « l’arbre de vie » qui tenta nos premiers parents.
Faute de réponse des théologiens, il faut admettre que le chercheur américain, sorte de démiurge, pourrait bien se voir conforté dans l’idée qu’il a réalisé le rêve de Darwin, celui de faire évoluer les êtres vivants.

Dr Jean-Pierre Dickès

Et la Fraternité Saint-Pie X ?

Article repris de Monde et Vie n°834 - novembre 2010

On ne peut pas s’empêcher de penser que le respect affiché par Rome du «charisme propre» – profondément traditionnel – des Légionnaires du Christ - un Institut pourtant tellement compromis par ailleurs - est un gage de la fiabilité du Vatican dans les négociations, d’un tout autre ordre certes, qui se déroulent en ce moment avec la Fraternité Saint-Pie X. Par rapport aux procédés autoritaires utilisés naguère (en 2000) par le cardinal Castrillon Hoyos, pour régler les problèmes internes et surmonter les divisions de la Fraternité Saint-Pierre, en nommant lui-même un supérieur « à sa main », la présente prudence de Rome avec les Légionnaires est tout à fait remarquable. Mgr Velasio de Paolis défend la légitimité des supérieurs actuels, pourtant bien compromis et souhaite que, si changement il y a à la tête de la Congrégation, cela se produise après consultation des membres dans un chapitre général. Est-ce en ayant égard à cette (nouvelle) fiabilité du Vatican de Benoît XVI, que Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité Saint-Pie X, a assez solennellement pris rendez-vous avec l’avenir ? Alors que le débat doctrinal engagé l’an dernier touche à sa fin, le successeur de Mgr Lefebvre a souligné qu’aucune porte n’était fermée pour autant: « Nous sommes à un point charnière, a-t-il déclaré le 16 octobre au périodique Nouvelles de chrétienté, pour la reconstruction à venir, et bien que cela n’apparaisse pas encore nettement, je crois que tout est possible ». Que conclure? Qu’au jeu des petites phrases, celle-là n’est certainement pas la moins significative!

Claire Thomas

vendredi 19 novembre 2010

Je mens si je dis la vérité pour moi...

Sans doute me trouvez vous trop rare sur metablog. C'est que je tente désespérément d'en finir avec mon livre sur La foi de Pascal et la nôtre. Et j'ai, en chemin, de grandes tentations. Avez-vous jamais ouvert les trois tomes en Pléiade du Port Royal de Sainte-Beuve. C'est simplement sublime. J'avais eu l'occasion d'en commencer la lecture au Gabon il y a vingt ans parce que le premier tome traînait, on ne sait pourquoi, dans la bibliothèque (de même qu'il y avait un exemplaire fort défraichi de Mes idées politiques (Maurras) dédicacé à un vieux missionnaire au Gabon par son frère resté en Métropole et du même auteur un exemplaire de son Mistral. Curieuses lectures des héros de l'apostolat que sont les missionnaires de l'ancien temps ! J'avais décidé de lire tout Sainte-Beuve et m'étais arrêté à la moitié du premier volume. J'ai repris cette lecture récemment avec... ravissement. Quel esprit ! Et quelle précision en même temps!

Voici, extrait du livre V, à la fin du troisième tome (P. 930), une magnifique formule de Pierre Nicole (que l'on ne cite plus guère, mais qui a tout de même sa rue à Paris, sur la paroisse Saint Jacques du Haut Pas sur le territoire de laquelle il vécut, quand il n'était pas en exil). Il nous entretient de quelque chose pour quoi il a combattu toute sa vie : la vérité. C'est extrait de l'un de ses Petits Traités de morale, dont le titre est à lui seul tout un programme : Qu'il y a beaucoup à craindre dans les contestations pour ceux mêmes qui ont raison.

Voici : "On peut blesser la vérité en diverses manières et il n'est pas juste que ceux qui la blessent d'une manière parlent durement de ceux qui la blessent en une autre. On blesse la vérité en la combattant, en lui résistant, en ne lui cédant pas, en inspirant aux autres la fausseté, cela est vrai. Mais on ne la blesse pas moins en s'en glorifiant et en l'employant à nos intérêts et à notre vanité".

Grande idée augustinienne et pascalienne : "la vérité qui ne se tourne pas à la charité est une idole". La vérité au service de l'ego, c'est une contradiction dans les termes. il est au moins aussi grave de se servir de la vérité du Christ pour affirmer ou affermir son ego vacillant que de lutter contre elle dit Nicole. On comprend qu'au tournant des années 1670, il ait souhaité en finir avec les polémiques, auxquelles toute sa vie son grand ami Antoine Arnauld resta assidu. Mais comme il est difficile de servir la vérité sans s'en servir.

mercredi 17 novembre 2010

Vu(e) de la salle des profs...

Je travaille dans un milieu (l’Education Nationale en zone défavorisée) qui compte peu de chrétiens, qui aime penser que toutes les religions se valent, que chacune a ses intégristes (la grenouille de bénitier équivalant à Ben Laden), et que le problème n’est pas tant une religion à proprement parler que les personnes qui s’en réclament. A y regarder de plus près, les reproches diffèrent selon que l’on tape sur les chrétiens ou sur les musulmans. Les chrétiens seraient éloignés du message de Jésus, tandis que les musulmans devraient évoluer, et s’adapter à «nos» valeurs. C’est ce ‘nos’ qui m’intéresse. Il indique une articulation ‘nous’/’eux’, que l’on ne trouve pas dans l’opposition au christianisme.

Deuxième remarque: ce qui est reproché aux musulmans, c’est de rester trop près du message de Mahomet. Ce qui est reproché aux chrétiens c’est d’être trop loin de celui de Jésus. En quelque sorte, et tout à fait inconsciemment: un bel hommage au christianisme, et une condamnation radicale de l’islam.

Troisième remarque: les autres religions sont passées sous silence, le bouddhisme bénéficiant de l'image cool du Dalai Lama, et l'hindouisme de son côté exotique. L'animisme africain n'est pas perçu comme une religion: trop éloigné du modèle de pensée des enseignants.

Quatrième remarque: je parle des personnels de l'Éducation Nationale, moins subtils que ses programmes. Notez aussi que je décris à grosse maille, c’est évidemment plus complexe. Cette petite brève est un ressenti, pas une thèse.

mardi 16 novembre 2010

[conf'] "Le dogme chrétien de l’origine du monde" par Tatiana Dupin

Mardi 16 novembre 2010 à 20H00 au Centre Saint Paul (12 rue Saint Joseph - 75002 Paris) - "Le dogme chrétien de l’origine du monde - Comprendre l’invisible par l’image" par Tatiana Dupin - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

lundi 15 novembre 2010

Photos de la conférence du 12 octobre, par l'abbé Barthe

L'abbé Claude Barthe était le 12 octobre au Centre Saint Paul, à l'occasion de la sortie de son étude sur "La Messe à l'Endroit". Et voici les photos de la conférence:

Photos par laflaquiere.com (C)

dimanche 14 novembre 2010

Les cours d'hébreu au CSP...

Cela faisait longtemps que je souhaitais un cours d'hébreu au Centre Saint Paul. Et puis cette année, le frère Thierry qui a des antennes me propose un nom. Je prends contact avec Jean Marie Elie, un personnage formidable, qui littéralement vit du Christ... et qui n'oublie pas qu'il n'y a de véritable vie spirituelle que dans la mesure où l'intellect fournit la matière de notre transformation quotidienne. Le Curé d'Ars, qui a tellement bûché ses auteurs et qui était devenu spécialiste des Pères de l'Eglise en savait quelque chose. Si l'on ne forme pas la tête, on ne restaure pas le coeur, car toute vraie croissance (comme l'exprime la parabole du Grain de sénevé) vient de l'intérieur. Le coeur a ses raisons que la raison ignore dit Pascal... Mais les raisons du coeurs sont souvent plus raisonnables et en tout cas plus constructives que les raisons de la raison. Gare à celui qui les méprise. Gare à celui qui les oublie, qui veut se faire "un coeur nouveau" sans chercher les "raisons nouvelles" qu'il apporte. Dans ce monde matérialisé, il nous faut retrouver les raisons de la méditation, les raisons de l'oraison. Petit détail du vocabulaire latin : Oratio signifie à la fois "discours" et "prière" dans le latin chrétien. On emploie uniquement Prex chez les païens et jamais Oratio. C'est que la prière chrétienne n'est pas seulement une "supplication" (prex), elle est cela mais elle est plus que cela : raison transcendante, parole reçue, parole donnée, germination, transformation intérieure.

En quoi cela a-t-il rapport au Cours d'hébreu ?

Je pense que la foi chrétienne, pour affermir en chacun de nous cette oratio dont la liturgie et le Culte public de l'Eglise donnent l'exemple, nous offre plusieurs langages, tous différents, mais en quelque sorte canonisés par l'histoire.

Il y a le langage liturgique, qu'il faut apprendre, mais qui est comme la langue maternelle de l'Eglise maîtresse des sacrements. Il y a le langage spirituel, on peut même dire qu'il existe plusieurs langages spirituels différents et qui ont chacun leur cohérence : n'essayez pas de comprendre le néantisme de la Montée au Carmel de saint Jean de la Croix, en dehors de la tradition carme, vous en feriez un soufi... Il y a le langage de la théologie spéculative, issu des grands conciles christologiques et marqué par des siècles de thomisme plus ou moins strict... Il y a le langage de la théologie biblique. Attention ! Ce n'est pas le langage des exégètes sur lequel on autrait tartiné quelques abstractions théologiques, non ! Le langage de la théologie biblique est celui des apôtres, saint Paul, saint Jean, saint Pierre. C'est ce langage de la théologie biblique qui doit nous aider à lire l'Ancien Testament comme les apôtres l'ont lu, sous l'impulsion du Saint Esprit. Si ensuite, on veut s'amuser à faire un peu d'exégèse structurale, pourquoi pas ? Mais sans être dupe du résultat, sans prendre le medium pour le message. J'ai été impressionné de la puissance que prend la parole des apôtres - Paul en particulier - lorsque on la restitue à son contexte hébraïque. Loin de s'éloigner de la théologie latine, on la rejoint par d'autres voies...

Il y a un autre langage, qui ne mène au Christ que par accident : le langage philosophique. Combien de rationalistes de la foi, qui réduisent la parole de Dieu à la philosophie.

Le drame que vit l'Eglise vient de la trop grande richesse des langages sur lesquelles elle s'est construite. J'en oubliai un, d'ailleurs, dont nous parlerons mardi prochain, le langage iconographique, qui lui aussi a ses constantes à travers l'histoire, comme nous le montrera Tatiana Dupin.

Pourquoi drame ? Parce que certains, déconcertés par tant de richesses, s'en détournent immédiatement au profit de purs ressentis. D'autres ne veulent plus voir la convergence des langues, qui est un grand argument en faveur de l'Evangile : hébreu, grec, latin, tout converge. Mais attention à ne pas tout mélanger pour autant. L'un des risques majeurs aujourd'hui chez les Pasteurs en herbe, c'est le mélange des genres, dans une teinture superficielle qui confond l'état d'âme et la réalité spirituelle.

La première manière de respecter l'Esprit saint, de ne pas éteindre son feu, c'est de respecter les différentes langues dans lesquelles il s'exprime, en travaillant chaque vecteur de signification dans le registre qu'il offre à notre méditation. Exemple ? Ne pas lire les Pères avec la grille du thomisme, mais pour eux mêmes. Ne pas confondre liturgie et catéchisme, iconographie et théologie etc. Sans un minimum de travail au sein d'un mode d'expression donné, il n'est pas possible d'accéder aux raisons du coeur, dans leur pureté native... Celui qui mélange les différentes raisons du coeurs, les différents vecteurs de la méditation me fait penser à ce jeune homme inexpérimenté (j'en ai croisé un récemment) qui parle à sa copine (en l'occurrence à sa femme) de la même façon qu'il s'exprime avec son meilleur pote. Les raisons du coeur exige des délicatesses auxquelles la Raison - parce qu'elle fonctionne comme les ordinateurs : en base 2 - ne nous a pas forcément habitué.

Ce qui m'a frappé chez Jean Marie Elie ? Il connaît parfaitement un vecteur d'expression de la parole, en l'occurrence la langue hébraïque. Il ne fait jamais de théologie spéculative, mais rejoint par et dans la langue hébraïque la théologie la plus spéculative ou la foi chrétienne la plus exigeante. Miraculeuse co-incidence des efforts méditatifs, qui ne peut manifester sa fécondité que dans une grande rigueur d'application au travail, sans jamais confondre les genres, sans utiliser les raccourcis que d'autres disciplines à travers lesquelles s'exprime aussi la Parole pourraient nous fournir.

Les raisons du coeur ? On veut oublier le travail, l'application, la rigueur qu'elles exigent...

jeudi 11 novembre 2010

C’est pour de vrai !

Texte repris de Monde&Vie n°831 - 28 août 2010

Quel curieux sujet de roman! On imagine un ancien élève de Supaéro, devenu ingénieur de l’armement, un civil parvenu au grade de colonel, un homme qui porte bien l’uniforme mais qui ne sait pas tirer. Jean Bastien Thiry a attiré l’oeil d’Alice Ferney. Elle le tutoie pendant 200 pages, en essayant de comprendre pourquoi il… n’avait pas voulu tuer de Gaulle. A travers cette figure noble, c’est toute une époque qui revit, une certaine idée de la France, oui, disons-le, qui prend chair. Nostalgie ? Admiration ? C’est un peu tout cela que l’on éprouve en pensant à Paul Donnadieu, le masque littéraire de Bastien Thiry dans ce livre. En face de lui, Alice Ferney a campé le général (Jean de Grandberger comme elle l’appelle), son grand corps disgracieux, ses oreilles en forme de nageoires et ses petites mains. J’ai un ami qui s’enthousiasme pour la manière dont la romancière tient la balance égale entre les deux personnages. C’est vrai qu’elle déploie, avec une véritable objectivité, un sens du détail digne de tous éloges. Mais enfin, chaque fois qu’elle tente d’expliquer le Général, il en sort un peu plus petit. Ce livre raconte un face à face inéquitable : d’un côté, un homme d’honneur, effrayé de voir la France tenir sa parole pour rien en laissant massacrer ceux qui lui avaient été fidèles ; de l’autre côté, un vieux politique machiavélien, qui dit ouvertement le contraire de ce qu’il pense. Le seul crédit que l’on puisse faire à Grandberger, vu par Alice Ferney, c’est d’avoir toujours pensé ce qu’il met en oeuvre avec le plus grand cynisme. Est-ce suffisant pour l’absoudre? Voilà une question que l’on ne pourra plus « passer sous silence » après avoir lu ce livre. « Les nouveaux maîtres se chargeaient de torturer les indigènes autrefois ralliés à l’Empire. Une culture s’effondrait dans l’enchantement violent de la victoire. Tout un passé était nié. Les vainqueurs dénonçaient les traîtres à la cause. Ils leur arrachaient les yeux. Ils leur arrachaient le sexe. Ils les éventraient, leur coupaient les oreilles, les brûlaient à l’huile bouillante. Ils les faisaient griller ». Que répondre à de telles images ? Il faut lire ce livre.

Joël Prieur


Alice Ferney, Passé sous silence, éd. Actes sud, 208 pp. 2010, 18 euros

mercredi 10 novembre 2010

Notre ambition : servir le Christ dans les formes traditionnelles de la liturgie romaine

Lettre à nos Amis n°18 - Novembre 2010

Chers Amis, notre rentrée s’est effectuée sans difficulté majeure. Vous avez [sur le site du Centre St Paul] une idée de nos différentes propositions. Notre ambition, après cinq ans, reste la même : servir le Christ dans les formes traditionnelles de la liturgie romaine. Quelle joie sans cesse renouvelée pour les prêtres ! Quelle invitation à une intériorité toujours nouvelle, pour nous qui portons le poids du jour, des occupations et des sollicitations de toutes sortes ! Venez refaire vos forces à l’une de nos cinq messes dominicales ou assistez avec cœur à l’une de nos trois messes quotidiennes. Cette petite flamme de la tradition tranquillement intégrale dans la fidélité à l’Eglise et à nos pasteurs, elle brille dans nos cœurs et nous unit. Nous mettons l’accent cette année non seulement sur les cours – dont vous avez une petite idée [sur le site du Centre St Paul] – mais sur la défense et l’illustration d’un thomisme intellectuel sereinement revendiqué. Avec des étudiants de haut niveau, nous nous plongeons dans la quête de ce qui nous reste du théologico-politique chrétien (un jeudi par mois) ou dans la polémique sur le désir naturel de voir Dieu (un samedi par mois), en espérant vous offrir des actes sur papier de ces deux séminaires. En vous remerciant de votre intérêt pour notre œuvre de culture chré­tienne, je me permets à nouveau de tendre la main vous assurant que nous ne vivons que de votre générosité – celle qui vient de la Charité dans laquelle nous communions tous
in Christo,
Abbé Guillaume de Tanoüarn +

Abécédaire d’un monde disparu

Article repris de Minute du 10 novembre 2010

Ghislain de Diesbach professe avoir « le goût d’autrui », un goût particulièrement prononcé quand il s’agit des « silhouettes éphémères » d’un monde parisien qu’il connaît par coeur. Il y a des noms connus, Marie-Laure de Noailles, « qui pratiquait avec virtuosité la méchanceté gratuite », ou Paul Morand, « un mariage heureux, des liaisons délicieuses et suffisamment variées pour ne pas devenir monotones », Jean-Louis Bory – « bouffon du gauchisme », ou Monseigneur Ducaud-Bourget, « auquel il manqua pour être mieux apprécié de sa hiérarchie de ne pas croire en Dieu ». Il y a ceux dont on ne se souvient pas, le colonel Henry d’Anglejan, « popotier du Jockey » ou la baronne Blixen, « momie rapportée d’Egypte par un savant orientaliste ».

En toute liberté, Ghislain de Diesbach cultive le sens de la formule et dit, avec élégance, ce qu’il pense des uns et des autres. Mais surtout, pour épingler tel ou tel personnage dans son herbier de luxe, il raconte quelques-unes de ces anecdotes qui font tout le charme de la « conversation ». Juste une, concernant Elie de Rothschild: « Celui-ci avait parfois de curieuses réactions tout à son honneur, mais inattendues de sa part. Un jour, par exemple, un de ses invités s’était permis une plaisanterie de mauvais goût sur la sainte Vierge, il s’était levé, déclarant à son invité, trop surpris pour protester: “Je vais vous raccompagner.” Et il l’avait poussé dehors. Revenu dans le salon, il avait déclaré: “Il ne faut pas oublier que la sainte Vierge était juive. Il faut se soutenir entre soi.” »

Tel est le monde de Ghislain de Diesbach, jamais si aimable que lorsqu’il sort des conventions dans lesquelles il s’ordonne. L’oeil aigu du vieux jeune homme jamais blasé sait remarquer le burlesque ou l’étonnant et le souligner d’un trait de son crayon, en pratiquant cette méchanceté qui, parce qu’elle est française, reste toujours légère, pardonnable parce que pardonnante.

On ne sort pas si facilement de cet abécédaire, tant le dépaysement est garanti! Avec ces soixante-dix portraits, voilà un cadeau tout trouvé.

Joël Prieur
Ghislain de Diesbach, Le Goût d’autrui, éd. Via romana, 378 pp., 25 euros port compris. Commande à Minute, 15 rue d’Estrées, 75007 Paris.

mardi 9 novembre 2010

[conf'] "La décroissance, pour ou contre" par Kostas Mavrakis

Mardi 9 novembre 2010 à 20H00 au Centre Saint Paul (12 rue Saint Joseph - 75002 Paris) - "La décroissance, pour ou contre" par Kostas Mavrakis - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

lundi 8 novembre 2010

Réponse à Henry que je ne connais pas sur la foi humaine...

Merci de ces deux précisions (voir commentaires au post précédent). Elles me sont très utiles.

Je disais pour faire vite que la foi humaine est un cercle carré dans le contexte où l'on oblige des religieuses au nom de leur foi à signer un Formulaire dans lequel elles doivent non seulement condamner des erreurs mais se prononcer sur le fait : se trouvent-elles ou non dans Jansenius. L'immense majorité des Port-royalistes, le grand Arnauld en tête, distingue le droit et le fait. Je n'ai vu qu'un certain Guillaume Leroy qui refusait cette distinction et défendait les cinq propositions comme augustiniennes, malgré les condamnations romaines réitérées. Au nom de quoi peut-on obliger des religieuses ignorantes à signer ? Péréfixe n'est pas un aigle, tout le monde le dit. Il popose cette distinction de la foi divine pour le fond de la condamnation (par exemple : cinquième proposition : le Christ est vraiment mort pour tous les hommes) et la foi "seulement humaine" pour le fait de savoir si ces propositions condamnées se trouvent ou non dans les 1300 pages de l'ouvrages de Jansenius. Arnauld et Nicole firent un Opuscule sur la foi humaine en montrant en substance que si les évêques en sont à rendre obligatoire (au nom de la foi humaine) leurs opinions théologiques, l'Eglise n'en finira plus de se diviser. Quand on réfléchit posément à la crise post-conciliaire, on a comme ça des tas d'évêques qui, au nom de leur presbyterium ou des traditions de leurs diocèses, rendent obligatoire ce qui devrait être facultatif. Le concept de foi ecclésiastique est plus tardif... et pas de foi... Notre foi, la seule, la vraie, la salutaire, on l'appelle dans les textes "la foi divine et catholique". Admirable précision des adjectifs ! Si nous sommes obligés de croire, si nous offrons l'obsequium intellectus, l'offrande de notre esprit comme dit saint Paul à cette foi, c'est uniquement parce qu'elle est divine. Toute autre raison serait une faiblesse. Faiblesse de croire comme soupirait Michel de Certeau. Croire c'est croire en la Parole de Dieu, rien de plus rien de moins. Croire vraiment, c'est toujours croire de foi divine.

Quant à la foi humaine, c'est un concept philosophique (voyez la fin de la Logique de Port Royal par exemple): je ne suis jamais allé sur la lune, mais je crois de foi humaine ce que l'on me rapporte sur l'apesanteur qui y règne et je n'imagine pas (comme certains allumés) que les images de la fusée Apollo et du débarquement sur la lune sont "made in Hollywood". Il est très important de cultiver un minimum de foi humaine, ne serait-ce que pour garder la raison...

[...]

dimanche 7 novembre 2010

Encore les valeurs chrétiennes...

En y réfléchissant, c'est sans doute LE sujet de ce blog, non pas les idées chrétiennes devenues folles, comme on le fait dire trop souvent à Chesterton, mais, ainsi qu'il l'a vraiment dit : les vertus chrétiennes devenues folles.

Pourquoi la plupart des citateurs (heureusement détrompés par Philippe Maxence, patron des Amis de Chesterton que je remercie) emploient-ils l'expression "idées chrétiennes" ? Parce que "idée" ça fait chic ! Vertu chrétienne ? Rien qu'à entendre cette expression on a déjà un petit goût d'eau bénite dans la bouche (et tout le monde sait que l'eau bénite, c'est mauvais, parce que... c'est salé). Et pourtant ! Qu'y a-t-il de plus beau qu'une vertu chrétienne ? Vertu du Christ : quoi de plus séduisant ?

Vous me direz peut-être, certains d'entre vous tout du moins : je veux bien être séduit, mais quelles sont les vertus du Christ ? Et l'un ou l'autre d'entre vous ajoutera : il les a toutes, les vertus, le Christ !

Désolé de vous décevoir : je ne crois pas que le Christ ait toutes les vertus. Ne serait-ce que parce que certaines vertus sont incompatibles entre elles. Il y a les vertus sociales, et là tout dépend dans quelle société on vit. Comme dit Aristote, les vertus d'une cité aristocratique ne sont pas les mêmes que les vertus d'une cité démocratiques. Il y a aussi ce que j'appellerai les vertus du héros : il est d'une seule pièce ou bien il est rusé, il est agressif ou il est chevalier blanc. Petite remarque en passant : les vertus de l'héroïne ne seront pas les mêmes et, comme celles du héros, elles sont parfois contestables. Voyez le portrait de la femme forte à la fin du Livre des Proverbes. Certaines d'entre vous chères amies s'y retrouveront sans doute très bien. J'ai connu une jeune fille qui voulait entendre cela le jour de sa messe de mariage : "Sa lampe ne s'éteint pas durant la nuit (...) voit-elle un champ, elle l'achète (...) Elle est comme un navire marchand qui revient de loin (...) Trompeuse est la grâce et vaine la beauté". Et puis cette formule extraordinaire : "Son mari est considéré... aux portes de la Ville" (c'est-à-dire loin de chez lui de préférence).

J'ai l'air de me moquer, mais je suis très sérieux : les vertus humaines sont variables. Autant notre conscience nous dit ce qu'il ne faut pas faire ("Tu ne voleras pas" par exemple, tout le monde sait ça). Autant nous ne savons pas toujours ce qu'il faut faire... Ces vertus humaines, contradictoires entre elles, souvent sont des apparences de vertus plutôt que des vertus. Ce sont des vertus destinées à mettre en valeur celui ou celle qui les pratique... quand ce ne sont pas des vertus alibis. Une petite vieille se fait taper dessus et les gendarmes dans les Inconnus vont faire un rapport en trois exemplaires : quelle conscience professionnelle !

Les vertus... Il ne faut pas oublier ce qui seul les rend bonnes, ces vertus : la charité. Voyez saint Augustin. Il ne suffit pas de faire le bien, il faut le faire bien (bene bona facere). il faut que le bien que nous faisons provienne de l'amour, sinon il ne vaut rien. Si le Christ n'a pas toutes les formes de vertu, c'est qu'il a les seules vertus qui en soient vraiment, celles qui proviennent de l'amour : "Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la perfection (eis telos)". Encore est-il vrai que toutes les amours ne se valent pas et que c'est à l'école du Christ qu'on apprend l'amour vrai, l'amour donné.

Cet amour du Christ peut "inclure toutes les amours" (saint Thomas : caritas includit omnes amores). Mais il est une révélation. L'homme n'accède pas sans la grâce à la charité.

Cela signifie-t-il que la charité est le monopole du chrétien ? Je me suis très souvent rendu compte du contraire. Mais justement, il n'y a pas que le chrétien, tout homme possède une grâce suffisante, enseigne saint Thomas. Suffisante pour le salut, qu'il le sache ou ne le sache pas. C'est à mon sens parce qu'ils ont oublié cela que l'Eglise a raison de condamner Michel de Bay et les augustiniens du XVIIème siècle (vous savez mes chers jansénistes). Mais saint Augustin, dans l'Adversus Julianum, n'a-t-il pas raison , de son côté, d'enseigner que sans la charité, don de Dieu, sans la charité, dépassement du mammifère supérieur par le don de Dieu, il n'y a pas de vertu véritable ? Saint Thomas l'enseigne, mais comme il ne le fait pas dans son traité de la grâce (assez court d'ailleurs), on manque souvent cet aspect très augustinien de son enseignement...

La proposition que l'Eglise a condamnée dans l'enseignement de Baïus (Michel de Bay) c'est : "Toutes les vertus des païens sont des vices". Elle a eu raison, car une telle formule peut aboutir à un pharisaïsme encore plus insupportable que l'original. Mais dire : il n'y a pas de vertu sans l'amour qui les porte, et cet amour (qui n'est pas l'âpre désir de l'animal rationnel) est une grâce ou provient d'une grâce. Il me semble que l'on a là une formulation orthodoxe de l'augustinisme, formulation qui manque à une Eglise obsédée par la morale et qui a oublié qu'à l'origine de tout bien il y a nécessairement le coeur !

samedi 6 novembre 2010

Quant aux questions plus personnelles...

Chers amis qui laissez des commentaires, je vous avais demandé dans les premiers temps de ce blog de vous identifier - ne serait-ce que par un pseudo, afin que vous puissiez mieux vous interpellez les uns les autres. Avec le recul, je constate que l'absence d'identification (à part Thierry, Antoine, Julien, Alain et quelques autres) offre un avantage: c'est qu'on doit lire chaque commentaire pour ce qu'il est, non en fonction de l'auteur. Merci à vous - merci de faire vivre ce blog, avec vos apports, vos questions, vos critiques.

Il y a cependant une catégorie de messages que je ne peux pas passer: quand ils abordent des questions plus personnelles. Je pense notamment au récent message de "L". Chère "L", je ne peux pas passer votre message, et comme vous ne vous identifiez pas assez précisément, nous ne pouvons pas non plus vous répondre. Puis-je suggérer, quant aux questions plus personnelles, de vous adresser directement à l'abbé de Tanoüarn? Vous trouverez sur le site du Centre St Paul son adresse mail.

jeudi 4 novembre 2010

Port-Royal : anges ou pestes ?

Je suis au bord de la Mer et dans Port Royal jusqu'au cou, préparant mon prochain petit ouvrage : la foi en quête d'un point fixe. et à quatre siècles de distance, on est repris par ces passions extrêmes, ces femmes héroïques, qui ont voulu faire comme si la vie n'était à vivre que dans la simplicité absolue de Dieu. Quitte à décider de laisser le monde à ses combines, à ses approximations de langage (ah ! le formulaire...), à ses vols cachés sous toutes sortes de noms techniques ou vertueux, à ses mensonges donc.

J'avais jusqu'ici un peu tendance à penser comme Hardouin de Péréfixe, l'archevêque de Paris qui a inventé ce cercle carré qu'il appelle la foi humaine que les religieuses de Port Royal étaient de saintes pestes : des hérôïnes emmerdantes, emmerdeuses, emmerderesses... Et Montherlant ne m'a pas aidé avec son Port Royal guindé et très "peplum" finalement. J'aimais l'intuition de Saint-Cyran (l'un des hommes d'Eglise les plus intelligents que je connaisse), je recherchais le génie de Pascal, j'étais parfois subjugué par une formule bien nette de Nicole sur l'amour de soi... Mais les femmes...

Eh bien ! Cela fait deux ou trois jours que j'entends l'écho des formules de la Mère Angélique, de sa nièce Angélique de Saint Jean (même si celle-là est parfois un peu trop "décisive" comme disait Nicole) et que j'entends bruisser les robes des religieuses dans leurs longs corridors : je suis conquis.

Conquis par la déclaration d'ignorance "conformément à notre profession et à notre sexe" qu'elles exigèrent de pouvoir mettre en en-tête du fameux Formulaire, réduisant ainsi à rien leur propre signature au moment même où elles signaient. Les Arnauld n'étaient pas pour rien des juristes depuis trois générations. Ca déteint toujours ces choses là ! Et la manière dont elles ont envoyé paître leur archevêque, "fort bon homme pourtant, dit Racine, dans son Histoire de Port-Royal, mais plus homme de cour qu'homme de foi". Dans leur silence, il devait y avoir ce mépris palpable, qui a exaspéré le Pontife. Il n'a pas ménagé Angélique : "Vous n'êtes qu'une pimbêche". Et sortant de chez les BS, il répétait, n'en revenant pas : "Elles sont pures comme des anges mais orgueilleuses comme des démons"...

Le pauvre ! Venant tout juste d'arriver de l'évêché de Rodez, il n'était pas préparé à affronter la fine fleur des Parigottes. Ça a dû lui faire drôle. Pas un mot plus haut que l'autre. Une fermeté inoxydable, avec un sourire, une charité toujours en éveil : voilà comment je m'imagine les soeurs de Port Royal de Paris en 1664. "Mgr, voulez-vous ceci" "Êtes vous à l'aise?" et dès que lui se met à leur parler de ce pour quoi il est venu, sa trouvaille théologique sur "la foi humaine", qui, à son avis pouvait permettre de signer en sécurité tous les Formulaires du monde, de leur côté à elles, il dut y avoir un petit ton net, décidé : "Ce n'est pas possible". Et en guise d'explication : "Vous le savez bien Monseigneur" Enfin, en guise d'au-revoir : "Nous prierons pour vous à l'Office, Mgr, et devant le Saint Sacrement exposé en permanence dans notre Couvent".

Ces âmes formées par Saint Cyran était indestructibles. Pourquoi ? parce que le Directeur d'âmes tant vanté plus tard par Sainte-Beuve, avait une méthode bien à lui : celle du coeur. On peut dire que, sous les auspices de Saint-Cyran (je ne parle pas du moralisme de Quesnel, beaucoup plus tardif et que je n'aime pas), on peut dire que tout le christianisme se réduisait au coeur, à la hardiesse, à l'ambition spirituelle, au désir de Dieu. Aujourd'hui cette vigueur paraît facultative. Les confesseurs se focalisent sur le sexe et ils oublient la lâcheté. mais la peur est l'une des grandes passions humaines, plus grande sans doute que la passion amoureuse, qui lui cède presque chaque fois. Il importe de contrôler la peur et ses mille manières de prendre le pouvoir dans nos coeurs, en légitimant toutes les saloperies. Les cathos crèvent d'avoir peur ! Jean Paul II avait bien raison de s'écrier, aussitôt au Balcon : 'N'ayez pas peur'. Ce n'est pas l'orgueil qu'a vu Mgr de Péréfixe, c'est la discipline intense d'âmes féminines qui oublient d'avoir peur parce qu'elles ont ce que leur Directeur appelle "le coeur nouveau".

N'imaginons pas un homme dur ! Saint-Cyran devait être infiniment attentif à chacune des vocations de chaque âme qui lui était confié : l'amour spécial de Dieu pour nous n'est-il pas la règle de notre amour pour lui ? Mais comme disait Mère Angélique de son Directeur : "On voulait toujours plus qu'il voulait" La direction de Saint-Cyran concentre l'amour dans chaque âme et le déchaîne. C'est cela qui a fait la résistance opiniâtre et simple des soeurs de Port Royal, sorte d'Antigones de Dieu, égarées aux Portes d'une modernité jouisseuse.

mercredi 3 novembre 2010

Le sang des chrétiens coule en Irak

Article repris de Minute du 3 novembre 2010

L’anarchie progresse encore en Irak et cette fois, ce sont les chrétiens locaux qui en font les frais. L’exode semble leur seule planche de salut terrestre. Encore que l’Etat islamique d’Irak, organisation terroriste, veut porter le feu contre les chrétiens dans tout le Proche-Orient.

En plein centre de Bagdad, le 31 octobre, une bande de neuf miliciens surarmés (kalachnikov, grenades et ceintures d’explosifs) se réclamant de l’Etat islamique d’Irak (ISI), a d’abord tenté d’attaquer la Bourse, symbole honni du capitalisme occidental. Ils ont tué deux policiers mais se sont rabattus très vite sur l’église catholique voisine de Sayidat al Najat, Notre-Dame de la Délivrance. En entrant dans l’édifice, sans sommation, ils ont tué d’une balle dans le cou le prêtre qui était en train de prêcher au cours d’une messe rassemblant une centaine de fidèles. Ils ont exécuté froidement un deuxième prê tre qui tentait de mettre des fidèles à l’abri. Puis, au soir de ce dimanche d’octobre, ils ont pris en otage les personnes présentes. Les policiers irakiens sont arrivés, soutenus par des Américains. Avec un amateurisme inquiétant, ils ont im médiatement donné l’assaut. Le bi lan est l’un des plus sanglants qui soient pour ce genre d’opération et la plupart des morts ont eu lieu pendant l’attaque, alors que le commando était mêlé aux otages. L’un des neuf membres du commando a déclenché sa ceinture d’explosifs, tuant beaucoup de monde autour de lui. Pour l’instant, les sources divergent sur le sort des autres agresseurs: ils seraient cinq à avoir été faits prisonniers. D’après le dernier bilan, il y aurait cinquante-trois morts – dont sept policiers irakiens et 46 fidèles, en majorité des femmes et des enfants – et 67 blessés.
 
Pas de place pour eux dans la partition en cours

Rappelons que nous sommes pour tant à quelques centaines de mètres de la fameuse « zone verte », sécurisée à l’attention des journalistes et des diplomates occidentaux. Une opé ration d’une telle envergure, avec tant d’armes, ne s’improvise pas et ne passe pas inaperçue. Il est bien évident que la sécurité n’est pas assurée dans la capitale irakienne. Le pays, après le départ des troupes américaines l’été dernier, est en pleine implosion. Il n’y a plus de gouvernement depuis les élections législatives au mois de mars dernier. Le processus de fédéralisation est en marche. Avec le soutien de l’Iran, les chiites veulent le sud avec Bagdad et Kirkouk (où se trouvent d’importants gisements pétroliers). Les sunnites veulent l’Ouest, avec Mossoul, l’antique Ninive, capitale traditionnelle des chrétiens nestoriens d’Irak et toute première Eglise dans cette région. Quant aux Kurdes, ils gardent le nord, avec un gouvernement autonome et une « kurdisation linguistique » féroce. Il est bien évident que ce n’est pas la condamnation à la pendaison de Tarek Aziz, l’ancien ministre chrétien de Saddam Hussein, qui va contribuer à la remise en ordre du pays. Le pa pe vient de protester publiquement contre cette décision du tribunal irakien. Et pourtant Tarek Aziz n’était sans doute pas, à titre personnel, un chrétien très convaincu. Il a appliqué la politique d’arabisation aux populations chrétiennes araméophones dont il était issu. Il a d’ailleurs lui-même arabisé son nom, puisque, pour l’état civil, à sa naissance il s’appelait du nom araméen de Mikhael Johanna. Son destin fait penser à celui d’un autre chrétien, un autre Michel d’ailleurs, Michel Aflak fondateur en Syrie du parti Baas, mort à Paris en 1989 et enterré comme un musulman à Bagdad par Saddam Hussein. Quant aux chrétiens qui entendent le rester et pratiquer en Irak leur religion? « Il n’y a plus de place pour nous en Irak » déclare tristement l’évêque syriaque catholique dont dépend Notre-Dame de la Délivrance. En août 2004, des attaques coordonnées contre cinq églises de Bagdad et Mossoul, dont, déjà, Notre-Dame de la Délivrance, avaient fait douze morts. Un tel attentat va certainement accélérer le départ des fidèles.

Un blocus pire que celui des Palestiniens

Ils se proclament pourtant toujours fièrement « Assyriens », pour marquer qu’ils descendent de populations autochtones, avant l’invasion arabe. Il y en avait 1,3 million avant la première guerre d’Irak en 1991. Il en restait 800000 en 2003. On en compte encore 500000. Un chiffre en constante diminution. Plus grave: les chrétiens qui demeurent sur place sont en danger constant. Ils ne peuvent plus travailler et sont obligés de revenir dans leurs villages ancestraux, où se sont créées de véritables milices chrétiennes d’auto-défense, par exemple autour de Mossoul, à Algosh ou à Karamlesh. La situation est donc dramatique pour eux et les jeunes souhaitent partir en Occident, puisque, à Mossoul en particulier, ils subissent une sorte de blocus intérieur, pire peut-être que le blocus des Palestiniens… En même temps, ces gens, souvent cultivés, sont profondément courageux. Ils continuent de se déclarer chrétiens, alors qu’il leur suffirait de réciter la chahada (« Non il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah… ») pour voir leurs difficultés se dissiper. Comment aider les chrétiens d’Irak? Une prise de conscience est urgente et on peut espérer qu’un attentat odieux comme celui-là y aidera. Il faudrait que le petit mot rituel des chancelleries occidentales soit relayé par une solidarité effective, ne serait-ce que pour permettre à ces gens, qui ne sont plus en sécurité dans les villes, de revenir sur leurs terres et de les remettre en culture. A l’heure où nous écrivons, l’Etat islamique d’Irak a envoyé un ultimatum aux chrétiens coptes d’Egypte et en particulier aux moines qui détiendraient contre leur gré des femmes musulmanes (?). L’organisation a laissé 48 heures aux chrétiens, montrant que l’attaque de Notre-Dame de la Délivrance est un premier palier dans ce qu’ils conçoivent comme une offensive concertée dans plusieurs pays contre les chrétiens du Proche-Orient.

Joël Prieur

2010 : esquisse d’un martyrologue irakien
5 juillet 2010: Behnam Sabti est infirmier à l’hôpital Jumhuriya. Une bombe placée sous sa voiture explose, le tuant instantanément.
7 juin 2010: Hani Salim Wadi, 34 ans, est assassiné à Kirkouk.
10 mai 2010: Attaque à la bombe contre un bus d’étudiants chrétiens à Mossoul. Deux étudiantes, Hadi et Sandy, trouvent la mort. Il y a près d’une centaine de blessés.
Février 2010: trois chrétiens sont tués à Mossoul.
20 janvier: Amjad Hamid Abdullahad, 45 ans, est assassiné à Mossoul. L’Agence Asia News souligne que les forces de sécurité « ont assisté l’arme au pied à toutes les phases de l’attaque.»
19 janvier: Saadallah Youssif Jorjis, 52 ans, est abatttu à Mossoul.

[PowerPoint] Pour aller voir ou revoir Des hommes et des dieux

mardi 2 novembre 2010

[conf'] "Soljenitsyne, un destin pour la vérité" par Véronique Hallereaux

Mardi 2 novembre 2010 à 20H00 au Centre Saint Paul (12 rue Saint Joseph - 75002 Paris) - "Soljenitsyne, un destin pour la vérité" par Véronique Hallereaux - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.