mercredi 26 mai 2010

Woody Allen et la Pentecôte

Tout à l'heure sur Radio Courtoisie, baptême des ondes en tant que patron d'émission, pour une nouvelle émission Voix au chapître. J'y serai, une fois par mois le mercredi matin à 10 H 45, en direct, en compagnie de Anne Le Pape, mon assistante et néanmoins amie de longue date. Est-ce parce que nous sommes compatriotes, elle et moi, partageant la bretonnitude, que notre rencontre sur les ondes s'est imposée à moi comme "le bon duo" ? Nous avons des goûts bien différents, et tous deux une manière "sans fard" de les exprimer, bref, pour les auditeurs, un cocktail qui sera parfois détonnant. La liberté, quoi. Il y a néanmoins un cahier des charges à respecter : ni religion ni politique, me dit Henry de Lesquen. Culture. Bien entendu la culture embrasse aussi bien des sujets religieux que des sujets politiques, mais pas l'actualité. Cette distance me convient assez bien. Elle permet d'aborder des sujets inattendus. Pour la première, c'est Laurent Dandrieu, chroniqueur cinéma à Valeurs actuelles, qui est venu nous présenter son livre sur Woody Allen : portrait d'un antimoderne (CNRS éditions 20 euros).

Je crois vraiment que l'on tient là une introduction exceptionnelle à l'oeuvre du cinéaste new-yorkais. Le sous titre le dit assez. Antimoderne, Woody ? Ce diagnostic n'a rien à voir avec une quelconque entreprise de récupération. Il s'agit simplement de savoir décrypter une oeuvre dans ses tendances fondamentales. Woody Allen est obsédé par le néant de l'existence. Il prend de haut ses contemporains qu'il met en scène, en en manifestant sans complaisance la superficialité, la fragilité, la vacuité. On peut dire que ce pessimisme sert de toile de fond à l'ensemble de l'oeuvre et que c'est à partir de ce pessimisme fondamental que Woody Allen pose à nouveau frais les grandes questions qui traversent la condition humaine, sans avoir peur de répéter du déjà dit tant ses formules de comique, lorsqu'elles sont bien frappées, ont toujours une musique de "première fois". Exemple très "catholique" tiré du recueil thématique d'aphorismes, en fin de volume : "Rien de plus sexy qu'une catholique déchue". Ca ne vous plaît pas ? Alors entrons dans de l'impersonnel : "Le néant éternel est supportable, pour peu qu'on ait le costume adéquat". Qu'est-ce donc que ce costume de néant ? Ne nous y trompons pas : c'est souvent... un mensonge.

Je voudrais vous faire part d'une discussion hors antenne avec Laurent Dandrieu sur le film : Une autre femme. J'ai trouvé merveilleuse cette façon qu'a Woody Allen de diagnostiquer et de débusquer le mensonge vital dans la vie de Marion, cette femme de 50 ans, prof de philo à l'université, qui a épousé un cardiologue célèbre et à laquelle tout réussit... apparemment. Elle loue un studio pour se donner le temps et l'espace nécessaire pour écrire un livre. Et il se trouve que ce studio communique avec l'appartement voisin, qui est un cabinet d'analyse. Marion ne veut pas entendre, mais elle ne parvient pas, avec deux coussins posés devant le mur, à réaliser une étanchéité correcte entre les deux pièces. Et la voix de ces femmes qui se confessent la trouble. L'une d'entre elles (mia Farrow) surtout. Elle se met elle-même en question très rapîdement et remonte le fil de l'inauthentique dans sa propre existence : la routine conjugale (triste !), sa brouille avec son frère (stupide !), son indélicatesse inconsciente avec son amie Claire à cause de sa volonté (non voulue mais si spontanée) d'occuper tout l'espace, de prendre pour soi seule toute la scène de l'existence... Rien de grave ? Finit par remonter à la surface, dans un rêve, l'avortement qui apparemment l'a rendu stérile, avortement qu'elle a pratiqué sans en avertir son ami de l'époque, ce qui a entraîné leur rupture et finalement... son suicide à lui. Marion regarde en face les "oublis" sur lesquels elle s'est construite. Pour tout simplifier, elle surprend son mari Ken dans une conversation tendre au restaurant avec sa meilleure amie Linda, celle qui s'était proposé d'organiser son anniversaire de mariage. Le décor de sa vie est tombé. Elle n'en veut à personne. Elle est libre pour une autre vie. Ayant identifié tous ses mensonges, elle est devenue "une autre femme", la vraie...

Je communique mon enthousiasme à Laurent Dandrieu en lui disant : pour moi cette démarche représente une sorte de conversion sans la foi. Le critique exigeant qu'est Laurent Dandrieu refuse ce terme de conversion... Il a sans doute raison dans l'absolu et cela montre clairement sa volonté de ne pas "spiritualiser" Woody malgré lui. Mais je crois que dans le singulier indicible d'une pratique, il y a bien là la vérité d'une conversion au sens où René Girard en parle dans la conclusion de Vérité romanesque et mensonge romantique. Me revient à l'esprit cette formule de l'évangile de saint Jean au chapitre 3, que l'on a lu lundi dernier, au lendemain de la Pentecôte : "Tout homme qui fait le mal déteste la lumière, et il ne vient pas à la lumière de peur que ses oeuvres ne soient dévoilées. Mais celui qui fait la vérité vient à la lumière, pour qu'il soit manifeste que ses oeuvres sont faites en Dieu" (Jean 3, 20-21).

Il me semble que cette formule décrit bien comme une première Pentecôte, que l'Esprit de vérité souffle dans chaque coeur humain et dont l'autre, la Pentecôte salvifique qui nous attend tous jusqu'au bout de notre vie, celle qui se donne dans l'eau et dans l'esprit, celle qui se concrétise en un baptême de rédemption, celle qui est le fruit de "la folie de la prédication" n'est que le prolongement et la manifestation.

Je comprends la prudence de notre critique, parce que c'est un critique. Il fait son métier en m'en rappelant la nécessité. Mais quant à moi, je crois que le souffle de l'oeuvre de Woody Allen a été deux ou trois fois dans ses 44 films, un souffle de Pentecôte. Une Pentecôte implicite, mais talentueuse parce que perspicace... Nous avons souvent si peur de cet esprit de vérité. Si peur de nous retrouver nus après son passage. C'est pourtant cette vérité intérieure qui seule peut construire notre foi en nous conduisant, le coeur libre, à saisir ce que j'appelle l'évidence chrétienne.

lundi 24 mai 2010

Le cardinal Vingt-Trois au pèlerinage de Chartres

La présence de l'archevêque de Paris, pour un salut du Saint Sacrement au pèlerinage de Paris à Chartres représente d'ores et déjà un symbole important de la nouvelle époque dans laquelle est entrée l'Eglise de France. Parfois, on m'accuse d'avoir changé... Mais regardez : ce sont les événements qui changent. Ce Salut du Saint Sacrement était impensable... Et voilà qui est fait. On croit toujours que l'histoire avance par une évolution imperceptible. C'est le contraire qui est vrai. Il existe des sauts qualitatifs brusques, quoi qu'en ait pensé Leibniz (natura non facit saltus). Il me semble que, dans l'ordre symbolique tout du moins, un cardinal archevêque de Paris discutant avec les pèlerins et se rendant accessible à tous, c'est une date. Dans l'histoire de ce pèlerinage il y aura un avant et un après ce geste.

Les mots qu'a utilisé le cardinal - et que je récupère tout bonnement sur notre Tradinews pour vous les communiquer - sont choisis avec soin et ils comportent... oui... une sorte d'engagement. Les voici :

"Je vous considère comme des membres de ma famille (...) Une famille se constitue de membres qui ne se choisissent pas, mais qui sont liés de façon indéfectible (...) Nous sommes membres de la même Eglise (...) Nos relations sont des relations de fraternité et de communion (...) A vous qui vous interrogez sur le sens à donner à votre vie, demandez-vous non pas ce que vous voulez faire, mais ce que le Seigneur attend de vous (...) Il ne s'agit pas seulement d'un pèlerinage pour ces trois jours mais d'un sens à donner à toute votre vie (...) Je vous demande surtout, chacun, de prier pour votre évêque."

Je souligne d'abord que l'évêque se remet à la prière de chaque pèlerin. Ce n'est pas sans une vraie reconnaissance de la beauté de cette prière collective que constitue le pèlerinage.

Il parle de l'essentiel - le sens de la vie - et ne vient pas en "garde chiourme" rappeler l'obéissance en soi et pour soi des brebis au Pasteur.

"Ce que le Seigneur attend de vous" : le cardinal fait appel aux vocations qui sommeillent certainement dans les coeurs, parmi ces milliers de jeunes (moyenne d'âge 21 ans) qui font le pèlerinage. Il ne refuse pas leur zèle mais il leur explique qu'il compte sur eux.

Pour caractériser "les relations" qui existent entre les pèlerins et leur Pasteur, le cardinal Vingt-Trois utilise la notion (non métaphorique mais analogique) de famille. L'Eglisde est une famille spirituelle : c'était aussi l'dée de départ des organisateurs du pèlerinage, groupant les pèlerins sur le thème : "L'Eglise est notre mère". Si l'Eglise est notre mère, il y a entre les membres de l'Eglise une véritable "fraternité". le mot est très fort. il fait penser aux études savanbtes du jeune abbé Ratzinger sur ce thème. Soulignons que le terme plus juridique de "communion" est en quelque sorte étayé, renforcé et interprété à travers cette déclaration de fraternité. Au sein de cette fraternité (dans le cadre de cette turbulente fratrie), on peut dire que l'évêque a un rôle paternel à jouer. Le cardinal Vingt-Trois n'emploie pas ce terme de "père" pour se désigner lui-même. On peut le supputer à partir du moment où ce qui se constitue ce n'est pas seulement une organisation juridique, mais une famille.

Certes "une famille se constitue de membres qui ne se choisissent pas". Avec une rude franchise, le cardinal souligne que tout n'est pas résolue par le langage que l'on utilise et que même la conscience aigüe d'appartenir à une seule et même Eglise ne règle pas tous les problèmes.Et en même temps il indique que ce n'est pas lui qui choisira le conflit. Une chose est sûre : des frères finissent toujours par se retrouver. En tout cas, ils ne peuvent pas se perdre.

vendredi 21 mai 2010

[conf'] «Pierre Boutang. Une philosophie française» par Rémi Lélian

Dimanche 23 Mai à 18H00 : Conférence pour le mois de Marie : "Notre-Dame de la Pentecôte. Marie, épouse du Saint-Esprit", par M l'abbé de Tanoüarn.

Mardi 25 mai à 20H00 au Centre Saint Paul (12 rue Saint Joseph - 75002 Paris), «Pierre Boutang. Une philosophie française» par Rémi Lélian - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé). - La conférence est suivie d'un verre de l'amitié.

Dimanche 30 Mai à 18H00 : Conférence pour le mois de Marie : "Notre-Dame de la Trinité. Marie, mère de notre foi", par M l'abbé de Tanoüarn.

Mardi 1er juin à 20H00 au Centre Saint Paul (12 rue Saint Joseph - 75002 Paris), «Anagni : Quand les Français mettaient le Pape en prison» par Guillaume de Thieulloy - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé). - La conférence est suivie d'un verre de l'amitié.

mardi 18 mai 2010

L'abbé Berche demande des visites...

J'en viens. Je crois que cela lui fait très plaisir d'avoir des visites. Ma collaboratrice à toutes épreuves Micheline, qui l'a vu hier, vient de son côté de m'envoyer ce mail, que je transmet à tous ceux qui sur ce Blog ont connu l'abbé Berche, même de loin.
Voici des renseignements que l'on pourrait peut-être diffuser sur votre blog afin qu'Alexandre puisse recevoir davantage de visites, ou écrire, à l'Hôpital Raymond Poincaré, 104 boulevard R. Poincaré à Garches (92380).

Du lundi au vendredi : visites de 15h15 à 20h ;
les samedi et dimanche : de 13h à 20h.
Son n° tél. direct : 01 81 80 38 80.
Pavillon Netter, porte 416 (1er étage, chambre [104]).
En voiture, pas facile de se garer [mais si c'est possible].

Si vous allez à Garches par métro + bus, de votre quartier (XV°Arrdt) cela ne devrait vous prendre qu'à peine une petite heure puisque vous êtes sur la ligne de métro n° 10 qui dessert la station Pont de Saint-Cloud. Ensuite, prendre le bus n° 460 jusqu'à l'arrêt "Hôpital de Garches" (en face de l'hôpital).


Horaires du bus 460 du Pont de Saint-Cloud à "Hôpital de Garches"(env. 15 min de route) :

- du Lundi au Vendredi : 14h19, 14h57, 15h27, 15h52, 16h20, 16h48,17h18, 17h44, 17h59 ; 18h24, 18h44 ; 19h09, 19h43 ; 20h10, _20h?5_ (à vérifier).

- le Samedi : 12h04, 12h38, 13h13, 13h40, 14h26, 15h02 , 15h32, 16h12, 16h47, 17h15, 17h35 ; 18h07, 18h40, 19h00, 19h37, 20h08, 20h43.

- le Dimanche : 11h04 ; 14h14 ; 17h24 ; 20h34.

Micheline

Horaires du bus 460 de l'"Hôpital de Garches" au Pont de Saint-Cloud :

- du Lundi au Vendredi : 14h10, 14h31, 15h10, 15h37, 16h07, 16h35, 17h00, 17h15, 17h39; 18h04, 18h29; 19h00, 19h34, 19h49.

- le Samedi : 14h24, 14h54 ; 15h34, 15h59, 16h29, 16h54, 17h29, 18h04, 18h24 ; 19h00, 19h30, 20h07.

- le Dimanche : 13h42, 16h52, 20h02.

LE LUNDI 24 MAI : HORAIRE DU DIMANCHE. Ces horaires sont valables jusqu'au 04/07/2010.


Depuis la Gare Saint-Lazare : prendre la direction Saint-Nom La Bretèche (toujours à gauche quand on est face aux quais) et descendre à Garches-Marne la Coquette (20mn de train environ). En face de la gare, arrêt du bus 360 ou 460 qui amène à l'hôpital en 5 mn.
Changement de chambre : 104.

Polémiques sur le voile catholique

On parle beaucoup du voile islamique, y compris sur ce blog. Mais on oublie le voile... catholique, celui dont parle saint Paul au début du chapître 11 de la Première aux Corinthiens.

Les dix versets qui concernent cette question et qui enjoignent aux femmes de se couvrir la tête lorsqu'elles participent à des prières publiques sont difficiles à comprendre, ou même "incompréhensibles" s'il faut en croire certains exégètes... Essayons d'éclaircir un peu cette difficulté. Autant le commentaire du Père Spicq dans Pirot Clamer me semble pour cette fois insuffisant. Autant le vieux commentaire du Père Allo me semble pertinent. J'y ajouterai bien sûr quelques considérations - toujours ad rem - de Cajétan. Je n'ai malheureusement pas le temps de mettre la main sur un commentaire plus récent. L'article de Rosine Lambin sur Internet (1995) me semble de nature à embrouiller la question plus qu'à l'éclairer. il contient une bibliographie intéressante.

S'agit-il de voiler les chrétiennes dans ce texte de Paul ? Non. Comme le soulignait déjà Cajétan,"Paul livre un nouveau texte de référence au sujet du voile sur la tête, parce que chez les Corinthiens les femmes (comme les hommes) apparaissaient dans la lecture publique et la lecture, la tête non voilée pour des actions de vénération. Le fait de prier en public, de lire en public ou d'enseigner en public n'avait pas encore été enlevé au sexe féminin, comme en témoignent les récits des femmes de ce temps là [acta martyrum ?]. Telle semble être d'après la lettre du texte, la raison pour laquelle Paul prend sur lui cette charge d'expliquer aux Corinthiens la distinction à faire entre l'homme et la femme priant en public ou prophétisant, à propos du fait de se voiler la tête". L'interprétation est très claire. Il ne s'agit pas de voiler les femmes en toutes circonstances, ni même à l'église, mais seulement lorsqu'elles remplissent une fonction publique de prière.

Pourquoi les femmes doivent-elles se voiler la tête lorsqu'elles conduisent la prière ? Saint Paul est gêné pour répondre à cette question parce qu'il a lui-même expliqué aux Corinthiens que dans le Christ, "il n'y a plus ni homme ni femme" [comme il l'écrit dans l'Epître aux Galates 3, 28] et que, par conséquent, il existe une égalité fondamentale entre l'homme et la femme. Tout se passe comme si Paul ici tente de mettre de l'eau dans son vin sur un point précis, relevant de l'ordre des cérémonies religieuses.

Il me semble que c'est à cet enseignement qui lui est propre dans la primitive Eglise qu'il se réfère lorsqu'il commence en disant : "Je vous loue d'ailleurs de ce qu'en toutes choses vous gardez mon souvenir et vous tenez à mes [le possessif est dans la Vulg.] traditions à la manière dont je vous les ai transmises". Il loue les Corinthiens de pratiquer entre eux cette égale dignité des sexes qu'il leur a enseignée. Mais il craint les débordements que sa prédications de la liberté chrétienne peut produire chez des esprit binaires, et il leur rappelle aussi la tradition de l'Eglise universelle ou plutôt de l'ensemble des Eglises (ai ekklesiai tou theou au verset 16) que les chrétiens "n'ont pas coutume de mettre en discussion". C'est cette tradition à propos du voile des femmes dirigeant la prière publique dans une Eglise qu'il entend rappeler et, en quelque sorte, ajouter, pour que l'ordre règne, à sa propre tradition de liberté.

Pour expliquer cet ajout, il tente de mobiliser les principes les plus fondamentaux, d'une part en remontant à sa doctrine du Christ tête (qu'il développe au chapitre 12) et d'autre part en montrant que le voile, chez les Grecs signe de bourgeoisie ou de noblesse et caractéristique des citadines, est "une gloire" pour la femme, comme l'est sa chevelure.

1- La doctrine du Christ tête

Pour saint Paul, on le verra aussi au chapître 5 de l'Epître aux Ephésiens, l'idéal chrétiens du service est universel : "Soyez soumis les uns aux autres. Femmes soyez soumises à vos maris... Maris aimez vos femme, comme le Christ a aimé l'Eglise et s'est livré pour elle à la mort". On ne peut pas dire que la femme soit plus "au service" que l'homme. Et le Christ lui-même qui est la tête est aussi le serviteur de tous. La pensée de saint Paul dans les premiers versets du chapitre 11 de la Ière aux Corinthiens me semble être également celle du service universel. Si la femme sert l'homme, l'homme sert le Christ et le Christ sert Dieu. Différence entre l'homme et la femme ? La femme sert le Christ en servant son mari. L'homme sert sa femme en servant le Christ. Mais tous partagent le même idéal du service. Cela dit, lorsque la femme sert le Christ, elle doit se couvrir la tête pour ne pas être au service de l'homme auquel elle plaît plutôt qu'au service du Christ auquel elle veut plaire."La femme est la gloire de l'homme", elle doit cacher cette gloire pour s'approcher du Christ. L'homme n'est pas de la même façon la gloire de la femme, il peut donc être la gloire du Christ tête découverte. Les Juifs portaient ils le talith déjà à cette époque ? Ce n'est pas impossible. La coutume juive était donc que les hommes prient la tête couverte. La coutume chrétienne est à l'inverse parce que, hommes et femmes, nous sommes destinés à voir Dieu "visage à visage" (I Cor. 13).

C'est ce que l'on découvre dans un autre passage, tiré de la Deuxième Lettre aux Corinthiens. Saint Paul, sans faire de différence entre l'homme et la femme parce qu'il ne s'agit pas d'acte du culte public mais de la destinée humaine, s'écrie : "Et nous tous, le visage dévoilé, nous reflétons la gloire du Seigneur..." (II Cor. 3, 18). Le fait que la femme se couvre la tête dans le culte public est donc uniquement un fait humain, lié au rapport de séduction entre les sexes. C'est aussi une tradition humaine dans l'Eglise, qu'il faut accepter sans discuter (sous entendu : même si le raisonnement un peu tarabiscoté que je vous tiens moi Paul ne vous convainc pas) - à ce seul titre que c'est une tradition : "Si quelqu'un se plaît à contester, nous n'avons pas cette habitude et les Eglises de Dieu non plus" (v.16)

2- Le voile est une puissance (exousia) pour la femme

Cette expression de saint Paul au verset 10 a fait couler beaucoup d'encre. La plupart des traduction (j'ai la TOB sous les yeux) traduisent par... une antiphrase : "La femme doit porter sur sa tête la marque de sa dépendance à cause des anges...". Il faut reconnaître que l'on se demande ce que les anges viennent faire là. Mais la marque de dépendance, c'est du pur fantasme ! Je rappelle que le mot exousia en grec chrétien acquiert ses lettres de noblesse dans le Prologue de l'Evangile de Jean : "A tous ceux qui ont reçu [le Verbe], il a donné la liberté de devenir enfants de Dieu". Dans le lexique grec latin du Nouveau Testament, le grec exousia est souvent traduit par le latin potestas : "Je suis constitué dans un pouvoir" sub potestate constitutus dit le centurion dont le serviteur a été guéri. Dans toute la première Epître aux Corinthiens, saint Paul l'emploie au sens de ce que donne la liberté chrétienne. Pourquoi inverser ce sens ici, moyennant des raisonnements tortueux (voir C. Spicq dans Pirot Clamer par exemple)?

Le voile est donc le pouvoir, la liberté, la gloire de la femme. Je crois que je n'extrapole pas (même si je fais sursauter les exégètes poussièreux) lorsque je dis que pour saint Paul, le voile est l'hommage que rendent les femmes à leur beauté, à leur "gloire" cette gloire qui a tellement d'effets sur l'homme. Loin d'être un signe de soumission, c'est une marque de noblesse, y compris d'ailleurs au sens social du terme. Il est "avantageux" (opheilei) aux femmes de la porter quel que soit leur milieu social d'origine. Les prostituées ou les petites marchandes en tous genres que saint Paul a converties à Corinthe sont priées de s'habiller comme des grandes dames lorsqu'elles veulent avoir un rôle à l'Eglise. Voilà me semble-t-il ce que dit le verset 10.

"A cause des anges..." : les anges sont présents au cours de la cérémonie liturgique (Apoc 8, 3). Chacun doit donc se trouver présent avec la meilleure image qu'il puisse donner de lui-même. Pour les femmes "la chevelure est une gloire" (I Cor, 11, 15), le voile est "avantageux" (v. 10). Nous savons par Plutarque que les femmes grecques à partir d'un certain milieu social étaient voilées (marquant par ce voile qu'elle ne se rendait qu'à un seul homme)
Et si les femmes ne veulent pas paraître ainsi à leur avantage,dans l'assemblée des chrétiens, explique saint Paul, "elles n'ont qu'à se faire tondre". Mais "s'il est honteux pour une femme d'être rasée ou tondue, qu'elle se couvre la tête". Il me semble que la seule manière raisonnable de comprendre ce petit pétage de plomb paulinien, c'est celle que je propose : le voile est le signe social de la dignité de la femme libre. Il n'est pas porté par l'esclave. Eh bien ! Femmes libres ou esclaves, conformément à l'habitude sociale des femmes libres, portez toutes le voile comme une exousia, une liberté, et sinon faites vous tondre ! La dignité des anges présents invisiblement durant la cérémonie requiert votre propre dignité. Qu'importe le rang et les habitudes vestimentaires qui sont les vôtres ! Soyez élégantes pour Dieu. Vous dont l'homme est la tête (v. 3), ou qui avez l'homme en tête... dans la prière, libérez-vous de cette préoccupation ou de cette sujétion par le voile qui ainsi fera votre gloire devant Dieu.

Conclusion : 
 
Il me semble que bien des femmes ressentent encore les choses ainsi lorsqu'elles prient en public : il ne faut pas mélanger les genres, séduction et contemplation ou du moins prière active. C'est aussi la signification du voile que portent les religieuses, non pas comme un signe de sujétion à l'homme, ainsi que le rabache la TOB (quel homme ?) mais comme "une liberté"(exousia) ainsi que le note saint Paul, qui leur permet, lorsqu'elles prient, de faire abstraction du regard des hommes et, paradoxalement grâce à leur voile, d'aller elles aussi vers Dieu "de gloire en gloire à visage découvert" (II Cor. 3, 18)
Il se trouve que c'était une règle non paulinienne que saint Paul impose à la turbulente communauté de Corinthe au nom de l'usage universel. Mais Paul cherche à montrer justement que ce n'est pas un signe de sujétion vis à vis de l'homme auquel la femme est en quelque sorte nativement attachée ("Ton désir te portera vers ton mari mais il dominera sur toi" dit la Genèse abruptement"). Il a en tête ce passage de la Genèse puisqu'il le cite : "La femme est tirée de l'homme" (c'est la fameuse côte d'Adam). Mais il ajoute (bien avant Aragon) que la femme est l'avenir de l'homme : "L'homme existe par la femme". Et il insiste : Ni la femme n'est à part de l'homme ni l'homme à part de la femme dans le Seigneur". Cajétan commente ce "dans le Seigneur" de façon magnifique : "dans le Seigneur, c'est-à-dire selon l'être chrétien, selon la foi, l'espérance et la charité, selon l'être agréable à Dieu, l'homme et la femme sont égaux : pares sunt vir et mulier, comme le montre le fait qu'ils se produisent réciproquement l'un l'autre", l'un de sa côte, l'autre de son sein.

Il n'y a donc pas deux lois dans le Seigneur (comme c'est le cas dans la charia musulmane), la loi du Christ est la même pour tous... Mais il faut accepter les différences sociales pour les dépasser et parvenir à cette égalité du Royaume des Cieux.

Que les femmes soient donc socialement femmes pour être libres de leur féminité, tel me semble être le premier message de Paul dans ce texte embrouillé [je citerai sur ce point le moment où Paul prend à témoin son lecteur ou sa lectrice sur ce qui se fait et sur ce qui se fait en milieu grec (car pour les Hébreux les cheveux longs ne sont pas forcément déshonorants pour l'homme comme le montre la coutume du nazirat) : "Jugez par vous même : est-il convenable qu'une femme prie Dieu sans être voilée. Et la nature elle-même ne nous enseigne-t-elle pas qu'il est déshonorant pour l'homme de porter des cheveux longs".

Le deuxième message peut paraître en contradiction avec le premier : parce que la femme est (qu'elle le veuille ou que, féministe, elle le rejette) "la gloire de l'homme", le voile est pour elle une liberté (exousia). Il me semble que les religieuses du monde entier, dans la mesure où elles renoncent à être la gloire d'un homme, ont compris cela. Pas question ici de pratiques sociales, mais d'une liberté supérieure (le célibat), dont Paul indique bien en I Cor. 7 qu'elle est optionnelle.

Il y a enfin un troisième paramètre : la tradition (paradosis) des Eglises, que Paul veut imposer à cette Eglise de Corinthe qu'il a comme refondée.
Mais, imposant cette tradition universelle, à la fois pour des raisons d'ordre public (le chapitre 10 qui précède, portant sur les beuveries qui marquent les agapes corinthiennes, montre que de loin Paul a été mis au courant : il y a eu dans l'assemblée corinthienne, un problème d'ordre public. De là à imaginer plus que des scènes de soulographie...) et à la fois pour des raisons d'ordre ecclésial (verset 16 déjà cité : "ce n'est pas notre habitude de contester ce genre de tradition"), il n'en maintient pas moins son enseignement sur l'égalité de l'homme et de la femme, comme le montre les versets 11 et 12 de notre texte, commentés plus haut. Notons d'ailleurs que l'épitre aux Galates qui insiste sur le fait que dans le Royaume de Dieu il n'y a plus ni homme ni femme est bien postérieure à la Ière aux Corinthiens, qui au chapitre 12 verset 13 dit déjà que dans le Royaume il n'y a ni juif ni grec ni esclave ni homme libre, mais ne mentionne pas le "ni homme ni femme" que l'on trouvera dans Galates 3, 28.

En pratique :
 
Faut-il, à cause de ce texte de saint Paul, que les femmes se voilent quand elles vont à l'église aujourd'hui ? Je dirais que la première raison, sociologique, est complètement tombée (les femmes ont aujourd'hui d'autres moyens que le foulard Hermès pour être élégantes), que la deuxième raison concernent celles - saint Paul les souhaitaient nombreuses - qui ne veulent pas dépendre d'un homme ne concerne vraiment que quelques femmes attirées par la perfection d'une vie céleste sur la terre, et enfin que la tradition ecclésiale s'est interrompue. Les femmes sont donc parfaitement libres me semble-t-il, de se voiler la tête dans l'action liturgique ou de ne pas le faire.
Certes le voile des femmes dans l'action liturgique est une tradition de la primitive Eglise. Je signale aux grincheux que si l'on reprenait toutes les traditions de la primitive Eglise, il faudrait tous s'abstenir de steak et de viande saignante, conformément à la disposition du concile de Jérusalem, déclarant : "Il a plu au Saint esprit et à nous que vous vous absteniez de la viande étouffée et du sang" (Ac. 15).

[conf'] «Nouvelle synthèse sur le mystère de l’image du Suaire» par Michel Moubèche

Mardi 18 mai à 20H00 au Centre Saint Paul (12 rue Saint Joseph - 75002 Paris), à l’occasion de l’ostension du Suaire « Nouvelle synthèse sur le mystère de l’image du Suaire »Michel MOUBÈCHE - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé). - La conférence est suivie d'un verre de l'amitié.

lundi 17 mai 2010

Nous ne sommes pas des gens moraux...

Je me permets d'accommoder ce vieux slogan d'AF à la polémique sur le string et la mini-jupe qui fait rage sur ce blog, comme elle déchaînait déjà les passions aux beaux jours de Brigitte Bardot il y a... 40 ans !

Non les chrétiens ne sont pas des gens moraux au sens où ils ont été libérés de la loi par la foi. Relisez l'épitre aux Galates. Lisez le Traité de la Loi nouvelle dans la Somme théologique (Q. 108 de la IaIIae). Le Christ ne nous a pas donné un ensemble de prescriptions. Il a protégé la femme adultère que la loi punissait de mort par lapidation. Il a affirmé que "les publicains et les prostituées précèderaient bien des gens moraux dans le Royaume de Dieu" Il s'est fait traiter de glouton parce qu'il ne jeûnait pas comme Jean Baptiste. Le premier auquel il ait ouvert la porte du Ciel est un voleur crucifié qui, de son propre aveu, méritait son sort : "Ce soir tu seras avec moi dans le paradis".

Bien des prêtres dans les années 50 ont fait consister leurs prêches dans des recommandations morales de toutes sortes. Résultat ? On a oublié le mode d'emploi de la foi catholique. On a fait consister la religion en un certain nombres d'interdits ou d'observances... Comme si c'était le problème ! A l'arrivée : le vide.

On peut être tenté aujourd'hui de protéger la communauté déjà bien réduite des chrétiens, en accentuant les différences (en particulier vestimentaires bien sûr) entre les chrétiens et les autres, jusqu'à rechercher une sorte d'uniforme qui ne dit pas son nom. Ce communautarisme peut être efficace à court terme. Il n'en est pas moins contraire à la nature même du christianisme. Il mène trop souvent au pharisaïsme des bons et à la fermeture sur soi.

Pour aborder de façon précise la question de la mini-jupe (que Moreno appelle dans certaines circonstances la mimi-jupe si j'ai bien compris), je crois que la première chose que doit faire une jeune fille, ce n'est pas penser à ce que penseront les hommes, mais plutôt (d'abord) penser à son propre naturel. Qu'une jeune fille cherche à se mettre physiquement en valeur, selon les contextes dans lesquels elle évolue ou les circonstances qu'elle vit... c'est normal. Il y a de très beaux textes de saint François de Sales sur le sujet. Mais je pense qu'elle n'a pas forcément envie, si elle est bien née (je ne dis même pas : si elle est chrétienne) de passer pour une Marie couche toi là. C'est justement le souci de son image qui lui indiquera une manière d'être et une manière de s'habiller, selon les circonstances. Imposer un code vestimentaire a priori, cela ne me semble pas souhaitable, car cela condamne les jeunes filles au manque de naturel et au manque d'élégance (c'est souvent la même chose).

On me dira : "M. l'abbé, on voit bien que vous n'avez pas d'enfants et que vous ne savez pas ce que c'est que l'éducation". - Je crois qu'il faut savoir faire montre d'autorité, en particulier durant l'adolescence, où le seul "naturel", c'est ce que font ou ce que portent les copines (valable aussi pour les garçons d'ailleurs). Il me semble que la mère a un rôle très important pour former le goût et le tact de sa fille. Quant au père, il doit aussi intervenir ; même si c'est juste par une petite phrase bien sentie, ça a forcément du poids. Il faut surtout ne pas laisser certaines habitudes vestimentaires se créer cher les adolescents. Mais d'un autre côté, les bons réflexes dans ce domaines s'acquièrent vite et il ne faut pas non plus infantiliser ses enfants, au risque d'en faire des "adulescents". Si j'avais à résumer le maître mot pour les parents qui éduquent leurs enfants, c'est d'en avoir le souci constant, de fixer des limites infranchissables et d'être assez jeunes dans sa tête pour les conseiller discrètement et de façon crédible dans ce domaine.

Excusez moi de m'étendre à de tels détails. Je voudrais simplement désarmer la critique, après l'avoir un peu provoquée par mon titre.

Pour ce qui est non des adolescentes mais des femmes, je redis qu'elles ne doivent surtout pas se demander en permanence ce qu'elles font aux hommes (elles n'en savent rien et du reste les hommes non plus). On ne parle pas pour rien de surprise des sens. C'est qu'il n'y a rien de plus bête - et là je parle aux hommes - que l'organe qui fait leur fierté. C'est cette bêtise souvent qui est surprenante.

Une femme chrétienne n'est pas une femme qui a adopté avec la foi un code vestimentaire, comme c'est le cas des musulmanes dites intégristes et aussi des juives ultra-orthodoxes. Par son élégance, elle rend hommage à la beauté que Dieu lui a donnée, mettant en valeur ses atouts et cachant éventuellement ses défauts (à propos de mini jupes, il y a vraiment des femmes qui DOIVENT impérativement s'en passer et qui malheureusement pour elles ne le comprennent pas forcément). Elle garde toujours son naturel, qui n'est ni celui de l'allumeuse ni celui de la traînée : c'est d'abord une question... d'éducation justement et aussi de fierté. Mais je m'arrête là par crainte du ridicule (déjà atteint peut-être).

Juste une remarque encore à propos de la tenue à l'Église. Là encore c'est une question de naturel, on ne s'habille pas de la même façon pour aller à l'église ou pour aller au bal. Les femmes le comprennent très vite. Alors pourquoi multiplier les prescriptions... sur le voile par exemple ? Concrètement, cela contribue à enfermer une communauté en elle-même, interdisant aux nouvelles arrivantes de s'y insérer. Mais surtout cela laisse penser que la vie chrétienne est une question de vêtement et que si on ne l'a pas ce n'est pas la peine, ce qui est absolument faux et mène souvent à confondre sociologie et religion [Ah Cyrillus !].

Je reviens sur ce que je disais en commençant : "Nous ne sommes pas des gens moraux". Péguy, dans ses Notes sur M. Descartes insiste en disant : "la morale enduit l'âme contre la grâce". Le christianisme n'est pas un ordre moral. Notre première fonction n'est pas de prêcher la morale pour obtenir la bonne conscience mais de prêcher l'éternité pour obtenir la conversion, metanoia, le changement d'esprit. Certes celui qui sait qu'il doit "se transformer" (I Co. 15) pour devenir éternel, pour accéder à l'éternité de Dieu cultive une très grande exigence morale. Mais c'est une exigence qui ne vient pas du catalogue des péchés-dans-lesquels-ne-pas-tomber. Éduquer dans cet horizon purement négatif [Tu ne feras pas...], c'est confondre un verni extérieur avec la réalité morale, qui est d'abord intérieure. On ne forme des êtres accomplis qu'en leur donnant des objectifs positifs. Que vaut la crainte de mal faire, s'il n'y a pas d'abord la passion de faire le bien ? Certes "la crainte de Dieu est le commencement de la sagesse", pédagogiquement elle est nécessaire aux commençants (aux enfants par exemple et aux adultes un peu bruts de décoffrage), mais il n'y a pas de sagesse si l'exigence morale est purement formelle et vide. La morale chrétienne est l'action du Saint Esprit en nous, ou elle n'est rien.

samedi 15 mai 2010

Laïcité et humanisme

Qu'allons-nous enseigner aux enfants de la France pluriculturelle et pluricommunautaire d'aujourd'hui ? Les laïcs imaginent que Ferdinand Buisson a toujours raison et que c'est la laïcité telle qu'elle a été théorisée et pratiquée entre 1901 (lois sur les associations - qui devait servir à réformer l'Église catholique en France) et 1923 (accord entre Aristide Briand et le Saint Siège par laquelle, contrairement à l'article 2 de la Loi de 1905 [l'État ne reconnaît, ne salarie ou ne subventionne aucun culte] l'État désormais reconnaît la structure épiscopale de l'Église de France), que c'est donc cette laïcité Troisième République qui résoudra le problème de l'intégration... La laïcité Troisième République est née d'un dialogue - parfois musclé : voir les fameux "inventaires" - entre l'Église et l'État. Aujourd'hui l'Église, qui garde une place symbolique forte, est devenue quantité négligeable. En outre, cette laïcité se fonde sur une société dont les structures restent des structures chrétiennes. Cela n'est plus le cas aujourd'hui. Enfin cette laïcité se fondait sur un accord philosophique autour de ce que l'on pourrait nommer "les postulats de la philosophie de l'esprit". Cette philosophie de l'esprit est morte avec la Modernité. La post-modernité raisonne autrement, cherchant un ordre non pas dans le pouvoir structurant de l'esprit humain mais... dans ce qui reste après le déluge. Les philosophies d'aujourd'hui, de Michel Onfray à Jean-Luc Marion, sont des philosophies qui tentent un inventaire des produits de la raison ("Comment penser après Auschwitz ?"). Mais personne ne croit plus au pouvoir ordonnateur de l'esprit humain, fondement non-dit de la laïcité comme on le voit clairement dans les textes de Buisson et dans ce kantisme pour instituteurs qui a régné sur les esprits jusqu'aux années Soixante dix. Personne ne croit plus aux idéologies officielles. Personne ne place aucune forme d'espérance dans la raison politique...

La laïcité systématique est une vieille chose antichrétienne qui n'avait de valeur que face au christianisme (comme le protestantisme n'a de valeur que face au catholicisme). Elle est impensable aujourd'hui. Restent des interdits, des négations, des blocages, qui ne tiendront pas longtemps, et qui, déjà, face à l'islam s'effritent. Quand une collectivité locale construit une Mosquée, cela signifie que la loi de 1905, "colonne du Temple" comme l'appelait Jacques Chirac, est une colonne brisée.

Que reste-t-il aux élèves qui sont toujours "entre les murs" des lycées casernes hérités de la Réforme de l'Instruction publique, devenue monstrueusement "Éducation nationale"?

Il leur reste la culture occidentale, cet humanisme qui remonte à la Renaissance ou à l'Age baroque, que les jésuites ont partagé avec les grandes institutions protestantes d'Europe. Le luthérien Leibniz me semble un produit assez caractéristique de cette culture européenne, antérieure à la guerre civile issue des Lumières. Alors que les profs voient leurs préventions idéologiques tomber les unes après les autres, alors que l'on peut à nouveau parler à l'école de religion, le schéma laïc périmé, devrait laisser la place à un nouvel humanisme, à un véritable inventaire, où l'on redécouvrirait le pouvoir civilisateur du christianisme, où l'on retrouverait cet accord foncier entre la foi et la raison que Benoît XVI a évoqué à Ratisbonne en 2006.

C'est une manière absolument moderne d'être baroque que je propose. Je crois que tout naturellement c'est vers cet état d'équilibre et de paix, c'est à cette culture partagée que l'on revient. Le problème en France n'est pas de renforcer la laïcité (voir en ce moment les gesticulations absurdes autour de la manière dont les femmes doivent s'habiller, gesticulations qui nous font régresser au début du XXème siècle, lorsque les religieux se voyaient interdire le port de leur habit distinctif). La laïcité ne parviendra qu'à voiler le problème en balisant notre vivre ensemble de nouvelles interdictions. Le problème est de retrouver cette culture partagée pour laquelle milite Benoît XVI, le problème est de retrouver un humanisme, qui ne soit pas le matérialisme minimaliste et finalement terroriste cultivé au XVIIIème siècle, mais ce que j'appellerais volontiers la Tradition du Logos du Moyen âge à nos jours, cette Tradition critique mais non criticiste qui constitue l'identité européenne culminant à l'Age baroque et rayonnant jusqu'à nos jours dans les grandes oeuvres intemporelles que l'on retrouve quand on est lassé des va et vient de la mode "intellectuelle".

La postmodernité est le temps de l'inventaire. C'est cet inventaire de l'humanisme, dans lequel, à travers la Renaissance on retrouve le XIIIème siècle, mettant entre parenthèse les horreurs du XIVème et du XVème (la peste, le schisme, la guerre et le nihilisme volontariste), qu'il s'agirait de redécouvrir comme socle d'un véritable vivre ensemble. Comme abrégé de ce que l'on enseigne à l'École à tous les élèves.

vendredi 14 mai 2010

"Débat entre trois chrétiens sur le voile islamique" - par René de Laportalière, François Vergaville, et Pierre de Lapérusse

Repris du site de l'IBP Roma du 14 mai 2010

C’est reparti pour un tour ! En prélude à la brillante campagne des régionales, la France avait suivi dans l’effervescence ce qu’on peut appeler « l’affaire du voile ». Et voilà que la décision du Président de la République d’interdire le port du voile intégral relance la controverse. Faut-il autoriser le port du voile intégral dans les lieux publics ? Faut-il choisir entre liberté de circuler en burqa et oppression ? Débat entre trois avis chrétiens différents… René de Laportalière, François Vergaville et Pierre de Lapérusse... 

Faut-il interdire le port du voile intégral ?

Pierre de Lapérusse : Pour ma part, je suis favorable à l’interdiction du voile intégral pour des raisons d’ordre public. Que l’on soit homme ou femme, chrétien ou musulman, on ne se promène pas dans la rue couvert de noir de la tête au pied, le visage entièrement masqué avec seulement une ouverture pour les yeux. Cela constitue un trouble au bon ordre, à la sécurité et à la tranquillité publique.
Il n’y a aucune justification ni religieuse, ni culturelle au port de la burqa. Ces tenues sont aussi choquantes dans les rues de Paris que dans celles d’Alger. Le Coran n’impose ni ne recommande le port du voile intégral (cf. sourate 33, verset 59). Et ce vêtement, proche de tenues traditionnelles afghanes mais, sous cette forme, invention récente des salafistes, était, il y a encore quelques années, inconnu dans les pays du Maghreb d’où sont originaires la majorité des français musulmans. Autant dire que relier la question du voile intégral à l’immigration ou à l’Islam relève d’une forfaiture.

René de Laportalière : Vous parlez de bien public, je suis d’accord mais l’usage de la contrainte, concédé aux hommes de l’Etat, n’est légitime que lorsqu’il s’exerce pour assurer la sécurité des biens et des personnes. En quoi le port de la burqa dans la rue ou dans un lieu public porte-t-il atteinte en soi à la propriété ou à la liberté d’autrui ? Si le port de la burqa présente un risque pour la sécurité, la personne sera dévoilée et fouillée par ceux dont c’est la charge sans qu’il y ait besoin de loi pour cela. A-t-il fallu une loi pour, dans les aéroports, faire ouvrir les sacs à main, défaire les chaussures ou fouiller au corps ?
Le fait que le Coran impose ou non le port du voile ou de la burqa aux femmes, ou qu’il s’agisse d’une pratique récente chez les musulmans, n’entre pas non plus dans le débat. Si l’on acceptait ce type de raisonnement, on légitimerait l’interdiction par la loi du port de la soutane dans la rue par les prêtres sous prétexte que l’Evangile ne dit rien là-dessus et que cette tenue répandue au XIX° siècle a été abandonnée.
Est-il acceptable qu’une loi interdise la burqa sous prétexte de la conception particulière d’un groupe sur la dignité de la femme, l’identité nationale ou la laïcité ? Ne faudrait-il pas alors accepter que la loi d’une république laïcarde puisse interdire, s’il est encore réalisé, le bandage des seins des religieuses cloitrées, le port en public de la soutane pour les prêtres et de l’habit monastique pour les religieux et religieuses.

François Vergaville : Il faut reconnaître que les raisons invoquées pour interdire le port de la burqa sont en règle générale oiseuses ou inopérantes. L’invocation vibrante de la dignité de la femme (qui ne saurait s’exprimer sous le voile, c’est bien connu) tient de la captation. Parce qu’elle en appelle à un concept dont les contours et le contenu sont si flous qu’il justifierait n’importe quoi. Et parce que rien ne justifie qu’une femme libre portant par choix un signe de sa communauté soit moins digne qu’une féministe en pantalon ou qu’une poupée en mini-jupe.
Or justement il paraît difficile de soutenir que le port de la burqa soit systématiquement une contrainte imposée aux musulmanes et non un choix de leur part. Faut-il l’interdire à la faveur du soupçon ? La pente est savonneuse. Partant du principe que ce dont l’interdiction n’est pas expressément requise doit être toléré, je ne vois aucune raison de mettre la burqa au placard.
Que ce vêtement, en revanche, soit étranger à notre culture et à nos mœurs, qu’il s’affiche comme le « signe dévoyé d’une quête d’identité » en opposition à la nôtre, qu’il proclame distinctivement un attachement politique, culturel et religieux hostile, qu’il constitue enfin une provocation et une déclaration d’inimitié à l’égard de l’Occident, tout cela est évident. Et c’est à ce seul titre qu’il conviendrait de l’interdire. Ce qui n’est guère concevable dans les conditions actuelles de gouvernement.

Est-il besoin de légiférer sur la question ?

Pierre de Lapérusse : Naïvement, je pensais que la loi française qui, paraît-il, contient encore une disposition interdisant aux femmes le port du pantalon, permettrait de proscrire la burqa sans un grand barnum républicain. Cela aurait permis de faire l’économie d’un « débat national idiot » pour reprendre les termes de l’éditorial du New-York Times du 26 janvier 2010. L’affaire a en effet donné lieu à une ridicule surenchère vertueuse.  Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les couleurs politiques : vous pouvez vous opposer au voile intégral au nom des droits de l’Homme ou de ceux la femme, au nom de l’identité nationale, de la laïcité ou même de l’Islam !
Il ne s’agit pas d’une affaire religieuse mais d’une question politique. Nous avons là une bonne illustration de ce que Bernard-Henri Lévy appelle le fascislamisme. C’est-à-dire un ensemble d’actes, dont fait partie le terrorisme, qui visent à promouvoir la barbarie avec les outils ou le langage de la modernité. Dans le cas de la burqa, on va utiliser le concept moderne de liberté religieuse pour justifier une privation de dignité humaine sous la contrainte. L’islamisme instrumentalise le cadre de la rationalité libérale pour en saper les fondements. Débattre solennellement de la Burqa au lieu de l’interdire par la voie d’une simple circulaire de police, c’est déjà une défaite intellectuelle. Il est regrettable que toute la classe politique française soit tombée dans le panneau.

René de Laportalière : Pardonnez-moi, mais vous évoquiez le bien public, or justement la question de savoir si l’interdiction de la Burqa doit se faire par une simple « circulaire de police » ou par une loi est une affaire d’opportunité (et non d’opportunisme) politique, mais pas de principe. Quoiqu’il en soit, il s’agit de faire appel à l’usage par les hommes de l’Etat de la contrainte légale pour imposer à un groupe de personnes les conceptions et sensibilités d’autres groupes.

François Vergaville : Si ce débat fait le jeu d’une certaine agit-prop, celle-ci était pourtant inévitable.  La vraie erreur a été d’ouvrir la question. A partir du moment où le voile intégral a fait l’objet d’une réflexion, la pente naturelle portait vers un débat législatif, pour plusieurs raisons. D’une part en conséquence de la tendance des dernières années à légiférer à tout bout de champ. Et parce que, d’autre part, la voie réglementaire est inopérante. Comme le souligne justement le rapport de la mission parlementaire, une restriction générale et absolue portée aux libertés est du ressort, non du règlement, mais de la loi. Les restrictions aux libertés fondamentales font en France l’objet d’un débat législatif et d’un contrôle juridictionnel. Et cela est heureux, sauf à souhaiter la fin d’un Etat de droit.
Quant à savoir si cette loi s’impose, je crois que la bonne loi est celle qu’on est en mesure de faire appliquer. Et je m’interroge sur les moyens de contrôle que requerrait celle-ci. Voilà une loi qui ne s’impose pas, qui a été conçue dans la gesticulation et qui naîtrait dans le tumulte, une loi qui sent la cuisine électorale à plein nez, et qu’en outre on ne saurait faire appliquer raisonnablement. Il n’est pas besoin de s’interroger longtemps avant de la mettre au panier.
 
En conséquence, que faut-il faire ?

François Vergaville : La priorité ne me semble pas de légiférer sur les symptômes mais de traiter les causes. Soit de porter le fer contre les mouvements qui sous-tendent l’attitude de rejet des normes de comportement et de vie sociale occidentales. S’attaquer à ce fascislamisme qu’évoquait Pierre. Lutter contre l’extension d’audience des sectes salafistes demandera des moyens nouveaux et une résolution nouvelle. A ce titre, les mesures proposées par la mission parlementaire (assurance contre la contrainte, durcissement du code d’entrée et de séjour des étrangers) témoignent de l’angélisme ou de l’impuissance des pouvoirs publics.

René de Laportalière : D’un point de vue pratique, si j’étais contre le port de la burqa -ce qui n’est pas le cas aujourd’hui mais pourrait l’être demain-, je ne ferais en aucun cas appel à la contrainte, qu’elle soit légale ou non. Je me contenterais de ne pas mettre mes enfants dans des écoles où la burqa serait acceptée, je boycotterais les magasins, salles de spectacle, lieux de loisir où je pourrais rencontrer des femmes ainsi vêtues. Mais je respecterais le droit de chaque femme de s’habiller selon ses vœux et celui de chacun d’accepter ou de refuser pour les autres cette forme de vêtement.

François Vergaville : Il me paraît illusoire d’imaginer vivre ainsi uniquement entre soi. Une société sans vivre-ensemble n’en est plus une, mais une juxtaposition de communautarismes. Sous la pression extérieure, toute communauté fermée devient un ghetto.  « Les chiffres sont accablants : il y a de plus en plus d’étrangers dans le monde. », disait Pierre Desproges. Je me refuse à vivre en reclus dans un camp des saints qui n’aurait vocation qu’à se réduire : on est toujours perdant à jouer le finale du Dernier des Mohicans. Quitte à prendre acte, autant le faire avec efficacité : sans rentrer dans un débat truqué, et par un travail de conviction et d’éveil des consciences. Commençons par nous réconcilier avec l’héritage culturel européen, afin de le transmettre à ceux de nos contemporains qui ne l’ont pas reçu en partage.

Pierre de Lapérusse : En ce qui concerne la burqa, l’avis rendu par le Conseil d’Etat le 25 mars dernier me semble raisonnable. Les Sages ont retenu la notion de trouble à l’ordre public et ont proposé de proscrire le port du voile intégral pour des raisons de sécurité ou lorsque des personnes doivent pouvoir être identifiées. Au-delà de ce cas d’espèce, je rejoins François pour dire que l’enjeu est vraiment la lutte pied à pied, pas seulement en Europe, contre cette nouvelle forme d’extrémisme que constitue le fondamentalisme musulman. Cela suppose, en effet, la défense et illustration de valeurs qui, bien qu’historiquement européennes, n’en sont pas moins, pour moi, des valeurs universelles.

Oublier l'Ascension ?

La fête de l'Ascension était naguère très importante : liturgiquement elle était flanqué d'un octave (la fête pendant huit jours : c'est le principe de l'octave), elle jouit d'une préface propre et on ajoute quelques mots au Communicantes pour faire mémoire de cette fête. Excusez ces détails techniques. Ils sont là simplement pour prouver ce que j'avance : l'importance de cette fête.

Ajoutons que dans la prière du Canon, Unde et memores, il est question de la Passion (tam beatae passionis : l'heureuse passion) de la résurrection (necnon et ab inferis resurrectionis : le Christ revient des enfers en ressuscité triomphateur, amenant avec lui au Paradis toutes les âmes des justes) et de l'ascension (sed et in caelos gloriosae ascensionis : glorieuse ascension dans le ciel traduit un peu bêtement le canon 1 de la liturgie rénové : non, pas seulement : ascension dans les cieux - comme dans le Notre Père : il ne s'agit pas du ciel bleu, mais des Cieux où Dieu réside).

On comprend que le Christ achève par son Ascension le mystère de sa passion et de sa résurrection. La Passion du Christ nous donne la vie par sa mort d'amour. La Résurrection nous donne la foi, par laquelle nous nous unissons en esprit au Christ (il nous a racheté par sa mort mais il faut bien que nous assurions notre part d'effort ; notre part, c'est la foi). Que nous donne l'Ascension ?

En relisant attentivement le texte du chapitre 1 des Actes des apôtres, j'ai compris que l'Ascension transformait notre foi en espérance. La foi ? C'est un état d'esprit et de coeur qui peut encore être intéressé. les apôtres ont la foi en Jésus ressuscité, mais ils n'ont pas encore l'espérance. "Seigneur, lui demandent-ils juste avant qu'il ne les quitte définitivement, c'est maintenant que tu vas restaurer la Royauté en Israël". Leur projet, même après la résurrection, reste un projet communautariste, celui d'une foi sans espérance, qui se réalise sur la terre par l'instauration d'un nouveau type de communauté, comme le pensaient les Esséniens, la communauté des purs qui feront la reconquête d'Israël sur les Romains et qui rétabliront (en Jésus descendant de David) a Royauté davidique.

Mais le Christ monte aux Cieux... Il est assis à la droite de Dieu. Nous savons que son rôle n'est ni celui du chef de guerre ni celui du chef de peuple. Son peuple, l'Église, est un peuple unique dans l'histoire, un peuple de Rois, un peuple dans lequel, par l'espérance, chacun devient responsable de sa destinée éternelle. L'ascension du Christ transforme notre foi en espérance, comme l'Esprit Saint à la Pentecôte transformera notre espérance en charité rayonnante.

mardi 11 mai 2010

[conf'] «Jusqu’où va le respect de la nature?» par Florence Eibl

Mardi 11 mai à 20H00 au Centre Saint Paul (12 rue Saint Joseph - 75002 Paris), «Jusqu’où va le respect de la nature?» par Florence Eibl - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé). - La conférence est suivie d'un verre de l'amitié.

Y a de l'apocalypse dans l'air

Je précise que par apocalypse je n'entends pas "fin du monde", selon un tic de langage qui n'a rien de théologique. "Cette génération ne passera pas que tout ne soit accompli". L'apocalypse ? Chaque génération à la sienne, de la prise de Jérusalem par les Romains en 70 à la Shoah entre 1941 et 1945...

Nous vivons des temps où la puissance du mal se révèle : c'est le sens du mot apocalypse : révélation. Et elle se révèle en particulier à l'intérieur de l'Eglise : c'est du moins ce que le pape Benoît XVI vient de dire, de manière particulièrement solennelle et répétitive, dans l'avion qui le mène au Portugal. Le mal ? A l'intérieur de l'Eglise. "Les persécutions" ? Elles viennent aussi de l'intérieur de l'Eglise explique Benoît XVI qui sait de quoi il parle.

On sent bien à Rome que le pape qui avait suscité l'espérance, en tant qu'il incarnait un conservatisme intelligent, n'a plus la cote. "Conservatisme intelligent" ? L'oxymore a fait long feu. Disons même qu'il est en train d'exploser en vol. Les conservateurs ont compris que cet homme là n'était pas des leurs. Quant aux progressistes, c'est l'intelligence du pape qui les attirait... Mais son audace passe décidément toutes les bornes.

Pensez donc ! Benoît XVI, reprenant le thème prématurément usé de la repentance, en a fait une arme redoutable : loin de s'en prendre seulement au passé de l'Eglise, il n'hésite pas à s'attaquer au présent. Il stigmatise ainsi... ceux qui l'ont fait roi comme ceux qui ne voulaient pas qu'il le soit. On comprend le petit ton condescendant qui devient à la mode dans certain dîner dans la Ville quand ceux qui se glorifiaient d'être ses partisans (ses électeurs) parlent du pape.

Je dis que cette "vraie repentance" est une arme.Comme les cordes dont Jésus s'est armé pour chasser les marchands du Temple. Il faut relire la Lettre récente aux catholiques d'Irlande sur la pédophilie. On voit bien qui vise Benoît XVI et pourquoi l'establishment ecclésiastique, quand il n'est pas mouillé jusqu'à l'os, expose de plus en plus ouvertement son sceptiscisme sur Benedetto : "Le programme de renouveau provoqué par le concile Vatican II fut parfois mal interprété et, en vérité, à la lumière des profonds changements sociaux qui avaient lieu, il était très difficile de comprendre comment les appliquer de la meilleure façon possible. En particulier il y eut une tendance dictée par de justes intentions, mais erronée, visant à éviter les approches pénales à l'égard de situations canoniques irrégulières. C'est dans ce contexte général que nous devons chercher à comprendre le problème déconcertant de l'abus sexuel des enfants, qui a contribué de façon très importante à l'affaiblissement de la foi, et à la perte de respect pourt l'Eglise et pour ses enseignements". Ces actes "ont assombri la lumière de l'Evangile à un degré tel que pas même des siècles de persécution ne sont parvenu à atteindre".

Il est dans le même registre notre pape, lorsqu'il déclare dans l'avion qui le mène au Portugal : «Nous l'avons toujours su mais nous voyons aujourd'hui de façon beaucoup plus terrifiante que la plus grande persécution de l'Eglise ne vient pas d'ennemis extérieurs mais naît du péché de l'Eglise», a affirmé le pape aujourd'hui. Et il renchérit : « Les attaques contre l'Eglise et le pape ne viennent pas seulement de l'extérieur, les souffrances viennent de l'intérieur de l'Eglise, du péché qui existe dans l'Eglise ».

Les "loups" qui sont à l'intérieur (comme il disait dans son discours d'intronisation il y a cinq ans), vont-ils lui pardonner une telle analyse ? Un tel parler vrai ? Il y a ceux, comme le cardinal Sodano, qui le "soutiennent" officiellement, parce qu'ils ne peuvent littéralement pas faire autrement. Mais les tièdes qui veulent rester tièdes et qui le peuvent car ils n'ont rien à se reprocher dans le domaine incriminé, trouveront sans doute cette mise en cause du présent de l'Eglise par un pape... bien apocalyptique.

Le 13 mai, en tout cas, Benoît XVI est à Fatima : il faudra suivre.

Quant à moi, je me redis la formule de Hölderlin : "Quand le péril grandit, grandit aussi ce qui sauve".

lundi 10 mai 2010

Catholics! – de Brian Moore

L’action se passe dans le futur, c’est-à-dire de nos jours puisque le livre a été écrit en 1972.  Et quel livre... On trouve «Catholics» en anglais sur internet pour quelques euros. Un film («Le Visiteur» – avec Martin Sheen dans le rôle du Père Kinsalla) en a été tiré en 1973, pour la télévision. Une traduction en français, a été publiée en 1976 (Publications de l’Université de Lille) sous le titre de «Chrétiens demain». Extrait de la préface à cette édition française, par Patrick Rafroidi :
«Dans la dernière décennie du 20e siècle, après un quatrième Concile qui a consacré le triomphe du syncrétisme et du modernisme, Rome apprend l’existence d’un monastère rebelle, quelque part au Sud-Ouest de l’Irlande, au large de l’admirable côte du Kerry. Un Visiteur Apostolique est délégué ; un Grand Inquisiteur comme l’appelleront les moines, conscients que le Vatican n’a guère changé ses méthodes depuis le 13e siècle et que le libéralisme a la mode est destiné aux fils des ténèbres plutôt qu’aux enfants de lumière. […]

Ce n’est pas ici le seul sort d’une petite communauté monastique qui se décide. Ce qu’on nous présente, c’est le dilemme qui depuis des années, aujourd’hui (faut-il sacrifier à l’actualité et citer Mgr Lefebvre ?) et encore plus demain, a été, est et sera, sous une forme ou sous une autre, celui de nombre de Catholiques et de chrétiens. La confrontation, non pas tellement imaginée que réalisée par Moore dans le dialogue et la narration, décevra sans doute certains, amateurs de polémique et de situations claires. On est très loin du pamphlet, du noir et blanc et rien n’est résolu que provisoirement.

A une Église nouveau-style (représenté par le Visiteur, le Père Kinsalla) qui ramène la réalité du sacrement au symbole, qui confond l’efficace et le vrai, le royaume de ce monde et celui de l’Esprit, qui a perdu le sens du mystère et du sacré et brade la Tradition de vingt siècles en confondant désespérément les excroissances et l’essentiel, en jetant le bébé avec l’eau du bain, les seuls êtres qui pourraient, ici, résister victorieusement sont les frustes moines de l’Abbaye de Muck. [….] Les situations les plus banales portent leur poids d’ambigüité comme le montre, par exemple, l’épisode de Padraig (Pierre) refusant d’admettre sur sa barque de pêcheur le prêtre de la nouvelle religion. […]»
Lisez «Catholics» en anglais si vous le pouvez, lisez-le en français sinon, ou au moins regardez le film :


Trop lourde, la vidéo a du être coupée en trois parties. On trouve la seconde ici et la troisième . Merci gloria.tv!

samedi 8 mai 2010

Lettre ouverte à Jean-Pierre Denis

texte repris de Monde&Vie

Cher Jean-Pierre Denis,

J’ai vu de quelle manière vous maintenez le bien-fondé de votre titre d’il y a trois ans, visant l’abbé Laguérie : Pourquoi cet homme-là devait rester dehors. C’était en septembre 2006. L’Institut du Bon Pasteur avait été fondé à Rome et ses statuts reconnus par le cardinal Castrillon Hoyos, responsable de la Commission Ecclesia Dei. Vous avez estimé à l’époque que l’on n’avait pas été assez exigeant avec les cinq fondateurs de ce jeune Institut. Vous nous soupçonniez, en un mot comme en cent, d’intégrisme larvé. Et aujourd’hui, après l’émission des Infiltrés, mardi 27 avril, vous vous pensez fondé à dire et même à proclamer publiquement que… somme toute… vous aviez bien eu raison de titrer de cette manière à l’époque et que, si c’était à refaire - foi d’ « Infiltrés » ! - vous le referiez.

Vous avez raison d’écrire aujourd’hui que, pour un grand nombre d’entre les traditionalistes, peu habitués à pratiquer ce que vous nommez si bien « un christianisme plus tiède, plus lisse ou plus poli », votre attaque de l’époque ne les avait pas dérangés. J’y avais décelé, personnellement, le contraire de l’indifférence, quelque chose comme un amour contrarié ou… retourné. Et c’est dans cet esprit – fraternel - que je vous avais lancé une invitation à venir à La Mutualité. J’étais au téléphone. Vous pouviez raccrocher sans explication. Vous avez relevé le défi, car vous êtes manifestement un homme des défis à relever (On ne donne pas à un hebdomadaire un peu poussif comme La Vie, cette jeunesse et cette insolence si l’on n’aime pas relever des défis). Vous êtes venu dans une salle comble. Quelque 800 personnes. Dans leur écrasante majorité, des traditionalistes. Et surprise : vous avez été applaudi. Vous évoquiez, souvenez-vous, notre foi commune en l’eucharistie et vous repreniez une formule du concile Vatican II qui n’a effrayé personne en soulignant que ce sacrement est le « sommet de la vie chrétienne ». Vous vous êtes exprimé alors, avec un grand respect pour votre auditoire, mais sans aucune concession. Du grand art. Ce jour-là, nous avions su montrer ensemble que le respect fraternel entre catholiques était toujours immédiatement possible.

Et voilà qu’aujourd’hui vous donnez à votre collaboratrice Joséphine Bataille l’occasion de prendre au sérieux cette émission des Infiltrés dans laquelle tout pue le bidonnage et l’appel à la haine, à commencer par cette manière de faire parler les enfants, comme le font les régimes totalitaires quand ils cherchent à obtenir les « aveux » des ennemis du peuple. La grande presse ne s’y est pas trompé. A part le Figaro, qui, depuis qu’il a pris le format d’un « gratuit », ne sait plus comment manifester le vide intellectuel qui rassure tellement une partie de sa clientèle, les journaux sérieux, et pas vraiment traditionalistes, n’ont pas voulu manger de ce pain là. Ni Libération, ni Le Monde, ni Le Nouvel Obs, ni l’Express n’ont daigné s’attarder sur cette émission, navrante pour le Service publique. Mais La Vie l’a fait. De la part de votre collaboratrice, attentive à collationner les citations, comme une bonne élève qu’elle est sûrement, on chercherait en vain l’ombre d’un commencement de réserve sur les problèmes éthiques que pose un tel type d’émission et sur le lynchage que Mathieu Maye entend provoquer par amalgame. C’est dommage. Excusez ma franchise. Elle me semble simplement en l’occurrence une défense légitime. Pour le reste, soyez sûr que je n’en veux à personne et surtout pas à cette Joséphine que j’ai eue récemment au téléphone et qui, outre son prénom napoléonien, porte un nom vraiment prometteur pour la profession qu’elle a embrassée : nomen, omen, disons-nous parfois dans notre latin !

Je n’en veux à personne et ne cèderai pas au démon de la polémique, d’autant plus que votre texte à vous, lu de près, rend un son différent. Il me semble qu’il résonne, en fait, comme un appel au respect, à un respect forcément mutuel. Je vous cite : « L’attachement aux formes anciennes de la liturgie est profondément respectable, tout comme le désir de sauver un trésor culturel et cultuel.(…) On pense ici aux personnes qui se sont converties grâce à la liturgie désormais dite « extraordinaire », quand la messe « ordinaire » ne leur parlait pas. Elles ne sont ni plus ni moins catholiques que vous, que moi, que d’autres ». Pour ces paroles de chrétien, de frère, merci Jean-Pierre Denis.

Certains relèveront sans doute les crochets indiqués dans votre texte et y verront la perspective redoutable d’un caviardage. Loin de moi cette pratique ! Vous nous appelez, nous autres traditionalistes, à la clarté. Je l’ai fait aussi, modestement, sur mon blog (voir metablog sous le titre : Je n’ai pas la télé). Je voudrais encore y travailler ici.

Avant tout, pour justifier votre opposition à l’abbé Laguérie, vous citez le concile Vatican II : « C’est bel et bien l’acceptation du concile Vatican II qui reste à vérifier sans faux-nez. Nous avions dit qu’il eût été préférable de manifester quelques exigences avant de réintégrer les amis de l’abbé Laguérie, même au nom de la charité et même au nom de leurs vocations religieuses. On voit bien, aujourd’hui, que le ménage a été fait trop en surface ». Mais le concile Vatican II, Jean Pierre Denis, c’est « un chantier », comme me disait un dignitaire du Vatican il y a quelque temps. Tout le monde y travaille : dialogue interreligieux, œcuménisme, liturgie, chaque catholique a sa petite idée sur ces questions. Et les textes du Concile offrent simplement des « pistes » à explorer, si vous me permettez de reprendre un mot de Benoît XVI, alors cardinal Ratzinger, lors d’un entretien public à Rome avec le philosophe italien Paolo d’Arcais. Nous tous, les catholiques d’aujourd’hui, nous défrichons les « pistes » désignées par le concile Vatican II, sur lesquelles doit se construire le christianisme de demain, en accord foncier, en « continuité » avec le christianisme d’hier.

Exemples ?

Pour les traditionalistes aussi, le dialogue interreligieux, dans un pays où l’islam est la religion sans conteste la plus dynamique, n’est plus seulement une option mais une nécessité. Comment vivre avec l’autre sans prendre la peine de le connaître et, en l’occurrence, de connaître sa religion ? Quant au dialogue avec les Juifs, une émission comme celle du 27 avril nous montre qu’il est indispensable de le mener, dans un grand respect mutuel et sans jamais prétendre confondre deux économies que Dieu lui-même distingue. Sans jamais faire des Juifs des chrétiens malgré eux ou des chrétiens sans le nom.

Autre exemple. Pour les traditionalistes, comme l’a répété Monde et Vie maintes fois ces dernières semaines, le style du pape Benoît XVI en matière d’oecuménisme, cette préoccupation constante de la vérité, sa manière roide de dialoguer avec les luthériens sur la doctrine de la justification par la foi, en parvenant à « un consensus différencié », sa façon chaleureuse mais exigeante d’approcher les orthodoxes en leur faisant reconnaître, à Ravenne, qu’il n’y a pas d’antagonisme entre la conciliarité et la primauté et jusqu’à sa manière de proposer aux dits « lefebvristes » un véritable dialogue doctrinal, tout cela est suivi avec une attention particulière par les traditionalistes de toutes origines. Encore une fois, voyez Monde et Vie. Ou le Forum catholique.

Ajoutons une considération qui va de soi : pour les traditionalistes, la question liturgique, que le Concile a mise au premier plan, est effectivement décisive. Cela vous l’avez parfaitement perçu d’ailleurs dans la partie de votre texte que je viens de citer.

Alors si Vatican II n’est pas une incantation, vide de sens, qu’est-ce d’autre que la préoccupation de ces « pistes » nouvelles, dans lesquelles, nous en sommes tous bien d’accord, il faut nous engager ?

En réalité, plus j’étudie le concile et l’indétermination profonde des textes les plus doctrinaux (je pense par exemple à Dei Verbum, dont un grand théologien du Centre Sèvres aujourd’hui note que pour lui il n’en reste que « des traces »), plus je crois que le moment est venu de cesser d’en faire une incantation, pour le considérer comme ce qu’il est : un chantier nécessaire.

Il me semble en fait que l’essentiel est ailleurs. L’essentiel de l’accusation que vous continuez à porter contre l’abbé Laguérie est dans le paragraphe précédent : « Sur un certain nombre de points, qui touchent essentiellement au rapport à l’autre, et sous un certain nombre de formes, désormais plus souterraines qu’affichées, un certain traditionalisme reste volontairement prisonnier de ses racines anti-révolutionnaires, anti-modernes (ce qu’a été l’Eglise) et dans certains cas maurassiennes et antisémites (ce qu’elle ne peut plus être à aucun prix) ». Il me semble que ce que vous dites là est l’essentiel de vos reproches. L’essentiel de votre propos, la question du Concile, essentiellement cléricale malgré tout, me semblant facilement soluble dans la discussion, ou dans ce que Benoît XVI appelle l’interprétation.

Pour clarifier le débat avec vous, je souhaite reprendre l’un après l’autre les mots que vous utilisez.

Je commence par la fin : l’antisémitisme. Il y a un antisémitisme « à la papa », une culture du mépris qui n’a rien à voir avec la solution finale. On le trouve dans un milieu catholique qui déborde largement « les traditionalistes ». Cela correspond à une génération, marquée par les polémiques de Drumont et de quelques autres, dénonçant « la France juive ». En réalité, si l’on se reporte à la fin du XIXème siècle, la République qui n’était plus celle des Ducs, accéda au pouvoir (1876), et se trouva devant une élite massivement antirépublicaine. C’est à ce moment là que les grandes familles juives, ayant pris fait et cause pour la République, se trouvèrent montrées du doigt, dénoncées, stigmatisées, comme étant devenues les soutiens naturels du nouveau Régime… Je ne cherche pas à excuser, mais à expliquer pourquoi beaucoup de catholiques, pour des raisons avant tout sociologiques (et non religieuses), se découvrirent antisémites. Il faut remonter à la guerre des deux France une fois de plus, guerre des deux France dont cet antisémitisme, rémanent chez certains bourgeois catholiques, apparaît comme un important dommage collatéral. Soulignons néanmoins que les vrais chrétiens, papes en tête, n’ont jamais cédé à ce genre de sirène. Pie XI n’a pas eu besoin de Vatican II pour dire : « Nous sommes spirituellement des sémites ». J’avoue qu’il m’a fallu l’affaire Williamson pour comprendre que l’antisémitisme était encore aujourd’hui une vraie menace spirituelle à propos de laquelle il est impossible de se taire, en tant que catholique.

Vous donnez l’impression de faire un amalgame entre « maurrassien » et antisémite. Il est vrai que Maurras n’était pas dreyfusard. Vrai qu’il représente sans doute un bon exemple de cet antisémitisme sociologique, typique de la fin du XIXème siècle, dont je parlais à l’instant. Mais enfin ! Cet antisémitisme ne constitue pas l’ensemble de la réflexion d’un penseur qui est l’un des plus grands analystes du XXème siècle en France. Politique, critique, littérature, poésie, morale et même d’une certaine façon métaphysique, on trouve tout chez Maurras et ses disciples, comme Pierre Boutang, ont bien montré qu’il y avait moyen d’être maurrassien sans être antisémite ! Il y a même aujourd’hui des maurrassien dont le sionisme est la bannière, autour de la revue Les Provinciales. Je crois que décidément il ne faut pas tout confondre ! Et ressortir la vieille lune de la condamnation de l’Action Française, à laquelle un Jacques Prévotat a consacré 700 pages sans rien expliquer de convaincant sur les raisons de Pie XI, raisons que l’on attend toujours (comme l’a d’ailleurs constaté son successeur, levant la condamnation), c’est me semble-t-il s’enfoncer dans le passé, au lieu de traiter les problèmes du présent.

Restent deux adjectifs : antirévolutionnaire et antimoderne. Maurras est anecdotique dans cette affaire. Mais ceux-là – antirévolutionnaire et antimoderne – concentrent, me semble-t-il, la matière de notre désaccord réel.

Antirévolutionnaire ? Antimoderne ? Vous soulignez que l’Eglise a été l’un et l’autre. Lui serait-il interdit aujourd’hui d’être antirévolutionnaire ? lui est-il permis de condamner les révolutions qui ne sont pas la révolution chrétienne ? Ces pseudo-révolutions singent la sienne, comme disait Pie XI dans Divini Redemptoris, et il ne lui serait pas permis de le souligner ? Lui est-il interdit, à notre Eglise, de dire qu’elle porte la seule révolution qui vaille, celle qui supporte toute l’histoire réelle de l’humanité, la révolution personnaliste ? Lui est-il interdit de souligner que toutes les autres ont été des leurres, produisant du sang, des larmes et des dégâts humains souvent irréparables ? Il me semble qu’au moment où l’on enterre solennellement le concept de Révolution, ce n’est peut-être pas la peine que les chrétiens décident de jouer aux croque morts, en se chargeant des fleurs, des couronnes et de l’oraison funèbre. Là encore, c’est décidément regarder vers le passé. Nous avons mieux à faire : c’est l’Evangile qui change le monde, en donnant à chaque personne le sens de sa responsabilité éternelle (et donc de sa liberté temporelle). Voilà ce qu’en tant que chrétiens, nous avons à dire aux hommes. Me détromperez-vous ? Je sais bien que non.

Quand à l’antimodernité, Benoît XVI a une formule décisive dans Spe salvi : il parle, au paragraphe 19, d’une nécessaire autocritique de la modernité. Il est trop subtil pour tomber dans le jeu binaire du pro et de l’anti. Je suis d’accord avec vous là dessus : on ne peut plus être antimoderne. C’est absurde de se vouloir antimoderne. Jacques Maritain avait lancé ce concept en 1925, mais c’est un mort né. Comment peut-on ne pas être marqué par la modernité sous tous ses aspects, technologiques, sociologiques, psychologiques et même métaphysiques ? On n’est pas face à la modernité, encore moins contre elle. On est dedans, qu’on le veuille ou non. Le traditionalisme, par exemple, est un phénomène contemporain, engendré par la modernité. Et c’est lorsque l’on a compris cela que l’on peut saisir aussi ce qui nous est demandé par Benoît XVI : une autocritique de la modernité, à la lumière de la Révolution chrétienne. Notre propre autocritique.

Cher Jean-Pierre Denis, nous avons tous à nous laisser évangéliser par la Révolution chrétienne. Nous réagissons différemment en fonction de nos histoires personnelles aux uns et aux autres. Mais je crois que notre époque est radicale ; je crois qu’elle emportera dans le vide tous les conservatismes, celui d’une « Tradition » hypostasiée comme celui d’un Concile mythifié et fossilisé dans cinquante années d’échec pour l’Eglise ; je crois qu’il ne restera, dans dix ans ou dans vingt ans, que ceux qui transmettent l’Evangile parce qu’ils l’ont reçu au plus profond d’eux-mêmes et ceux qui s’y opposent parce que, comme on commence à le voir ici et là, il aura été littéralement diabolisé.

Mais pourquoi tant de mots, si c’est pour en arriver à ce dilemme apocalyptique ? Si j’ai beaucoup apprécié votre texte, alors même qu’il me paraît injuste ou excessif, c’est parce que, reprenant de manière parfois trop unilatérale la charge médiatique contre les traditionalistes, je sens pourtant qu’il est écrit par un chrétien.

Abbé G. de Tanoüarn

vendredi 7 mai 2010

[mise à jour] Abbé Alexandre Berche - des prières s'il vous plaît

Le 10 janvier, l'abbé Alexandre Berche a eu un accident de voiture en se rendant à Tournan-en-Brie pour y dire la messe. Vous lirez ci-dessous les nouvelles que peuvent vous donner ses confrères.


Simple visite... - par Abbé Philippe Laguérie - 7 mai 2010

... à M. l'abbé Alexandre Berche, cet après-midi. Grande joie de retrouver ce jeune prêtre, parfaitement conscient de la grâce qui lui a été faite par le sacerdoce de Notre Seigneur et dans le Bon-Pasteur. Il n'attends qu'une chose, de pouvoir célébrer de nouveau le sacrifice du Christ pour lequel il a été ordonné. Patience ! J'ai envie de hurler à tous ces jeunes confrères, ordonnés comme lui dans le Bon-Pasteur (13 déjà) : "Vous rendez-vous compte de la grâce qui vous a été faite par l'imposition des mains de l'évêque?". Faudrait-il que vous soyez, comme Alexandre, privé de l'actualisation de ce redoutable pouvoir, que vous avez sans retour, pour en mesurer l'étendue et la sublimité ? Ce jeune prêtre mesure d'un coup tout ce que le Christ a fait pour lui, l'Eglise, son vecteur incontournable et l'Institut du Bon-Pasteur, par lequel et sous lequel, il est devenu prêtre à jamais. Puissent, tous les prêtres du Seigneur, mesurer comme lui, ce qu'ils doivent au Seigneur et par qui ils le doivent ! L'ingratitude, dit Augustin, est un vent brulant qui dessèche tout sur son passage.

Mais sa santé, direz-vous ? Elle s'améliore chaque jour et le scanner qu'il a subi ce matin devrait nous en dire plus sur l'origine de l'immobilité du bras droit. Sauf les doigts, qui bougent sur commande. Il ne marche pas encore à cause du genoux gauche qui refuse de se tenir ferme sous le poids du corps. Mais la pensée est cohérente, limpide, quoique fort lente. Jamais la moindre incohérence, mais le débit n'y est pas. Il manque toujours cette détermination du verbe qui nous est propre et de laquelle nous usons et abusons si facilement. Il faudra du temps, beaucoup de temps, pour retrouver notre abbé dans toute la puissance de la nature et de la grâce. Oremus !

Abbé Berche : « A bientôt j’espère » - par le webmestre - 18 avril 2010
Effectivement, il va mieux.  L’abbé Berche partant demain un peu plus loin en rééducation, je suis passé le voir  ce soir au KB dans le 9-4. A tout point de vue, il s’améliore. Ca fait plaisir, d’autant que j’étais très inquiet sur son état – je le lui dis. Quand il est sorti du coma et qu’il était… disons ‘peu actif’, j’avais craint que ce soit là désormais son état naturel. Passons! il parle (lentement, mais ses phrases sont parfaitement construites, la pensée est articulée). Il a complètement conscience de son état. Son bras gauche (il est gaucher) ne répond pas, mais les merveilles de la médecine permettent d’espérer qu’il en regagne l’usage. L’abbé sait le chemin qu’il lui reste à faire et les progrès qu’il a déjà réalisés. Il remercie le Ciel de s’en être sorti, et toutes les personnes («particulièrement les enfants») de leurs prières. Un message pour les nombreux lecteurs du blog qui se sont inquiétés de lui et prié pour lui: «Merci de vos prières, continuez. A bientôt, j’espère.» Continuons!

Où l'on retrouve l'abbé Berche - par Abbé Philippe Laguérie - 13 avril 2010
 
Après ces fêtes pascales, je me décide à porter la communion à notre confrère...Trois mois sans communion, pensai-je, ça doit faire long pour un prêtre ! Effectivement, je le trouve ravi, paisible, enchanté. Il se confesse, reçoit pieusement le saint corps du Christ et...se déride. Ce n'est plus le même. Il parle un heure de rang, sans fatigue ni lassitude. Ce n'est plus moi qui le fait rire, c'est lui qui m'amuse beaucoup. Quand j'évoque les causes possibles de son accident (Tom-tom, Coyote, radio, cassette, portable, cigarette, en plus du volant) il me lâche direct: "vous savez, je regarde généralement la route". Toutes ses paires de lunettes ont été brisées dans l'accident. Je cherche à savoir où il a fait faire les dernières. "Chez la femme de la petite cinquantaine, derrière Saint Nicolas". Effectivement j'ai pu en commander une autre paire chez ladite femme. Bref, l'abbé reprend du poil de la bête, calme, serein, drôle et vraiment paisible. Il part en rééducation à Garches la semaine prochaine. Il est plus beau que jamais, avec sa barbe de quinze jour et, à part ce bras qui ne bouge toujours pas, (I.R.M. vendredi) tout va pour le mieux. Il me demande s'il doit dire son bréviaire (il ne peut même pas lire, sans lunettes) et je lui réponds: "Tu ferais mieux de remercier le Seigneur". C'est fait, me dit-il. Je lui lis la lettre délicieuse d'un prêtre de la Frat, dont je tairai le nom, et il le reconnait du premier coup. L'abbé Berche sur pied et à l'autel, c'est pour les grandes vacances, je vous dis. L'I.B.P. est à l'épreuve, mais Dieu veille sur lui !

Merci pour Alexandre - par l'abbé Guillaume de Tanoüarn - 31 mars 2010

Ce matin coup de téléphone de la maman de l'abbé Alexandre Berche... Il y a du nouveau. "Alexandre vous demande". Je m'enquiers des progrès de son état. Et j'apprends que l'opération de vendredi a consisté à lui retirer un risôme (?) une sorte de kyste (une boule de graisse) qui s'était formé dans la trachée ouverte pour l'assistance respiratoire. Il avait atrocement mal ces derniers jours. L'opération a très bien réussi. Et il n'a plus mal. Surtout maintenant il s'exprime...

Il sait parfaitement où il est, ce qu'il est... Il rit : toujours cette aptitude à prendre de la distance par rapport à lui-même. On ne comprend pas encore absolument tout ce qu'il dit, mais il s'astreint à choisir ses mots. Ainsi lui ai-je demandé quelque chose à votre attention, à vous tous qui priez pour lui. Il m'a répondu avec un beau regard, presque timidement, comme s'il réalisait en même temps l'audace de sa demande : "Encouragez les à poursuivre". En propres termes !

Quand on lui demande ce qu'il veut il répond : mes lunettes (cassées bien sûr durant l'accident) et mon bréviaire. Hier, il avait demandé un missel. Sa maman me dit que ses progrès sont sensibles d'hier à aujourd'hui dans son expression.

Ce qui est beau, ce qui est nouveau, c'est son sourire. un sourire qui vient de l'intérieur. Aucune impatience contre son état. Non : un sourire de ses yeux bleus comme lavés par la souffrance.

Pour l'instant il est toujours en réanimation. Il va partir en convalescence très bientôt. Ses proches sont très surpris de ce come back si rapide après un si long coma... Je crois qu'il n'a pas fini de nous étonner.

Notre Alexandre - Abbé Philippe Laguérie - 27 mars 2010

Notre Alexandre a été opéré vendredi, au Plessis-Robinson, où il avait été transféré la veille. On lui a ôté sa trachéotomie; De sorte qu'il peut commencer à parler, non pas distinctement, mais assez pour qu'on le comprenne. Quelle grande nouveauté !

Son bras droit est toujours immobile (non pas la jambe) ce qui suppose une légère hémiplégie.Il est calme, serein, parfois souriant. Il ne se souvient pas de l'accident et quand on le lui dit, il croit qu'il y a tout juste un mois, le moment où il est sorti du coma.

Quand je lui ai dit que je lui servirai moi-même sa première deuxième messe il m'a répondu que " c'est un grand honneur"! Il me demande des nouvelles de Josiane, de Guillaume...

Il a voulu se confesser. on a fait vite, pour ne pas le fatiguer. Il récite son acte de contrition à la perfection et un Je vous salue Marie de même.

Je lui dis de ne pas gesticuler sans cesse car ses infirmières craignent qu'il ne tombe du lit. Il prend son air contrit, irrésistible, et me promets de faire un effort...

Dieu, qu'il est attachant, encore lointain, mais si proche déjà... Aujourd'hui parfaitement lucide sur son cas, il participe à sa propre rééducation, qui sera longue, mais dont manifestement il sera, avec le Bon-Dieu, l'acteur décisf.

Mais pour tous ceux qui l'aiment, Dieu, que c'est long. Je me surprends à le tutoyer, moi qui ne veux jamais tutoyer un prêtre du Bon-Pasteur, par respect; et malgré toutes mes résolutions, je crois que ça va rester... On est si petit dans la souffrance.

Le rire de l'abbé Berche - Abbé Philippe Laguérie - 16 mars 2010

Oui, je l'ai fait rire quatre fois en une heure ! L'abbé Berche fait effectivement des progrès étonnants. Il est calme, paisible et souriant. Je lui demande s'il me reconnait, il opine du bonnet. "Alors, dites mon nom". Je vois s'inscrire "abbé Laguérie" distinctement sur ses lèvres. Quatre fois je le fais rire franchement. La première, quand je lui annonce qu'il aura des crêpes-maison à son retour, deux salées et trois sucrées, s'il continue comme ça. La seconde quand, vérifiant avec sa mère les 18 kilos qu'il a perdu, je lui annonce triomphalement qu'il ne fait plus qu'un quintal, tout rond. La troisième quand, sa maman se plaignant qu'il rit plus avec moi qu'avec elle, je lui explique tout fort que son fils, elle doit le savoir, a parfois un foutu caractère. Enfin quand l'infirmière se plaint aussi du même traitement, idem. Le rire est le propre de l'homme, la manifestation la plus véridique de l'âme(les larmes sont parfois de crocodile).

Nous récitons le Notre Père, le Je vous salue Marie, le gloria: tout est clair et distinct sur ses lèvres, bien mieux que les idées innées de Descartes.

Il est très ému aussi. Quand je lui dis qu'il peut remercier Dieu de s'en tirer aussi bien... Quand je lui parle de vous tous, qui priez sans relâche pour son rétablissement. Quand il cherche ma main pour la serrer dans la sienne. Quand je le bénis et qu'il s'efforce de déplacer vers sa main (attachée) tout son buste pour tenter un signe de croix. Quand je prends congé, enfin, et qu'il me fait une nouvelle fête, si émouvante que je lui promets de revenir très vite.

Franchement, la tracheo enlevée, on va en causer, du pays. Ouf !

J'ai rencontré Alexandre... - abbé Guillaume de Tanoüarn - 16 mars 2010
J'avoue que j'avais perdu patience et que je n'osais pas vous entretenir des progrès d'Alexandre Berche vers la santé, tant ils me paraissaient minimes. Mais cette fois, il me semble qu'il y a un changement profond. On est avec lui. Il est avec nous. Il tente de parler et sa trachéo l'en empêche. Il rit quand on lui parle de son poids qui diminue, mais pas encore assez (les variations s'affichent automatiquement au pied du lit). Et quelle intensité dans le regard quand on lui fait lecture de vos message. Les louveteaux en particulier le font craquer ! Bref, pour la première fois depuis ce sinistre accident, j'ai eu l'impression d'une véritable rencontre avec Alexandre.

On voit d'ailleurs le moment où il va quitter le service de réa pour une maison de convalescence... Tout n'est pas gagné, certes. Il a du pain sur la planche. Son bras gauche reste étrangement inerte. Mais il a manifestement les idées en place et avec la volonté qu'on lui connaît (moyennant un peu-beaucoup de patience), avec vos prières et avec l'affection de ceux qui le connaissent de près... il va pouvoir revenir chez nous, les vivants. Il était un prêtre généreux. Si Dieu veut, comme passé à travers le feu de l'épreuve, il va faire un prêtre doué d'une formidable expérience, un prêtre irrésistible.

Alexandre a souri et a même rit aujourd'hui! - 14 mars 2010 - par Aurore

J'étais avec ma mère et mon ami Pascal cet après midi, j'allais lui relire les mots de la part de ses paroissiens et amis laissés à son attention, et j'ai demandé à maman si elle lui avait relu depuis qu'il était conscient. Elle m'a répondu que non, pas depuis qu'il était réveillé et j'ai dit à Alex "ah ben évidemment si tu dormais..." en lui souriant et il a rit! Le son ne sortait pas (trachéo) mais son ventre rebondissait gaiement, on entendait le souffle de son rire à travers le tube et son visage riait avec la même expression que je lui connais depuis toujours!

Il a écouté tous les mots que je lui lisait avec attention et il souriait à la lecture des messages et des noms de ceux qui les avaient laissé. Il essayait visiblement de se souvenir... Et il était ému.

Il a même rit encore à la lecture d'un passage du message d'une amie qui lui disait que le Seigneur envoyait des épreuves à ceux qu'il aimait, et qui lui disait qu'il "était au rang des chouchous, au 1er rang même". Il a vraiment rit de bon coeur, ce qui est un très bon signe de compréhension et de conscience évoluée. Sa personnalité revient parmi nous :)

Il fait vraiment des progrès spectaculaires depuis 1 semaine, il mange à la béquée, il demande à boire, il essaye de parler (mais le son ne sort pas encore à cause de la trachéo) il sourit, il nous fait des bisous quand on lui dit au revoir, et maintenant il rit quand on lui fait des blagues..

Qu'il est bon de revoir son sourire et de le voir rire, il retrouve progressivement les expressions de son visage qui définissent son caractère.
Je suis vraiment très heureuse de ses progrès, et j'espère que vous continuerez à lui écrire des mots que nous ne manquerons pas de lui lire, il en a vraiment besoin et je vois dans ses yeux qu'il écoute attentivement et qu'il est très touché à la lecture de chaque nom qui lui adresse ses pensées.

Je lui ai aussi lu le mot d'un de ses élèves de latin qui lui disait qu'il attendait avec impatience son retour, et je pense qu'il se souvenait de cette personne, parce qu'il a sourit.
Continuez à l'encourager et à prier pour lui, soyez sûr qu'il vous entend et que ça lui fait du bien!
Un grand merci à vous pour toutes vos pensées et mots d'encouragement, de la part de toute sa famille et surtout de la part d'Alex qui ne vous a pas oublié, j'en suis sûr à présent.
Aurore sa p'tite soeur.

L’abbé Berche va (un peu) mieux et ça fait plaisir! – par le webmestre – 13 mars 2010

L’abbé Berche va (un peu) mieux et ça fait plaisir! j’avoue que je n’étais guère optimiste jusqu’à maintenant. Je voyais bien une amélioration d’une fois sur l’autre mais son état général restait tellement préoccupant… Il l’est toujours - simplement l’abbé Berche, clairement, a fait de nouveaux progrès.

Il bouge maintenant sa jambe gauche, il a fait comme une tentative de parler, il interagit bien plus. Le chemin est encore long mais savoir que l’abbé avance: je le redis, ça fait rudement plaisir. Y compris à sa mère, qui remercie Jeanne de ses prières, Dominique de ses photos, et d'une manière générale tous ceux qui portent Alexandre dans leurs prières.

Sa maman communique des nouvelles d’Alexandre - repris du blog de l'abbé Laguérie - 12 mars 2010

Cher Monsieur l’Abbé,

En raison d’une coupure de France Télécom, j’ai été privée de connexion Internet et de téléphone depuis le 21 février. Le Technicien vient de rétablir la ligne et parmi les nombreux messages en attente, je découvre le vôtre avec joie avec la photo d’Alexandre, dont je vous remercie vivement.

Alexandre se rétablit progressivement, à telle enseigne qu’il sera transféré en neurologie ou en orthopédie la semaine prochaine. Il comprend ce qu’on lui dit, répond avec les yeux et se nourrit normalement, depuis qu’il a arraché sa sonde gastrique. Les médecins lui avaient enlevé la trachéo mercredi, mais des difficultés respiratoires les ont contraints à la remettre en place. Une sténose au niveau du larynx étant suspectée, un scanner a été pratiqué hier à 18:00. Lorsque ce problème sera résolu, Alexandre n’aura désormais plus de raison de rester en réanimation. Par ailleurs, des explorations ont été menées ce matin afin de savoir pourquoi il ne bouge pas son bras gauche. Je suis anxieuse d’en connaître le résultat et ne manquerai pas de vous en informer aussitôt.

Nonobstant les douleurs intenses du crâne, qu’il indique en portant la main à sa tête, il se porte aussi bien que possible. La morphine ne parvenant pas à le calmer, on y adjoint des antalgiques par voie orale ; mais hier soir les douleurs perduraient. Il était si énervé que je n’ai pu lui faire avaler son repas malgré mon insistance. Il s’est endormi sans avoir dîné.

Veuillez croire, Monsieur l’Abbé, à l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Barbara

Extrait de la lettre aux amis - mars 2010 - par l'abbé de Tanoüarn

... nous avons la douleur de savoir notre abbé Alexandre Berche à l'hôpital, après le terrible accident de voiture qu'il a eu en se rendant à Tournan en Brie pour y célébrer la messe, il y a un mois. Il est physiquement hors de danger mais se trouve dans un "coma vigile" et les moments où semble s'établir un contact avec le monde extérieur sont rares. Pour lui, pour nous qui avons été saisis par la soudaineté du drame et qu'il laisse sans son sourire et sans le secours de sa générosité et de son sens de l'organisation, pour sa famille durement éprouvée, je pense en particulier à sa mère, Barbara, qui vient le voir chaque jour, nous vous demandons encore et encore vos prières, sans doute plus nombreuses en ce Carême !

Le point sur l'abbé Berche - par Abbé Philippe Laguérie - 4 mars 2010

J'en arrive tout droit. J'ai vu l'abbé, sa maman (tous les jours à son chevet et d'une exquise gentillesse), et le médecin traitant. Alexandre est sorti du coma, c'est sûr, le médecin est formel. Mais pour excellente que soit cette nouvelle, elle est à deux tranchants. Cela signifie que les troubles existants proviennent du choc et des séquelles et non plus du coma lui-même. Mais Alexandre progresse lentement et, nous l'espérons, sûrement. Il fixe facilement de son beau regard expressif, comprend manifestement et le manifeste, bouge sur commande sa main droite, en serrant la votre ou même en saluant, tourne sa tête aussi facilement que vous et moi, tente d'articuler quelques mots. Il souffre manifestement, sans qu'on puisse dire si c'est physique ou moral, (sans doute les deux). Aucun critère qui soit alarmant. Tout peut revenir. Les médecins attendent, comme nous, qu'il articule ses premiers mots...Ce qui les aiderait beaucoup et nous avec ! Restons dans la prière, pour lui, avec lui (je suis sûr qu'il le fait). Je profite de ce message pour remercier X.A. de toutes les facilités de communications qu'il nous permet sur ce magnifique forum. Que Dieu le bénisse!

J'arrive de voir l'abbé Berche - par Abbé Philippe Laguérie - 20 février 2010

Je ne l'avais pas vu depuis plus de quinze jours, mon départ au Brésil, puis à Rome. Quel changement, tout de même, dont ne se seront pas aperçu ceux qui le visitent plus souvent. Il entend parfaitement les propos qu'on lui tient, réagit à bon nombre d'entre eux, tourne la tête vers sa mère ou moi, selon que l'un ou l'autre lui parle, de part et d'autre du lit. Quand mes propos se font vifs et concrets (notre futur séminaire, notre église au Brésil, ma visite à Rome etc.) il me fixe des yeux et semble me dire: "encore"! Quand je lui dis qu'il nous manque, que la comptabilité, sans lui, c'est le casse-tête, que nous l'attendons pour de bonnes crêpes-maison, il va même jusqu'à articuler de ses lèvres impuissantes. Car il ne peut émettre aucun son à cause de sa trachéotomie. Mais la volonté toute puissante de notre Alexandre est là, qui semble nous dire déjà ce que sa faiblesse nous masque. L'infirmière doit bien en convenir: d'un pareil choc, elle n'a vu personne se remettre aussi dru. Je prie avec lui, pour lui. Je lui donne une petite absolution au passage: après tout, s'il la voulait, la souhaitait, lui qui est dispensé de la confession. Non pas que je pense qu'il en ait besoin, mais que, sa pensée étant là et les heures sûrement si longues... Et surtout cette volonté de faire ce que je voudrais qu'on me fît.

Puis je rentre heureux, sur ma moto. Et là, les flics m'arrêtent en bas du boulevard des Gobelins, pour un banal contrôle de papiers. Je suis parfaitement en règle, mais n'ai aucun papier sur moi. Je suis parti un peu vite, voila tout. Il m'emmènent au poste. Je vais passer trois heures un quart entre les garde-à-vue de la veille et les interpellés du jour. Et je vous dis pas ce qu'ils avaient fait. Ah, elle est belle notre France. Et quand je pense qu'il y a encore des nationalistes... J'offre ça pour l'abbé et puis, tiens, je vais me coucher.

A l'hôpital - par l'abbé Guillaume de Tanoüarn - 10 février 2010

Retour de Rome, je me suis rendu au Kremlin Bicêtre pour voir l'abbé Berche. J'arrive. Il a les traits tirés, le visage blanc et il dort. Il n'ouvre pas les yeux à mon entrée dans sa chambre comme il le fait d'habitude. Je m'approche, tente de lui parler, mais n'insiste pas.

Et puis... je l'entends respirer. Je regarde le respirateur artificiel : "en veille". Et je comprends. Il respire seul maintenant et manifestement cela le fatigue un peu.

En sortant de sa chambre je tombe sur "son" infirmière, une jeune femme avenante et passionnée par ce qu'elle fait, qui m'accorde de son temps pour me parler d'Alexandre. "C'est effectivement la première fois que je débranche le respirateur, me dit-elle, manifestement heureuse et fier de son malade. Cela date de ce matin. Il est un peu fatigué, mais ça va". Je lui demande ce qu'il en est du bilan cérébral. Elle me dit que, en ce moment, on n'a pas de vrais contacts avec Alexandre et que cela serait prématuré de faire cet examen.

Sur ces entrefaites une amie d'Alexandre entre dans la chambre et va droit à son lit. A-t-il reconnu sa voix ? il ouvre les yeux, enfin, malgré sa fatigue. Elle lui demande un sourire. Je vois l'infirmière qui regarde la scène intensément, quelques pas en arrière. Et Alexandre d'esquisser le sourire demandé, non pas du bout des lèvres, mais plutôt du coin des lèvres. J'avoue que je me demandais ce qu'il en était. Mais l'infirmière confirme la joie de l'amie d'Alexandre. "Oui, il a souri, c'est indéniable". Et elle ajoute : "J'ai déjà eu ces instants de présence, mais la semaine dernière et je n'avais pas eu de sourire". Elle s'approche d'Alexandre : "Maintenant que je sais que tu fais des sourires, Alexandre, je n'ai pas fini de t'en demander".

Chers amis, la convalescence d'Alexandre va prendre du temps, mais il faut prier. C'est tout ce que nous pouvons faire ? Mais c'est beaucoup, c'est manifester notre solidarité avec Alexandre dans la communion des saints et lui être utile autant que nous le pouvons.

Une visite à l'abbé Berche ce soir - par l'abbé Guillaume de Tanoüarn - 4 février 2010

L'abbé Berche continue à avancer dans son lent retour vers le monde des vivants. Il respire de mieux en mieux. Ses opérations de réparation pour son bras et sa cheville ont bien réussi. Il ouvre les yeux de longs moment et communique avec vous en les faisant cligner. Il bouge un peu la main. Oh ce sera dur, mais je le connais, il a une volonté de fer et je sais qu'il peut surmonter bien des obstacles. Sa maman lui lit une Vie de Jésus et s'occupe merveilleusement de lui, de son confort, ne serait-ce que de la manière dont il tient sa tête. Merci de vos prières. Quelques uns de vos messages lui ont déjà été lus. Continuons lui notre soutien de toutes les manières à notre portée.


Notre Alexandre (abbé Berche)  - par l'Abbé Philippe Laguérie - 3 février 2010

Notre Alexandre ouvre les yeux depuis hier soir et manifestement nous reçoit ! Quelle joie, mes amis! Je sors à l'instant ( 3 février à 10h00) de sa chambre, où j'ai passé un bon quart d'heure à l'entretenir, renouer, prier avec lui. Ca marche! Il n'y a pas de doute, ses yeux ont retrouvé une expression, vous regarde...droit dans les yeux et clignent à chaque membre intelligible de nos phrases. Ils sont même très beaux, d'un vert que je n'avais pas considéré auparavant, pleins d'affection et de douceur et semblent vouloir vous dire tout ce que les lèvres ne peuvent encore exprimer. Après ces trois semaines d'absence, de vide même, de souffrances aussi, vous imaginez facilement ma joie. Manque encore le sourire, qui pourtant semble poindre, et bien-sûr la parole. Mais on a vraiment l'impression que ce n'est qu'une question de force physique, tandis que son âme est là, à fleur de peau...

Je n'ai aucune autorité pour crier victoire, m'y refuse et ne voudrais en aucun cas me substituer au verdict des médecins et des infirmières. Qu'ils soient d'ailleurs vivement remerciés, ici, de leur exceptionnelle compétence et dévouement. Mais avouez que, même si l'on sait en théorie la toute-puissance de la prière, il est toujours bien agréable de la vérifier. Que Dieu soit loué !

Ne nous relâchons pas. Un essai vient d'être marqué, il faut le transformer

"Alexandre a ouvert les yeux depuis hier..." - Aurore - 2 février 2010

De bonnes nouvelles à vous annoncer : Alexandre a ouvert les yeux depuis hier (le 1er février) au bout de 21 jours de coma. Je suis allée le voir aujourd'hui, il gardé les yeux ouvert pendant 1 heure, tout le temps de ma visite. Il a un "vrai regard" même s'il ne me regardait pas encore dans les yeux, un peu comme un autiste qui écoute ce qu'on lui dit mais sans encore établir de contact. Ce n'est que son 2ème jour de réveil, donc il a encore du chemin à faire, mais parmi les bonnes nouvelles, il est en "ventilation spontanée" et non plus assistée, et il n'a plus de persfusion, à part pour son alimentation. Il est donc sur la bonne voie, et soyez sûrs que nous lui disons ma mère et moi, à chaque visite, combien vous l'aimez et que vos prières l'accompagnent chaque jour vers son rétablissement. Ses yeux sont toujours aussi bleus et j'ai hâte de revoir son sourire lorsqu'il me regardera et me reconnaîtra.

Aurore, sa "p'tite soeur"(comme Alex le dit tout le temps)

L'abbé Berche cet après-midi... - par l'abbé Guillaume de Tanoüarn - vendredi 29 janvier 2010

je l'ai trouvé très présent dans son sommeil, beaucoup plus "lui" que précédemment. Je dis dans son sommeil car, par précaution, il a été resédaté pour trois semaines (environ), au terme desquelles on procèdera enfin à l'examen cérébral... Comme son coma va durer encore quelque temps, j'ai tenu à remettre à sa maman de votre part les mots que vous avez écrits en les envoyant sur la boîte courriel d'Anne Cécile (annececilefoubert@yahoo.fr), ainsi que des photos où son fils la bénit lors de sa première messe. Elle en a été touchée et heureuse. Je voudrais vous remercier du caractère très personnel de beaucoup de vos messages. Vous pouvez continuer à envoyer des messages !

M. l'abbé Alexandre Berche est dans un état stationnaire par l'abbé Philippe Laguérie - 29 janvier 2010

M. l'abbé Berche est dans un état stationnaire. Nous sommes régulièrement informés de toute évolution, même légère, de son état de santé, par son père, le professeur Berche. Nos visites répétées ne nous apprennent pas grand chose, hélas: nous prions auprès de lui, pour lui et, qui sait, avec lui ? Si nous ne donnons pas plus de précisions, c'est que la situation est totalement incertaine, critique. Le meilleur comme le pire est toujours à espérer comme à craindre.

En revanche, le zèle de tant de personnes pour "notre" Alexandre est vraiment réconfortant. Cette chaine ininterrompue de charité et de prières, en particulier des intervenants du Forum, monte vers le ciel comme un parfum d'agréable odeur...

Il nous faut sans doute attendre quelques semaines pour y voir plus clair. Mais, n'en doutez pas, toute modification significative de son état vous serait immédiatement signalée.

Un grand merci à tous pour tant de sollicitude.

Des nouvelles de l'abbé Berche - par l'abbé Guillaume de Tanoüarn - 25 janvier 2010

Notre Alexandre a surmonté l'infection et la petite embolie pulmonaire qu'il avait contractées semble-t-il à cause du respirateur artificiel. Il est très suivi. Le projet actuel est de le désédater progressivement pour que l'on puisse enfin faire un bilan de son état cérébral.

Il faut donc redoubler de prières chers amis. Il sera bientôt en état d'entendre vos messages. La messe de demain mardi à 19H00 au Centre Saint Paul sera spécialement consacrée à prier pour lui. Je crois que s'il sort de là notre Alexandre sera non seulement le bon prêtre qu'il est déjà pour ceux qui l'ont approché et qui connaissent sa charité, mais il sera un prêtre exceptionnel, revenu de l'abîme pour nous guider avec plus de force vers la Lumière.

"Notre Alexandre" - par l'abbé de Tanoüarn - 21janvier 2010

Je sais que beaucoup fréquentent ce Blog en ce moment pour avoir des nouvelles de notre abbé Berche, je remercie le pompier qui a fait partie des sauveteurs de son témoignage, surtout je remercie sa soeur de son message et lui dis que je serai heureux de la rencontrer comme j'ai été heureux l'autre soir de parler longtemps avec sa mère, qui nous fait comprendre sans paroles que quelque chose d'aussi fort qu'une vocation sacerdotale n'est jamais de l'ordre de la génération spontanée ! (suite)

Je ne veux pas... - par Abbé Guillaume de Tanoüarn - 14 janvier 2010

Je ne veux pas tomber dans une forme d'exhibitionnisme, mais ce soir tous ceux qui prient pour l'abbé Berche (on a prié au Centre Saint Paul et à Rome comme à l'Angelus) peuvent se réjouir. Je sors de l'hôpital. Il commence, lui, à sortir du coma et surtout il bouge. Lorsque il m'a entendu lui parler, lui dire que nous l'aimions et que nous l'attendions, on avait l'impression de quelqu'un qui veut se réveiller, qui bouge de tout son corps sans y parvenir. Micheline qui était avec moi peut témoigner que je ne me fais pas un film ! L'abbé Laguérie me dit qu'il est arrivé quelque chose de semblable lorsque sa maman est venue.

M. l'abbé Alexandre Berche - par l'Abbé Philippe Laguérie - 11 janvier 2010

M. l'abbé Alexandre Berche a donc subi avec succès l'opération de ses trois fractures osseuses. Le plus réjouissant est évidemment, qu'avec raison, les médecins l'aient jugé assez solide pour une telle intervention.

Sur le fond, le diagnostic prendra très longtemps. En plus du coma dû au choc de l'accident, les médecins l'ont mis pour dix jours (...) en sédation (coma artificiel) pour un repos total du cerveau. Quand ils décideront de lever ce dernier, il faudra encore attendre la fin du premier pour vérifier que les lésions sont résorbées. Pour l'heure, le cerveau est bien irrigué, la circulation satisfaisante. Sauf incident nouveau, que Dieu veuille écarter, nous n'aurons donc pas de nouvelles à vous donner avant ces échéances.

Il est par ailleurs totalement inutile (et nuisible) d'aller chercher des renseignements pas soi-même. Le père d'Alexandre est un de nos prestigieux professeurs français de médecine et se charge de la communication avec l'I.B.P.

Que cette pénible épreuve de latence soit donc mise à profit par tous nos amis pour supplier la Providence de nous restituer notre Alexandre comme nous l'aimons: avec le désarmant sourire de son enfance indéfinie...

Nouvelles de l'abbé Berche - par l'Abbé Philippe Laguérie - 10 janvier 2010

Maison Centrale:18h30. M. l'abbé Berche, accidenté ce matin, est en ce moment sur la table d'opération pour ses deux fractures à la cheville et au bras. C'est un signe encourageant: les médecins l'ont jugé apte à subir ces deux interventions malgré sa capacité respiratoire très faible. En effet, le choc cérébral qui l'a plongé dans un grave coma ainsi que l'hématome pulmonaire avaient fait chuter la tension.

C'est donc le moment de redoubler de prières pour ce valeureux prêtre, déjà tant éprouvé par le passé. J'ai pu lui donner les sacrements vers 15h00 cet après-midi. Mais la violence du choc ne nous permet pas, pour l'heure, le moindre pronostic. Que le Bon-Pasteur lui vienne en aide et le rende au ministère sacerdotal qu'il accomplissait jusque-là avec cette âme d'enfant qui le caractérise.

"Ut ope misericordiae tuae ad pristina reparetur officia" "atque Ecclesiae tuae sanctae, cum omni desiderata prosperitate, restituas"!

M. l'abbé Berche : des prières s'il vous plaît - par l'abbé de Tanoüarn - 10 janvier 2010

En allant célébrer la messe à Tournan en Brie ce matin, l'abbé Berche a eu un accident de voiture, à cause du verglas. Son état est très grave. Il est dans le coma. Nous demandons des prières à son intention.

Ce soir, à la messe et après la messe de 19 H devant le Saint Sacrement, au Centre Saint Paul, nous prierons avec tous ceux qui le souhaitent et qui le peuvent, avec tous ceux qui aiment son zèle et sa proximité avec tous, à son intention.