samedi 31 octobre 2009

Dieu ? Est-ce évident ?

Ce vendredi soir, deuxième cours sur saint Thomas d'Aquin. Cette fois, foin des généralités ! Nous entrons tout de suite dans le vif de l'article 1 de la question 2 : Dieu est-il évident ?

Les orthodoxes reprochent souvent à Thomas d'Aquin son "rationalisme" parce qu'il introduit la démonstration rationnelle jusqu'au coeur de la vie spirituelle en insistant sur le fait que l'on peut démontrer que Dieu est. En réalité, le Docteur angélique nous prend tous là où nous sommes : dans notre ignorance.

Il est vrai que nous possédons tous spontanément une certaine connaissance innée de Dieu, un désir qui ne sait pas trop ce qu'il désire (comme lorsque j'entends quelqu'un venir mais que je ne sais pas que c'est Pierre qui vient dit saint Thomas dans la réponse à la première objection). Fondamentalement, ne sachant pas CE QU'EST Dieu, nous ne pouvons pas savoir qu'il existe de manière évidente. Je m'appuie sur une question posée pour souligner que lorsque l'on pense, par exemple, que Dieu est un lieu - ce lieu qui est le TOUT - on ne réagit pas comme lorsque l'on sait, avec la révélation biblique - que Dieu est un sujet, une personne.

Mais il faut souligner que la notion d'évidence (ou chez saint Thomas qui emprunte le thème à Aristote de "proposition connue par soi") n'est pas une notion simple. Dans le Corpus de l'article, saint Thomas insiste sur la distinction entre "ce qui est connu par soi secundum se" et "ce qui est connu par soi quoad nos". Il y a une évidence subjective (sur laquelle Descartes insistera beaucoup) et une évidence objective. L'évidence subjective repose forcément sur un accès personnel à la connaissance. L'évidence objective procède du fait que le prédicat de la proposition connu par soi est contenu dans le sujet. Dieu est évident d'une évidence objective (secundum se) : on peut évidemment dire que Dieu est puisque Dieu est l'être. Mais nous qui ne connaissons pas Dieu (nous qui souvent ne savons dire que ce qui est sacré pour nous et non Dieu comme sacré ou suprême en soi), nous ne pouvons pas immédiatement établir cette identité objective entre Dieu et l'être. Cette évidence n'existe pas pour nous, même si elle existe en soi.

La meilleure preuve que cette évidence de Dieu n'existe pas pour nous, c'est que la position athée existe. Psaume 53 : "l'insensé a dit dans son coeur : il n'y a pas de Dieu". Si l'existence de Dieu était évidente pour nous, l'inexistence de Dieu ne se soutiendrait pas une seconde. C'est bien son inévidence pour nous qui permet de considérer que l'athéisme est une position tenable. Si vous voulez savoir d'où vient cette audace d'un homme du XIIIème siècle, elle provient du paragraphe consacré à l'argument d'autorité (la citation du Ps. 53). Paradoxe et souplesse de Thomas d'Aquin : il fait dériver l'existence (problématique) de l'athéisme d'un Magister dixit.

Quant à l'évidence de l'existence de Dieu, elle est plus apparente chez ceux qui connaissent Dieu, les "sapientes", ceux que l'on appelle les "sages". Peut-on scruter le mystère de l'univers sans revenir à Dieu ? "Ce qui est incompréhensible dit Einstein, c'est que le monde soit compréhensible". La connaissance est elle-même un mystère. Il y a chez tous ceux qui scrutent, chez tous les sages une certaine reconnaissance de Dieu, il ne faut pas s'en étonner. Mais comme le souligne Cajétan en faisant allusion à ce passage de la Somme théologique dans son Commentaire du chapitre 3 du Premier livre des Seconds Analytiques, la connaissance des sages, à propos de Dieu, si elle parvient à une forme d'évidence (qui faisait dire au dernier Gilson : l'athéisme est difficile) est toujours une connaissance vague, qui ne nous laisse pas savoir clairement qui est Dieu.

La Somme théologique, cet itinéraire spirituel comme disait Mgr Lefebvre, nous prend dans notre ignorance et non dans ces pseudo savoirs qui sont souvent autant de masques de Dieu, autant de signes de la migration du sacré.

Nous laissons pour la prochaine fois la très importante réponse à la deuxième objection. C'est une fenêtre ouverte sur un monde !

mercredi 28 octobre 2009

Le drame de Hans Küng

Dans Le Monde daté de demain, Hans Küng s'en prend vivement à Benoît XVI, à l'occasion de la réintégration dans l'Eglise catholique de l'ensemble de la Traditional anglican Community, réintégration qui fait réfléchir par ailleurs nombre d'anglicans qui le disent, en particulier les évêques liés au groupe Forward to the faith...

Hans Küng ne se contente pas d'énoncer son désaccord, cela serait attendu de la part d'un homme qui a été interdit d'enseignement dans les Universités catholiques par Jean Paul II. Si j'en parle sur ce Blog, c'est qu'on assiste à un véritable pétage de plomb du grand théologien. Dans ce que vient de faire Benoît XVI, rien ne trouve grâce à ses yeux, pas même la manière très libérale dont le pape accueille les prêtres mariés et accepte qu'ils restent mariés en les réordonnant."Il faudrait maintenant que des prêtres catholiques tolèrent à leur côté la présence de convertis mariés ? Faudrait-il, si l'on veut se marier, devenir d'abord anglican, puis convoler pour revenir ensuite sur ses convictions ?" Hans Küng en pétard contre le fait que les prêtres anglicans convertis seront des prêtres mariés, voilà qui est d'une réjouissante absurdité. Pas d'autre hypothèse : le parangon du progressisme a pété les plombs.

Qu'est-ce qui est en jeu dans ce pétage de plomb ? De quoi est-ce le symptôme?

Je crois qu'il y a deux explications.

La première : le progressisme est mort. Je l'avais écrit dès 1995, dans Certitudes, en constatant que le départ de Mgr Gaillot ne faisait que 10 000 personnes dans les rues d'Evreux son évêché d'origine et que la plupart d'entre elles étaient agitées par le PCF, voire par des structures d'ultra-gauche. Je compris alors d'un coup : Gaillot n'a pas de troupe. Le progressisme ne mobilise plus. Rome peut impunément destituer un évêque culte. La gauche s'agite un peu et on passe à autre chose. Aujourd'hui si Hans Küng pète les plomb, c'est parce qu'il se rend compte qu'il n'a plus aucune prise sur la marche du temps de l'Eglise. Les problématiques changent. L'oecuménisme n'a plus le même sens. Il fonctionne, il remporte des succès, mais pas ceux que Hans Küng escomptait...

La seconde : la seule chose qui marche dans l'Eglise aujourd'hui, qu'on le veuille ou non, c'est ce que Hans Küng appelle dédaigneusement l'Imperium romain. Le théologien appelait de ses voeux ce qu'il nomme encore aujourd'hui un Commonwealth catholique, au sein duquel le pape aurait joué le rôle de... Sa Gracieuse Majesté. Il est contraint par l'événement. La papauté attire. On le sait depuis Jean Paul II, depuis les JMJ... Mais Jean Paul II, pape de transition, jouait son rôle sur la scène du monde. Benoît XVI, qui n'est pas aussi médiatique, le remplit en fin politique. Il a souci de poser des actes, qui feront sortir l'Eglise du bourbier des années Soixante Dix.

Le seul réflexe de Hans Küng, face à cette donne qui change : le pape pratique la politique de "Hypertraditionalistes de tous les pays unissez-vous".

C'est là la dernière carte de Hans Küng, le méchant jeu, le jeu si peu chrétien de la diabolisation. Comme l'écrit un lecteur du Monde en ligne : "ça sent à plein nez le règlement de compte". Il y a trente ans, Hans Küng vivait sur la double légitimité de son savoir présumé et de son christianisme revendiqué contre l'Imperium romain. Aujourd'hui, face à l'évolution de la situation, son savoir, tellement ciblé, est impuissant. Quant à son christianisme... le moins que l'on puisse dire est que, dans ce long texte, il n'apparaît pas. Oui, décidément, le progressisme est mort. Il faut en tirer les conséquences.

mardi 27 octobre 2009

[conf'] mardi 27 Octobre 2009 à 20 heures - «Les religions mènent-elles à la guerre et à la violence?»

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 27 Octobre 2009 à 20 heures - « Les religions mènent-elles à la guerre et à la violence ? » - Commentaire du livre de William Cavanaugh, « Le mythe de la violence religieuse » - par l’Abbé Guillaume de TANOÜARN - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

samedi 24 octobre 2009

Dépêches d'agence & colossales finesses

Une agence de presse n'est pas forcément neutre. Le choix des sujets, l'emploi de certains mots, la parole donnée aux uns plutôt qu'aux autres... les dépêches aussi forment l'opinion. Tout de même, l'exercice est limité et ne permet pas la diatribe - il faut alors ruser. C'est ce que pense devoir faire l'Agence APIC (Agence de Presse Internationale Catholique - en Suisse) depuis deux semaines, en rajoutant un sous-titre bielleux quand elle traite du traditionalisme écônien:
"Ouverture le 26 octobre du dialogue doctrinal entre Rome et la Fraternité Saint-Pie X
Des années voire un siècle de discussions?"
(23 octobre 2009)
"Mgr Fellay célèbrera la messe à Lourdes.
L’intégrisme reprend ses droits partout, pas seulement dans l’islam."
(19 octobre 2009)
"Ecône: Les discussions avec le Vatican vont prendre du temps
Pour Mgr Fellay, la seule solution est un 'retour au passé'"
(12 octobre 2009)
Tout de même, ça doit être terrible de ne pas pouvoir se lâcher, quand on ne se tient plus.

Semetipsum communique...

Le complot - par Semetipsum

On nous l’a répété : si le monde déraille
C’est qu’un complot, ourdi par des maîtres cachés,
Depuis deux siècles au moins que ces êtres ferraillent,
Nous mine du dedans et nous pousse au péché.

« C’est vraiment ridicule de croire à ces sornettes
Et de voir en nos maux une cause secrète ! »
Je n’en suis pas très sûr ; Des papes nous l’on dit
Et la Vierge parfois l’avait même prédit.

Pourquoi vouloir nier intrigues et complots
Allant de la magouille, à la machination,
Manigance ou abus, parfois conspiration,
Voire conjuration ? A-t-on peur de ces mots ?

De là à expliquer les crimes de l’histoire
Ce qu’on ne comprend pas, les défaites et les gloires
Par un complot géant qu’on nous cache à dessein…
Seul celui de Satan y pourvoira sans fin.

Mais le complot de Dieu est bien plus redoutable,
Lui qui cache aux savants Sa face toute aimable.
Nul ne connaît le Père si ce n’est par son Fils
Et le Fils le révèle aux faibles et aux petits.

21/10/2009

vendredi 23 octobre 2009

Premier cours...

Premier cours d'une nouvelle série, Clés pour la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin ce soir, vendredi, devant une salle comble, une petite trentaine d'auditeurs. Dans ce cours je souhaite introduire chacun à la pratique personnelle de la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin (dont je rappelle qu'elle est disponible pour tous sur Internet, par exemple sur le site Salve Regina). Je donnerai chaque semaine sur le Metablog un petit résumé du cours, qui permettra aux absents de se tenir au courant. Méthode de ce cours : c'est en forgeant qu'on devient forgeron. Nous lisons ensemble un article clé de la Somme théologique.

J'ai d'abord dit quelques mots sur la spécificité de Thomas, docteur commun, qui ne rentre jamais dans les polémiques et cultive l'évidence de ses démonstrations. Et cela ne serait-ce que dans l'admirable langue latine qu'il parle. Citation de Remy de Gourmont, esthète fin de siècle à la foi pour le moins clignotante : "Saint Thomas d'Aquin est toujours d'un égal génie et son génie est fait de force et de certitude, de sécurité et de précision. Tout ce qu'il veut dire, il l'affirme, et avec une telle sonorité verbale que le doute apeuré fuit".

Cajétan, lui, fait le contraire. il semble payé pour chercher des poux dans la tête du saint, dont il est un peu le poil à gratter, comme il le reconnaît dès la première ligne de son commentaire : face à Thomas qui, dans son Prologue, se veut le docteur des débutants et le pédagogue efficace, lui, Cajétan, entend être celui qui pose les questions qui fâchent : "Mon intention diffère du tout au tout de celle du divin Thomas".

Bref le maître et le disciple se complètent bien. Et l'un et l'autre ont une pensée plus dialectique et questionnante que démonstrative.

Dans le premier article, Thomas montre la spécificité de cette "science nouvelle" qu'est la théologie, qui a pour origine non pas la raison humaine, mais le livre (ta biblia) dans lequel Dieu se fait connaître. Cette nouvelle connaissance produit en nous une nouvelle liberté, une nouvelle vie, un nouvel élan, que Cajétan dans son Commentaire, appelle par son nom : le surnaturel, cette extension du domine du réel, à laquelle on accède par la foi dans la charité.

C'est cette connaissance nouvelle qui nous ouvre un nouveau monde, dans lequel nous pouvons dire sans trembler, non pas : l'homme est un être pour la mort, comme le déclare Heidegger. Mais l'homme est ordonné à Dieu comme à sa fin.

Le surnaturel n'est ni une expérience intérieur ni un étage qui vient s'ajouter arbitrairement à notre rez-de chaussée si près du sol. Il se définit comme cette extension du domaine du réel qui ouvre sur la Lumière de la vie éternelle.

Prochain rendez-vous pour ce cours : [au Centre Saint Paul] vendredi prochain à 20H00

Merci

Je garderai longtemps le souvenir de la soirée d'hier, du magnifique sermon que l'abbé Laguérie a prononcé à Sainte Odile pour mon vingtième anniversaire de sacerdoce, des chants qui ont bercé notre recueillement au cours de la messe et surtout de cette chaîne d'amitié qui ne se dément pas qui semble même se resserrer et augmenter en intensité et en diversité, cette chaîne qui a tout rendu possible, depuis ces dévouements en première ligne jusqu'à ces services efficaces mais obscurément rendus. Dans le vocabulaire limité des mots qui me font du gringue, dans la langue française j'aime : élan ! Et je revois cet élan, si simple qui a réuni, ce soir-là, des gens si différents dans le même amour de la liturgie sacrée et dans la même amitié. Dieu ne fait rien en vain. Vous êtes venus nombreux, plus nombreux que je n'aurais osé l'imaginer. Votre présence a été pour moi un signe. Elle sera peut-être aussi le signal de quelque chose de nouveau à Paris.


23 octobre - L'abbé Guillaume de Tanoüarn sur Radio Courtoisie (1200/1330)

Le vendredi 23 octobre 2009 aura lieu Le Libre journal de l’Identité (de 12h00 à 13h30) sur Radio Courtoisie, dirigé exceptionnellementpar Arnaud Guyot-Jeannin. François Bousquet, directeur du Choc du mois viendra parler notamment du nouveau numéro à paraître. Quant à l’abbé Guillaume de Tanoüarn, directeur de la revue Respublica christiana ainsi que du centre culturel Saint-Paul, il évoquera son nouveau livre consacré à Cajétan, Le personnalisme intégral (Cerf). Thème : Cajétan : Le divulgateur d’une nouvelle anthropologie identitaire. Pierre Millan tiendra sa chronique mensuelle. Rediffusion le même jour à 16h00 et à 00h00.
source

mercredi 21 octobre 2009

[Lettre à nos Amis] La rentrée du Centre Saint-Paul s’accomplit pour la cinquième fois...

Lettre à nos Amis n°15 - Octobre 2009

Chers Amis,

La rentrée du Centre Saint-Paul s’accomplit pour la cinquième fois cette année. En bon ordre. Nous accueillons un hôte de marque, puisque l’Abbé Laguérie, Supérieur général, réside désormais au 2ème étage de la rue Saint-Joseph, et célèbre chaque dimanche la grand-messe de 11H00. Les Conférences du Mardi, les cours de Latin et de Grec se mettent en place. Nouveauté : le cours de Catéchisme pour Adultes est assuré cette année par l’Abbé Laguérie en personne. Quant à moi, je propose pour la première fois un cours d’Introduction à la Somme théologique où je mets en rapport, au fil des textes-clés, saint Thomas d’Aquin et Cajétan, son Commentateur.

Oh ! Bien sûr, le Centre Saint-Paul n’a pas encore fait exploser ses murs. La chapelle continue de mesurer 100 m2 ; les messes se succèdent ; le dimanche, le Centre ne désemplit pas. Mais cette situation reste bien « précaire », selon le mot employé par le nouveau responsable de la Commission Ecclesia Dei, Mgr Pozzo, que nous avons rencontré à Rome le 29 septembre dernier, l’Abbé Laguérie, l’Abbé Héry et moi-même. Alors ? Rien de changé apparemment ? Il y a pourtant quelques petits signes d’un réchauffement climatique. Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais cette entrevue à Rome, au cours de laquelle nous avons pu parler avec beaucoup de franchise au Cardinal Levada, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et désormais responsable devant Benoît XVI du dossier « Traditionalistes », nous confirme dans l’idée que les choses bougent et qu’au plus haut niveau dans l’Eglise, on entend bien respecter et faire respecter le charisme propre des traditionalistes, ce rite, dont le Pape a déclaré à plusieurs reprises qu’il devait être considéré « à égalité de droit » avec le rite rénové.

Autre « petit signe », qui me touche personnellement celui-là : l’Archevêque de Paris, Mgr André Vingt-Trois accepte de mettre à ma disposition l’église Sainte-Odile à Paris, pour que je puisse célébrer une messe d’action de grâces à l’occasion du vingtième anniversaire de mon ordination sacerdotale. Avec Mgr Rechain, curé de Sainte-Odile, nous avons retenu la date du jeudi 22 octobre. La messe anniversaire aura lieu ce soir-là, à 19H30. Je serais heureux que vous puissiez venir nombreux pour cette circonstance.

Oh ! Certes, cet anniversaire est personnel et je voudrais remercier Dieu de tous les signes qu’Il m’a fait de Sa présence durant ces vingt ans, signes que je suis souvent le seul à avoir pu reconnaître mais dont la permanence m’émeut. Dieu n’est pas un amant inconstant ! C’est notre force à nous, prêtres, de l’expéri­menter souvent : « Les choix de Dieu sont sans repentance ».

Mais en même temps, parce que comme prêtre j’ai été « ordonné » aux fidèles, mon sacerdoce n’a pas d’autre raison d’être que vous, chers Amis proches ou plus lointains. Un reli­gieux se consacre à Dieu en recherchant d’abord sa perfection personnelle. Un prêtre est consacré à Dieu à cause des fidèles.

Je me permets donc très simplement de vous dire que j’ai besoin de vos prières et qu’en particulier, dans les circonstances présentes, avec cette « précarité » qu’évoquait Mgr Pozzo lui-même, votre présence ce 22 octobre au soir à Sainte-Odile, cons­tituera un grand soutien pour tous les prêtres de l’Institut du Bon Pasteur qui m’entourent à Paris. Je vous donne donc rendez-vous [le 22 octobre], en vous remerciant à l’avance de votre réponse.

Que Dieu vous bénisse !

Abbé Guillaume de Tanoüarn +

Plus réactif tu meurs !

Ce soir, avec Daniel Hamiche, responsable du Blog americatho (allez-y voir), nous devions parler des États Unis. Mais Daniel est journaliste avant tout. L'événement prime toujours sur le frigo ! Ce soir oubliés les États Unis et leurs piteux épiscopaliens, nous avons parlé des anglicans et en particulier de ceux de la Traditional Anglican Community (la TAC) qui, à partir d'aujourd'hui deviennent... catholiques à part entière. Ils sont quand même 400 000 (environ) dans le monde. Une Constitution apostolique leur est promise. Ils passent avec armes et bagages dans l'Eglise catholique après que chacun de leurs évêques ait signé, sur l'autel, le Catéchisme de l'Eglise Catholique, reconnaissant et faisant sien tous les enseignements qui s'y trouvent. Leurs prêtres seront réordonnés et pourront rester mariés. Leurs évêques devront rester célibataires etc.

Je vous avoue que, ce soir, je retranscris tout cela de mémoire et que je crains de déformer les propos si clairs et si précis du camarade Hamiche, qui tout à l'heure était dans une verve étourdissante (vous savez ce petit piquant rhétorique dont vous ne savez pas d'où il vient mais qui vous touche au cœur, avec, au décochez moi ça, la formule qui frappe juste).

En tout cas, une fois de plus Rome ouvre grandes ses portes. Il y a les 400 000 fidèles de la TAC, mais il y a tous les autres, qui sont plus ou moins en délicatesse avec le laxisme de l'actuel primat de l'Eglise d'Angleterre. Et puis si l'on regarde bien, il y a les orthodoxes, avec lesquels les relations ont davantage progressé en trois ans (voir les accords de Ravenne, malgré l'absence des Russes pour des raisons de querelles intra-orthodoxes) qu'en... 1000 ! Et puis bien sûr il y a les traditionalistes et la bisbille qui dure depuis 40 ans (40 ans seulement...) Pour tous ceux qui discutent avec Rome cet événement est un signe fort.

En effet, Rome a trouvé un moyen juridique d'intégrer tout le monde sans faire de mécontents. La structure envisagée est celle d'un ordinariat (comme il existe en France un ordinariat aux armées). L'ordinaire n'a pratiquement pas de comptes a rendre aux évêques territoriaux chez lesquels il s'installe. Une courtoisie nécessaire. Rien d'autre. Aux grands moments de l'histoire de l'Église (je pense en particulier au Xème et au XIIIème siècle) la machine ecclésiale est repartie avec des moines ou des religieux exempts. A Paris la querelle entre Thomas d'Aquin et Guillaume de Saint Amour (représentant de l'évêque Etienne Tempier, celui là même qui condamnera Thomas trois ans après sa mort en 1277) était redoutable. Un vrai combat de coq, dont nous avons encore les traces écrites. Mais les dominicains étaient et sont restés longtemps, au nom du pape, exempts de la juridiction de l'évêque. Le clergé de la TAC, regroupé dans cinq ordinariats, sera un clergé indépendant... Le coup est fumant.

Reste une question : la conférence de presse, convoquée en catimini ce matin à 11 H à Rome était tenue par... le cardinal Levada, préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, et par Mgr di Noia, ancien de la même Congrégation et actuel n°2 au Culte divin. il y avait un absent de marque, le cardinal Kasper, responsable de la Commission pontificale pour l'Unité des chrétiens. Il était à... Chypres ce matin. Que diable allait-il faire dans cette galère chypriote ?

Il faut bien reconnaître que l'œcuménisme à l'ancienne, celui qui consiste à accorder plus de poids à ce qui nous unit qu'à ce qui nous divise, sans jamais penser ou parler d'un retour des brebis égarés au Bercail catholique, cet œcuménisme-là, celui du cardinal Kasper, a bel et bien fait long feu. Les pétards de cet œcuménisme de l'embrassons-nous Folleville (formule hamichienne brevetée !) ont pu effrayer un moment. Ce sont des pétard mouillés. La vieille pétoire de l'œcuménisme relativiste (celui qui consistait à chercher le plus petit commun dénominateur entre "les" Églises, comme si le Christ en avait fondé plusieurs) cette pétoire-là ne fait plus peur à personne.

Aujourd'hui, lorsque l'œcuménisme enregistre des succès, c'est toujours (horresco referens) l'œcuménisme dit du retour, celui qui consiste à appeler un chat un chat, un hérétique un hérétique, un schismatique un schismatique et un catholique, si éloigné juridiquement soit-il du cœur de sa Mère l'Église... un catholique de plein droit.

mardi 20 octobre 2009

[conf'] mardi 20 Octobre 2009 à 20 heures - « Les catholiques américains, un modèle de chrétienté pour aujourd’hui ? »

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 20 Octobre 2009 à 20 heures - « Les catholiques américains, un modèle de chrétienté pour aujourd’hui ? »- par Daniel HAMICHE - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

dimanche 18 octobre 2009

"Saluto inoltre i partecipanti..."

'Saluto inoltre i partecipanti al convegno sul Motu proprio Summorum Pontificum, svoltosi in questi giorni a Roma...' - C'est bref, mais enfin, cela vaut d'être noté: Benoît XVI a tenu à saluer, lors de l'Angelus d'aujourd'hui, les participants au congrès sur le Motu Proprio Summorum Pontificum.

Curieux témoignage de Marsile Ficin

Le personnage est un platonicien qui traduit en latin Platon et Plotin. Dans son De christiana religione (1474), Marsile Ficin écrit ceci :
"Toutes les opinions des hommes changent, toutes leurs réactions changent, toutes leurs coutumes changent - sauf la religion".
Au fond, lorsqu'on change la religion, on la tue.

Il n'y a eu qu'un seul véritable changement religieux dans l'histoire de l'humanité, celui opéré par le Christ, qui change le sens du sacrifice et remplace le sacrifice de l'autre (le bouc émissaire qui a toujours tort) par le sacrifice de soi, en offrant son propre sacrifice.

Mais ce changement lui-même, qui nous vient d'ailleurs, qui représente une magnifique initiative divine, on ne peut l'établir comme changement qu'en en manifestant, aujourd'hui, le caractère profondément traditionnel. Le paradoxe de la nouveauté chrétienne, qui est toujours plus nouvelle (ou plus choquante) que jamais, c'est qu'elle doit s'inscrire dans sa propre transmission, c'est qu'elle doit s'identifier à sa Tradition pour apparaître comme tranchant avec tout ce qui est humain.

La "folie de la prédication" dont parle saint Paul aux Corinthiens n'apparaît vraiment comme folle (c'est-à-dire comme absolument neuve) que lorsqu'elle refuse de se laisser influencer par la mode du moment pour rester fidèle à sa permanente altérité, dans la référence toujours vivante à sa propre tradition, à la transmission qui l'a apportée jusqu'à nous.

Toute religion est traditionnelle et ne change pas dit Marsile Ficin, parce que la religion s'adresse au plus profond au plus intime au plus invariable du cœur humain. Mais la religion chrétienne, celle qui, voici 2000 ans, a inversé les signes et opéré une transvaluation universelle est traditionnelle à ce deuxième titre : si elle n'est pas fidèle à elle-même et à cette transvaluation primale qui est l'Évangile (à cette glorieuse mutation des sacrifices dont je parlais plus haut), sa nouveauté disparaît... Son attrait s'éteint. Son pouvoir de séduction n'est plus qu'un (vague) souvenir...

vendredi 16 octobre 2009

"Ce que veut Rome" et "Dialogues avec Rome" - deux textes de Claire Thomas

Le MetaBlog se fait l'écho de deux textes de Claire Thomas, qu'elle a publiés sur le blog de Monde&Vie:
Ce que veut Rome
Claire Thomas - Monde&Vie - vendredi 16 octobre 2009

Alors que la première séance de débats doctrinaux aura lieu le 26 octobre, après avoir exhorté la FSSPX à la clarté dans un post précédent, on peut se demander ce que cherche Rome de son côté.

Parfaitement informés, connaissant personnellement les principaux protagonistes de la mouvance traditionnelle, sachant combien une part importante d'entre eux est peu encline à des accords, aussi bien dans l'ordre doctrinal que dans l'ordre pratique, les prélats vaticans, sous l'autorité patiente et intelligente de Benoît XVI, ne partent pas à l'aventure dans ce genre de négociations. Les experts, côté Vatican, ont été très rapidement nommés. La presse a été prévenue et les autorités romaines se réservent de diffuser un communiqué de presse après chaque séance.

On peut penser que l'affaire Williamson a définitivement contraint le pape à la transparence la plus totale dans cette affaire, la mouvance "progressiste" gardant toujours un oeil sur tout ce qui peut mener à un rapprochement. Reconnaissons que la période Castrillon, celle de la diplomatie secrète, est passée. On peut ajouter à cette analyse des circonstances que c'est l'intérêt du Vatican de publier le résultat de débats, dont elle énonce l'ordre du jour (le thème des débats du 26 a déjà été retenu... par Rome) et dont elle programme le dénouement.Dénouement à long terme dans des négociations prêtes à s'ensabler ? C'est ce qu'aimerait Mgr Fellay, qui a annoncé le probable ensablement des débats. Mais quand on regarde l'affaire de près, rien n'est moins sûr. Benoît XVI qui a ouvert le dossier à la face de l'Eglise souhaite certainement le refermer lui-même. Il ne dispose pas forcément de beaucoup de temps... Et la culture de l'indétermination n'est gère dans le caractère de celui que ses ennemis n'ont pas surnommé pour rien le Panzer Kardinal.

Où donc Rome veut-elle aller ?

Ce genre de dialogue n'est pas une première pour les autorités romaines. L'accord différencié avec les luthériens, qui a donné lieu à des rencontres multiples, orchestrées, côté Rome par un certain cardinal Ratzinger, peut représenter ce que cette méthode éprouvée est capable de produire de plus irénique. Un texte précis comme une horloge, qui permet aux uns et aux autres de comprendre pourquoi l'accord était possible et pourquoi il n'a pas eu lieu.

Le père Morerod, dominicain, a fait la théorie de ce genre de débat dans un livre paru en juin 2005, qui, sous le titre prémonitoire en quelque sorte Tradition et unité des chrétiens, entend placer "le dogme comme condition de possibilité de l'oecuménisme". Les années 60 ont été les années du grand dégivrage, où l'on a cultivé les formules floues pour faire croire à la possibilité d'un accord entre chrétiens qui se ferait au-dessus du dogme, dans la sphère fuligineuse d'une charité de commande. Il fallait "faire évoluer les positions des uns et des autres de quelques centimètres", comme disait le Père Congar. Dans la conclusion d'un autre ouvrage, oecuménisme et philosophie, le Père Morerod est particulièrement clair : "Dans un premier temps, [il y a 50 ans] l'accent a été mis sur la recherche des points communs entre chrétiens. (...) Le dialogue a commencé, depuis un quart de siècle, à développer la recherche des différences, voire "des différences fondamentales". (...) Une fois admis le désir d'unité, la recherche des différences devient un instrument nécessaire au service de l'unité. Comment pourrait-on surmonter des différences que l'on ne connaît pas ? Identifier les différences fournit la carte du voyage oecuménique, une liste des points à surmonter sur la route vers l'unité".

Il me semble que c'est cette méthode que le Père Morerod entend appliquer aux traditionalistes : découvrir les vrais points de rupture, pour voir à quelle échéance l'unité est réalisable. D'après quelques fuites autorisées, le premier sujet de débat sera : le pape peut-il donner une nourriture empoisonnée à ses fidèles ? Le sujet est donc d'emblée l'indéfectibilité de l'Eglise. Que de nuances en perspective, si l'on veut un vrai débat...

Il me semble encore, je l'ai écrit dans le post précédent, que cette méthode toute de clarté et de rupture, était aussi la méthode utilisée par les dominicains d'Avrillé au cours des Symposiums qui ont marqué, entre 2002 et 2005, le quarantième anniversaire du Concile. Cette clarté, que cultive le Père Morerod dans son oeuvre de théologien, est la condition de possibilité d'un accord véritable. Ce n'est pas en cachant l'objet du débat que l'on parviendra à faire avancer la longue contestation inaugurée, avec quelle clairvoyance, par Mgr Lefebvre lui-même dans l'aula conciliaire. Et lorsqu'il envoya à Rome ses "Questions" (dubia) sur la liberté religieuse, le fondateur de la Fraternité Saint Pie X montrait la voie à ses disciples d'aujourd'hui.

La vraie question qui plane autour de ces débats peut surprendre. Je la pose néanmoins : pourquoi la FSSPX ne reprendrait pas la méthode du Père Morerod au Père Morerod. Tout le monde aurait tout à y gagner.

Claire Thomas

Un peu plus tôt Claire Thomas publiait un premier texte:
Dialogues avec Rome, une clarification en vue pour le 26 octobre ?
Claire Thomas - Monde&Vie - vendredi 16 octobre 2009

Ca y est... Mgr Fellay a rendu publique la liste des dialogueurs de la Fraternité Saint Pie X, qui circulait depuis quelques semaines de bouches à oreilles. Je n'ai pas pu l'écrire sur papier, dans la dernière livraison, par manque de preuve tangible, mais l'espace Internet me donne la possibilité de commenter cette nouvelle immédiatement. Bénit soit le Blog de Monde et Vie.

Je crois que ce tiercé de théologiens désignés donne l'orientation des dialogues voulus par Mgr Fellay. Si on cite ses propres paroles, on se trouve conforté dans l'impression que donne l'énumération officielle de ces trois noms : le but des dialogues, du côté des Alpes suisses, apparaît clairement. Il faut faire en sorte que "Rome" revienne à la Tradition. Dans une interview récente à Tradition, le périodique de la FSSPX en Afrique du Sud, le supérieur de la Fraternité Saint pie X s'exprime sans ambiguïté :

"Le but que l’on cherche à atteindre avec ces discussions doctrinales est une importante clarification dans l’enseignement de l’Église ces dernières années. En effet, la Fraternité St Pie X, à la suite de son fondateur, Mgr Lefebvre, a de sérieuses objections au sujet du Concile Vatican II. Et nous espérons que les discussions vont permettre de dissiper les erreurs ou les graves ambiguïtés qui depuis lors ont été répandues à pleines mains dans l’Église catholique, comme l’a reconnu Jean-Paul II lui-même".

La mission reçue par les trois théologiens élus est simple : ramener "Rome" à sa Tradition. Mgr Fellay cite Jean Paul II, mais il est mort. De l'oeuvre formidable de Benoît XVI, il n'est pas question : ni le discours du 22 décembre 2005, qui passe le concile Vatican II au sanibroyeur de l'interprétation (que l'on appelle herméneutique quand on veut avoir l'air au courant), ni, passant par dessus la collégialité des évêques, la formidable déclaration de liberté du Rite traditionnel (ou : Motu proprio de 2007) ne se trouvent rappelés par Mgr Fellay.

Vous me direz peut-être : "Mais, Mgr Fellay ne peut pas tout dire ! Ces deux actes fondateurs, il y pense". - Je vous avoue que cela m'aurait semblé important qu'il nous le dise, qu'il y pense. Oh ! A plusieurs reprises, on a pu constater sa souplesse. Cette souplesse est aussi celle de l'abbé de La Rocque, pétulant théologien qui, dans un petit livre bleu, remit naguère sans beaucoup d'arguments, la réforme liturgique en question. Mais il ne me semble pas que ce terme - souplesse - puisse caractériser valablement ni l'abbé de Jorna, ni l'abbé Gleize. Mgr Fellay cherche-t-il l'équilibre dans le contraste ? Sans doute... Mais cette démarche est périlleuse. Il faut s'appeler Hegel pour y croire...

Prenons un exemple : la liberté religieuse. Dans Le Nouvelliste du Valais, à la fin de l'été - je laisse mes lecteurs faire la recherche, je suis sûr qu'ils retrouveront ce texte, je prends l'avion demain matin et le temps me manque - Mgr Fellay nous assénait que, dans le cas d'une société plurireligieuse, c'est l'Etat qui, au nom de la tolérance, devait servir d'arbitre... Il poussait le bouchon très loin ! Je ne suis pas certaine que l'abbé de Jorna estime que la clarification à laquelle le supérieur de la FSSPX appelle tout le monde passe par là. Je pense, en revanche, que cette mise au point du Supérieur de la FSSPX convient parfaitement ("trop même" comme je disais en Afrique et comme disent les jeunes) à ses interlocuteurs romains. Mais quid des théologiens qu'il a lui-même désignés ? Une telle déclaration leur convient-elle ?

La clarification naîtra-t-elle du choc des arguments ? Le Père Morerod, responsable romain des dialogues, a écrit plusieurs livres sur le dialogue interreligieux, dans lesquels il soutient cette idée. J'aimerais penser qu'il a raison, mais je n'y crois guère. Si les discussions ont lieu sans publicité, elles resteront obscures.

Si l'on cherche la clarification, il me semble que la FSSPX, vaisseau amiral de la flotille traditionaliste dans l'Eglise, s'honorerait en publiant un syllabus de ses arguments, que tout le monde puisse consulter et qui permette de soustraire la discussion aux problèmes personnels des uns et des autres. Il y a eu, à Paris, en 2002, 2003 et jusqu'à 2005 je crois, à l'Institut Saint Pie X, de très remarquables Symposiums sur Vatican II, au sein desquels les dominicains d'Avrillé eurent un rôle prépondérant et dans lesquels des "déclarations finales" permettaient de synthétiser clairement le propos des participants. Pourquoi ne pas se servir de ce travail pour "clarifier" le débat, selon le voeu de Mgr Fellay ? Pourquoi ne pas demander à Mgr Fellay lui-même une synthèse de ses arguments ?

L'enjeu est décisif. La première séance est annoncée pour le 26 octobre. Je ne suis qu'une faible femme et je n'ai rien à dire. Je vais me taire. Mais je prie pour la clarté, oui, c'est trop grave, il s'agit de nos enfants, je prie pour la transparence de ces débats. Vous aussi ?

Claire Thomas

jeudi 15 octobre 2009

Le 22 octobre...

J'aurais plaisir à vous retrouver, chers amis, lors de la messe que je célèbrerai à l'église Sainte-Odile (Porte Champerret) jeudi prochain, le 22 octobre à 19 H 30 à l'occasion de mes vingt ans de sacerdoce.
A l'issue de la cérémonie, un cocktail aura lieu dans la crypte.

De l'empire à l'impérialisme...

Conférence ébourifante de Guillaume Bernard au Centre Saint Paul l'autre mardi. Elle commence piano. Un plan chronologique qui nous fait remonter ab urbe condita : 753. Avant Jésus-Christ bien sûr puisqu'il s'agit de la date de la fondation mythologique de Rome.

L'objet du conférencier : nous montrer la prégnance de l'idée d'empire... et aussi son évolution. Montrer comment l'Eglise soutient l'Empire puis s'en écarte. Montrer comment l'Empire chrétien, fondé sur l'idée chrétienne du service ou du ministère (l'empereur au service de la chrétienté) va évoluer sous l'influence du volontarisme moderne pour se transformer en impérialisme. L'empire figure tutélaire faisant régner partout la paix temporelle et spirituelle devient une figure honnie, correspondant à une volonté politique sans limite (Napoléon, le projet bismarkien et le IIème Reich), qui ne sait plus se formuler que comme un impérialisme.

Sous jacente à cette évolution politique dramatique pour l'Occident (1 million de morts durant les guerres de Napoléon, le spectre de la Guerre régnant sur l'Europe depuis Sadowa et la victoire prussienne sur l'Autriche en 1866, prélude à Sedan en 1870), la question brûlante de l'identité. Existe-t-il une identité que nous pouvons servir, qui est plus grande que nous, qui nous impose le respect et exige qu'honneur lui soit rendu, existe-t-il une identité concrète (non phantasmée) que nous devions servir, ou bien sommes nous à notre propre service, dans une logique d'autocomplaisance qui sera littéralement sans limite ?

Empire ou impérialisme ? Premier Reich ou... Deuxième... et Troisième Reich ?

mardi 13 octobre 2009

[conf'] mardi 13 Octobre 2009 à 20 heures - «L’Eglise et l’Empire, pour ou contre le gouvernement mondial?»

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 13 Octobre 2009 à 20 heures - « L’Eglise et l’Empire, pour ou contre le gouvernement mondial ? » - par Guillaume BERNARD - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

dimanche 11 octobre 2009

[Abbé Philippe Laguérie] Discussions doctrinales : qu’en attendre ?

Le supérieur de l'IBP, l'abbé Philippe Laguérie, écrit sur son blog:
Il ne s’agit aucunement de jouer les madame Soleil, encore moins de pré-juger des conséquences probables des divers scenarii possibles. Mais à la veille de l’ouverture des discussions doctrinales entre les représentants de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et ceux de la Fraternité Saint-Pie X, il est loisible et même souhaitable de s’arrêter une minute pour savoir ce qu’on peut en attendre. En soi, et compte tenu des circonstances connues. Parce que, toujours, le pessimisme entrave et que l’optimisme déçoit, toujours. Cela pourra nous éviter la fureur de déceptions prévisibles comme l’euphorie de succès éphémères. Et puis, cela concerne toute l’Eglise et pas seulement les protagonistes.

Ces discussions doctrinales sont, en elles-même, une chose excellente. Il en sortira certainement une certaine clarification et ce, surtout, en cas de désaccords irréductibles constatés. A moins "qu’on nous cache tout et qu’on nous dise rien", on devrait apprendre mille et une chose toutes intéressantes. La liberté religieuse définie aux premières lignes de "Dignitatis Humanae" est-elle un droit naturel ou un droit civil ou les deux ou ni l’un ni l’autre ? La médiation universelle de la conscience fonctionne-elle de même manière en matière de Foi et de Révélation qu’en matière morale ? L’ Eglise du Christ décrite au chapitre 1 de "Lumen Gentium" est-elle adéquate au Peuple de Dieu décrit au chapitre 2 ? (J’ai posé la question à une dizaine d’évêques catholiques : un seul m’a répondu. Il disait que oui, les autres ne savaient pas). Puisque "Jésus-Christ s’est uni, en quelque sorte, à tout homme par le mystère de l’Incarnation" (idem), quelle est cette union ? Existe-t-elle, d’abord ? Ce "En quelque sorte" recouvre quoi au juste ? Est-ce par l’acception du mot "nature" par l’universel abstrait ou par l’étant concret des substances ? Si oui, est-elle extensible à l’ordre de la grâce ? Faudra-t-il recourir à une lecture en parti-double et aux prodiges de l’analogie de proportionnalité propre pour proposer une réception à deux vitesses de cette formidable affirmation ? N’est-elle, au fond, qu’une admirable poétique qui aura anticipé, un peu iréniquement il est vrai, l’oméga sur l’alpha, Le Christ cosmique sur le Christ historique, dans un plérôme plus teilhardien que paulinien ? En quoi consiste l’unité spirituelle du genre humain ? Dans la puissance ? Dans l’acte ? Les damnés comme les élus y ont-ils équivalemment leur part ? Les semences du Verbe sont-elles universelles et, si oui, (ce que je crois peut-être à tort) comment les authentifier, qui pour le faire ? Etc.

Avouez que ce sont là des questions passionnantes, du plus haut intérêt tant spéculatif que, malheureusement, pratique. Il faudra bien, pour que ces échanges ne soient pas de pures "disputationes" élégantes et urbaines, qu’on nous dise le vrai du faux, le bien du mal et surtout les distinctions nécessaires à la réception de ces textes controversés après quarante cinq ans d’une praxis qui a tenu lieu d’herméneutique. Ces questions me passionnent et je dis un grand merci, au regard de cette clarification, non pas tant à ceux qui descendent dans l’arène (on les appréciera après) qu’à ceux qui les y ont placés. Mgr Fellay, qui a établi le déroulement des opérations et le Pape qui l’a magnanimement accepté. La clarification est vitale, parce qu’elle est lumière et toujours un don du Verbe : "En Lui était la vie et la vie est la lumière des hommes". Chez Dieu vie qui éclaire, chez nous lumière qui fait vivre.

Mais la tache s’avère difficile et alors périlleuse, en proportion de sa difficulté. Si, dogmatiquement, on a tout à y gagner, on y a, politiquement, tout à perdre. Car si la clarification s’avère indispensable, l’issue des débats apparait problématique de toutes les manières. On parviendra, même "in confuso", à un accord doctrinal ou on n’y parviendra pas, Lapalisse dixit. Dans les deux cas c’est crucial et peut-être même crucifiant. En cas d’accord, c’est à dire de signature d’un texte doctrinal commun, il y aura concession, sur chaque proposition particulière, de l’une ou l’autre partie. Le texte accepté et clarifiant pourra bien ne donner tord ou raison à personne, il n’en reste pas moins qu’il infléchira nécessairement la position des uns et des autres. l’humilité y trouverait certainement son compte mais je ne crois pas que la clarification se fasse de cette manière. Peut-on envisager un texte, même long et bien ficelé, qui clarifie à lui seul les 1500 pages du texte de Vatican II, même si beaucoup n’ont point à l’être ? A le supposer, il constitue déjà un désaveu implicite du Concile et il ne manquera pas non plus de bonnes âmes de l’autre coté pour crier à la trahison. Je suis sceptique, pour le moins... Il y a manifestement un risque d’enlisement, et pas seulement dans la durée mais aussi dans le flou. En cas de désaccord, on cristallise les positions et Rome, Seule à trancher définitivement les causes dogmatiques, retranche aussi ses coryphées. C’est la catastrophe, de part et d’autre d’ailleurs ! A quoi il fallait bien réfléchir avant que d’engager un processus dont l’alternative apparait inéluctablement cornue, comme le syllogisme du même nom.

A Luther, qui sapait pourtant les fondements de toute la théologie catholique, le Cardinal Cajetan spécialement mandaté par Rome ne voulut imposer au récalcitrant que la reconnaissance du pouvoir de l’Eglise Romaine et de son Magistère. Certes, il n’y est pas parvenu et on l’ a accusé de laxisme. Mais qui irait soutenir, justement, que la révolte du moine ne trouve là sa responsabilité la plus écrasante et, pour le Cardinal, la certitude d’avoir tout fait pour éviter le grabuge de la Réforme. Les contemporains de Luther n’ont rien à se reprocher ; les fautifs sont leur laxistes prédécesseurs.

Je souhaite le meilleur pour les uns comme les autres : clarification et aboutissement. Mais parce que je vois très mal la chose, par quelque bout qu’on la prenne, je confie à la prière, la mienne et la votre (et pas seulement pour la Russie) cette passe ô combien périlleuse. D’autant que les interlocuteurs sont tous triés sur le volet : la fine fleur de la théologie actuelle, dominicaine, jésuite et opus Dei, d’un côté ; les plus irréductibles et les moins portés aux concessions, de l’autre. Que si les enjeux n’étaient pas d’une importance aussi considérable, ce devrait être un régal pour l’esprit. Mais l’heure n’est pas au spectacle mais bien plutôt à la supplique pour une intervention divine sans laquelle le pire ne serait pas à craindre mais bien arrivé déjà. Oremus !

L'Angélus, dans le Cher

Le supérieur de l’Institut du Bon Pasteur, l'abbé Laguérie, a demandé à l’abbé Spinoza de développer une communauté de frères enseignants et éducateurs autour d’un internat et d’un centre spirituel pour la jeunesse et pour les chrétiens soucieux de se ressourcer. C'est à Presly, dans le Cher, que s'est installé l'Angélus, qui annonce ses prochaines retraites: pour hommes du 2 au 7 novembre prochains, (prêchée par l’abbé Laguérie), pour femmes du 20 décembre au 23 décembre prochains, par l'abbé Prieur. Également, retraites-chantiers pour les filles, pour les garçons. Vous trouverez tout cela sur le site de l'Angélus. Et si vous avez des questions à l'abbé Spinoza, sachez qu'il sera le lundi 12 octobre 2009 l'invité du Forum Catholique à partir de 19H30.

Révoltée ?

Conversation intéressante tout à l'heure sur une terrasse que ce petit été qui n'est pas encore de la Saint Martin mais qui promet de l'être rendait particulièrement agréable. Quelques jeunes, un café, le soleil, il n'en faut pas d'avantage pour que la conversation démarre, de plain pied. Cette jeune femme, par exemple avec laquelle je discute un moment. Elle est comme toutes ses congénères : elle sait ce qu'elle veut. Elle veut aller loin. Elle ne se satisfera pas du "rôle social traditionnel de la femme" : couches culottes, biberons, allo maman bobo et compagnie... Elle a des diplômes à la pelle (en lettres s'il vous plaît : le comble du chic). Elle entend bien les mettre en œuvre. Et, dans le microcosme traditionaliste, dans lequel l'image de la femme vertueuse n'est pas forcément celle-là, elle appelle cela : "ma révolte".

Révolte ? c'est tellement subjectif la révolte, et tellement limité. Souvent épidermique. Issu d'un premier mouvement ou d'un "ras le bol", auquel on renonce quand on a bien considéré les choses. J'essaie de lui expliquer que son ambition - professionnelle et culturelle - mérite mieux que ce nom de révolte. Je cherche un mot...

Et je finis par lui dire : vous n'êtes pas dans la révolte, cela n'a aucun intérêt. C'est trop subjectif, trop lié à un état d'âme, trop fugace finalement. Mais votre ambition - louable - de faire valoir vos talents (selon la parabole de l'Évangile), on doit considérer qu'elle porte un nom, qui, tout en manifestant votre refus du conformisme, vous ancre dans des valeurs supérieures, en l'occurrence celles de l'amour des Lettres. Dans le monde matérialiste dans lequel nous sommes, une telle ambition manifeste une véritable résistance intérieure.

Ce mot de résistance, aspiré par des idéaux supérieurs, est tellement plus beau que celui de révolte, inspiré uniquement par une subjectivité montée sur ses ergots !

Il est clair que l'histoire de cette jeune femme est plus compliquée que ce que je vous en raconte. Mais il me semble que, dans ce que je vous en dis, on perçoit avec évidence que la révolte et la résistance sont deux attitudes comportementalement très proches l'une de l'autre, mais qui, dans la réalité, n'ont rien à voir l'une avec l'autre.

La révolte relève toujours d'une incompréhension de ce qui nous est supérieur. Elle naît d'un sentiment d'absurdité (cf. le post du mois de septembre sur ce sujet), qui lui-même procède forcément d'une simplification outrancière de la réalité, simplification qui n'a d'existence que dans le cadre, si terriblement restreint, de la subjectivité.

La résistance procède elle d'une espérance, que nous laisse la perception aigue du caractère complexe de toute situation, même la plus dramatique. Elle entrevoit le bien au sein même du mal et l'infini jusque dans la finitude la plus bornée. Pas de résistance réelle possible sans la perception d'une promesse, au sein même de ce qui semble démentir à l'avance le feu de toutes les promesses.

La résistance, c'est l'amour farouche du bien jusque dans le chaos le plus intimement ressenti. L'autre nom de la foi, en quelque sorte.

vendredi 9 octobre 2009

Frédéric Mitterrand en touriste repenti

"J'ai peut-être commis une erreur, un crime non, une faute même pas". Frédéric Mitterrand, le regard fuyant, se justifie à grand peine devant Laurence Ferrari, qui profite de l'apparente faiblesse du Ministre de la culture pour la jouer "journaliste à l'américaine", coupant l'accusé et lui demandant des comptes... au nom de la Bien-pensance (Correctness en anglais). Drôle d'époque qui ne croit à rien, qui permet tout mais qui se veut morale.

Laurence Ferrari, avec son petit ton de procureur est-elle représentative de l'opinion dominante ? Sans doute. Même Cohn Bendit a jugé bon de se déclarer "mal à l'aise" devant les aveux littéraire du nouvel occupant de la Rue de Valois. Personnellement, je dois dire que c'est ce "malaise collectif et revendiqué" qui me met mal à l'aise. Voilà que l'on découvre que les transgressions de la loi morale peuvent avoir (sur les éphèbes thaï, tant admirés par notre ministre) des effets dévastateurs... On s'émeut. Chacun se drape dans sa toge, mais personne ne songe à méditer les avertissement des papes sur la vérité dont on ne peut impunément bafouer ou mépriser la splendeur. Lorsque j'étudiais la théologie morale à Ecône, nous appelions cela le scandale pharisaïque, celui qui donne bonne conscience et dont on ne tire aucune des conséquences qu'il comporte dans la vie réelle. Reconnaissons-le : pour beaucoup, Frédéric Mitterrand est ici, volens nolens, l'arbre qui cache la forêt. Une occasion de s'indigner pour éviter d'avoir à s'accuser. Rien d'autre.

Je viens d'évoquer les effets dévastateurs de la transgression sur des éphèbes thaï, tarifés et exploités par de riches Occidentaux. Mais le Ministre lui-même semble un peu perdu lorsqu'il s'agit pour lui de qualifier des actes qu'il est présumé avoir commis, et dont il nous dit d'une part qu'il les condamne ("Je condamne le tourisme sexuel") et d'autre part qu'il s'agit "d'une erreur peut-être, d'un crime non, d'une faute même pas".
Doit-on dire qu'il condamne son erreur sans reconnaître sa faute ?

La sémantique est impitoyable pour ceux qui l'utilisent de manière approximative, que cette approximation soit due à une émotion qu'en l'occurrence on peut comprendre ou qu'on doive l'attribuer à une profonde perte de repère.

Il me semble en tout cas, si on les prend en rigueur de termes, et sans préjuger en rien du for interne de la personne, en se bornant à l'expression publique qu'elle en donne, que ces "aveux" d'erreur d'une simple erreur nous montrent certes dans M. Mitterrand un touriste repenti mais pas un touriste repentant. C'est me semble-t-il l'ambiguïté de sa mise au point télévisée comme de son livre d'ailleurs sans doute.

Le rejet viscéral de l'héritage judéo-chrétien, dans une certaine élite mondialisée, se manifeste ici très clairement - dans le refus farouche à parler de faute. On concède l'erreur, on refuse la faute.

La perspective chrétienne est aux antipodes. Un chrétien aura toujours du mal à se résigner à ne voir dans le mal qu'une erreur, parce que voir dans le mal simplement une erreur - et non une faute - c'est se priver de l'amour qui est pourtant seul vraiment réparateur.

L'erreur est intellectuelle (un mauvais jugement sur le bien et le mal peut en être l'origine) ou même simplement rationnelle (dans ce cas, on a des erreurs de calcul: tel acte m'empêche d'accéder à telle carrière: erreur). En revanche, la faute est spirituelle, elle appelle à la rescousse l'Esprit de Dieu. Elle permet d'entendre ce qu'a entendu Marie Madeleine: "Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé". La démarche du chrétien consiste justement, dans cette perspective, à examiner la part de faute (la part réparable par l'amour) qui est contenue dans ses transgressions.

Contre qui cette faute ? Contre Dieu d'abord, Dieu qui est plus grand que notre coeur, comme dit saint Jean, plus grand que notre conscience. Frédéric Mitterrand dénie la faute puisque les actes incriminés par l'opinion publique se passaient "entre adultes consentants".
Mais la faute n'existe pas seulement contre le prochain. Elle transcende la conscience que nous pouvons avoir du prochain.
Elle est une faute contre soi même, parce qu'on se transforme soi même en une machine désirante comme disait Deleuze en son temps (en langage courant, on parle aujourd'hui d'addiction).
Elle est une faute contre Dieu, parce que Dieu seul et les désirs qui peuvent lui être rapportés immédiatement ou médiatement, Dieu seul est digne de notre coeur de fils ou de fille de Dieu.

Nous autres pécheurs du rang, nous ne sommes pas toujours des repentis tant notre péché a pu nous fasciner, mais nous sommes toujours ou nous essayons d'être des repentants en acte. C'est que nous déplorons nos fautes, sans forcément reconnaître en elles des erreurs... Le péché, en général, hélas, n'est pas, dans l'horizon borné de nos petites vies, ce que l'on appelle une erreur.

C'est en ayant bien conscience de cela que nous n'en appelons pas à l'indulgence du Juge, mais à son amour.

mardi 6 octobre 2009

Mais que dira Mathilde ?

Alors que la conférence de Maître Trémolet approche, je suis dans L'art d'aimer d'Ovide jusqu'aux yeux... Voilà un livre que je n'aurais certainement pas lu de moi même sans le défi culturel et la petite histoire interne au Tradiland que les lecteurs assidus de ce Blog connaissent. Mais je ne regrette pas ce temps passé avec Ovide, dont je me souviens qu'il inspire tout un livre (le 13 si j'ai bonne mémoire) de la Cité de Dieu : Trahit sua quemque voluptas. On n'a pas attendu Freud pour le dire. Et les auteurs chrétiens, pas si bêtes et qui ont lu saint Paul ("Celui qui sème dans la chair récolte de la chair la corruption" lit-on par exemple dans l'épître aux Galates), ont eu à coeur très tôt de répondre à cette anthropologie de l'éros par une anthropologie de l'agapé. Sans Ovide, aurions-nous eu Augustin tel qu'il est, somptueusement fixé sur la divine Charité, qui subsume et qui surmonte le trop pauvre Eros?

Mais que dira ma contradictrice du message précédent?

Ne soyons pas légers, supplie-t-elle. Pire que pornographe, Ovide est misogyne... A l'heure de l'égalité des sexes, ce crime est impardonnable. Il relève de la Halde. Il mène à tous les vices...

Misogyne Ovide ? Voici ce qu'il écrit ce misogyne, je tombe sur ce passage que je ne résiste pas à vous faire connaître, toutes lectures cessantes. C'est dans le Deuxième Livre... dont voici, par ailleurs, à toutes fins utiles, les premiers vers, qui ne seraient pas déplacés, en exergue à une bonne préparation au mariage : "Mon art te l'a fait prendre. Mon art doit te la conserver. il ne faut pas moins de talent pour garder les conquêtes que pour les faire : dans l'un, il y a du hasard, l'autre sera l'oeuvre de l'art".

Et voici le texte sur lequel je suis tombé, alors que je venais de lire qu'Ovide était... misogyne!

"Aux ordres de sa maîtresse obéit le héros de Tirynthe (il s'agit d'Hercule). Va maintenant, hésite à supporter ce qu'il a supporté! Si l'on te dit de venir au Forum, arrange toi pour y être toujours avant l'heure dite et ne le quitte que bien tard. "Trouve-toi à tel endroit" t'a-t-elle dit. Cours-y, toutes affaires cessantes, et que la foule ne retarde pas ta route. Le soir, quand elle retourne chez elle, après un festin, si elle demande un esclave, offre toi encore. Elle est à la campagne et te dit : "Viens." L'amour hait tout retard. Si tu n'as pas de voiture, fais la route à pieds. Rien ne doit t'arrêter, ni le mauvais temps, ni la canicule qui altère, ni la chute de neige qui fait la route éclatante. L'amour est une espèce de service militaire. Arrière, homme lâche; ce ne sont pas des hommes pusillanimes qui doivent garder ses étendards..."

Pour un misogyne, chère Mathilde, je trouve qu'Ovide est vraiment de bonne composition. Mais je reviendrai sûrement sur ce sujet d'ici peu...