vendredi 10 juillet 2009

Libéral ? Non : tridentin

repris du forum catholique
Cher Tibère,

Vous avez raison de mettre en cause la faisabilité de cette gouvernance mondiale de "quelques hommes droits" (n°70). Mais si vous renonciez à créer un échelon politique international, alors vous laisseriez, pour tout ce qui concerne le travail et la circulation des richesses, le dernier mot toujours aux entreprises mondialisées. Et laissant le dernier mot à ces grandes entreprises, toujours capables de passer entre les mailles du filets à gros trous que forment les Etats nations, vous prorogez indéfiniment le règne du libéralisme spéculateur et sans terre. La liberté de quelques individus l'emportera toujours sur le semblant d'ordre qu'un Sarko II ou un Sarko III essaierait de faire règner dans l'Hexagone.

Peut-être faut-il en rester là et ne pas chercher à améliorer l'organisation sociale, au risque un jour que l'Horreur économique, déjà prophétisée par Marx (théorie de la paupérisation universelle) ne soit une réalité non seulement dans certains Pays du Tiers monde ou même dans des pays émergents (la Chine, où les conditions de vie moyennes sont souvent épouvantables) comme aujourd'hui, mais aussi dans nos Pays dépouillés de leurs industrie et dont les populations, à proportion de leur savoir faire, seraient contraintes à émigrer pour trouver du travail.

En ce cas - excusez moi je ne vous connais pas - mais c'est Babakoto qui a raison. Reconnaissons d'ailleurs que ce libéral-là est éloquent et qu'il parle d'or : pourquoi vouloir transformer le Marché ? Pourquoi imposer à la Planète un message éthique ? Il faut que les individus se prennent en charge eux-même et qu'ils changent par eux mêmes. Ce n'est jamais sans appréhension que l'on voit l'autorité politique se transformer en agent moral, parce que cette morale-là c'est celle qui filtre l'automobiliste à 135 sur l'autoroute et qui absout l'avorteur.

De toute façon comme disait Bainville tout a toujours très mal marché.

Cher Tibère, vous imaginez bien que je ne suis pas un fanatique de la gouvernance mondiale. Je crois néanmoins qu'il faut choisir entre ces processus d'organisation et de moralisation du Marché, en provenance d'autorités politiques nationales d'abord, mais aussi, subsidiairement, internationales... et le libéralisme, qui certes force les individus à se prendre en charge mais laisse sur le carreau ceux qui ne peuvent ou ne savent pas le faire.

Une chose est sûre et les tradis devraient s'en réjouir : Benoît XVI n'est pas un libéral. Avec cette encyclique, il a choisi son camp.

Autre chose - qui n'est pas dans l'encyclique mais décrit assez bien la diplomatie pontificale : cette autorité politique mondiale empêcherait l'affirmation exclusive d'une hyperpuissance, les États Unis hier, la Chine demain, au bénéfice - on peut toujours l'espérer - d'arbitrages vraiment justes.

Et à propos d'Hyperpuissance, juste une idée sur le mondialisme, qui occupe en ce moment les congressistes de Renaissance catholique : le mondialisme me semble aujourd'hui le faux nez idéologique de l'Hyper-Puissance américaine. Et pas grand chose d'autre : l'Inde et la Chine sont en pleine mondialisation certes, mais ces puissances émergentes n'ont pas mordu au mondialisme. On peut dire que le pape, de son côté, avec beaucoup de courage et aussi de doigté, est à l'opposé de ce mondialisme dans sa diplomatie. Je pense au rare courage qu'il a eu lors de sa visite en Israël et en Palestine...

Je voudrais simplement justifier le titre de ce post avec le dernier point : cette idée d'un gouvernement mondial, on la trouve évidemment chez Jean XXIII dans Pacem in terris. Mais on la trouve aussi au milieu du XVIème siècle (à l'époque du concile de Trente) chez Vittoria et dans la scolastique espagnole : Charles Quint n'était-il pas l'empereur très catholique sur le domaine duquel déjà le soleil ne se couchait jamais ? N'avait-il pas vaincu le roi de France à Pavie ? Les dominicains thomistes ont sûrement vu en lui le roi du monde...

3 commentaires:

  1. A l’heure de l’humanitaire branché et du dépérissement de la chose publique, voilà que le pape a l’espérance politique ! Signe des temps ? Que l’homme dont la mission est de travailler à l’avènement de la cité de Dieu témoigne aussi d’une juste attention à l’égard de la cité de l’homme et de ses moyens d’action, c’est bien, on le sait depuis longtemps, l’une des preuves séculaires du génie du christianisme. Mais qu'en est-il néanmoins, lorsqu'à ce tournant incertain de l’histoire où nous retenons notre souffle, la mondialisation semble rendre inéluctable, à moyen terme, la prévalence des mécanismes prétendument régulateurs, d'ordre économique, technique et normatif, sur le politique et ses exigences, ouvrant ainsi des horizons élargis à un formatage accentué de la condition humaine ? Fort du seul humanisme qui vaille, le Souverain Pontife ose placer davantage sa confiance dans la vieille prudentia des « hommes droits », inlassables veilleurs animés du souci du bien commun, que dans les mécanismes impersonnels qui nous submergent peu à peu. Cette part d’optimisme politique s’enracine chez lui dans une vision de la nature humaine, digne d’être sauvée puisqu’elle fut digne d’être créée.

    Sans aborder la question du ressort planétaire de l’autorité politique que propose Benoit XVI, on peut noter que cette autorité, selon les brèves remarques qui accompagnent son évocation (n°67), trouve son fondement légitime dans la finalité de sa mission plus que dans son éventuelle représentativité. C’est déjà une rupture avec la conception politique dominante. Plus instance arbitrale qu'organe producteur de normes, elle semble renouer avec une conception du politique où le bien commun n’est pas réductible au droit. Un peu d'air frais, espérons-le, au-dessus de l'empire des procédures et de la jungle internationale des technocraties de tous ordres, privées et publiques. Peut-être serait-ce ainsi la promesse d'un antidote contre le poison des collectivismes qui se répandent aujourd'hui sous des formes diverse, par dessus la tête des peuples et des Etats. Il faudrait toutefois qu'elle se distingue, plus nettement que ne l'envisage le texte, de la logique onusienne, avec sa gouvernance mondiale inversant souvent la perspective d'une saine subsidiarité.

    Précisément, la référence claire de l'encyclique au principe de subsidiarité paraît préserver cette autorité de la tentation éminemment moderne qu’est le monopole de la détermination du bien commun (ou de ce qui en tient lieu) par un organe central, négation des multiples biens communs correspondant à chaque échelon communautaire. Rien qui puisse donc l’apparenter à un quelconque ordre mondial. En somme, cette Autorité est conçue par le Saint Père comme l’institution ayant vocation à se placer au sommet de la "chose commune" temporelle d'une Chrétienté qui retrouverait (ou trouverait enfin) la voie de son assise anthropologique, autrement dit comme une clef de voûte légère disposée au faîte d’une Respublica … chrétienne.

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  2. En complément de mon commentaire précédent, je précise que la proposition du pape d’instituer une autorité politique mondiale ne paraît avoir de sens qu’interprétée à l’inverse de la logique mondialiste qui préside actuellement peu ou prou aux diverses instances de l’ONU. Il y a certes, à ce sujet, une part de flottement dans le texte de l’encyclique. On peut, par exemple, s’interroger sur la possibilité et la pertinence d’une « réforme » de cette même ONU. D’où l’utilité de tenter une herméneutique du texte dans le droit fil de la doctrine chrétienne traditionnelle.
    Aussi la respublica chrétienne que j’évoquais ne désigne-t-elle pas une chimérique société mondiale où les domaines respectifs du temporel et du spirituel seraient rigidement liés, mais seulement un bien commun que les conditions de la vie contemporaine, faites d’interactions sans cesse multipliées d’un bout à l’autre du globe, exigent de prendre en compte. Il s’agit donc ici d’une respublica à vocation chrétienne, parce que guidée par les principes du christianisme, mais envisagée dans l’ordre temporel. Par ailleurs, l’évocation d’une « res publica » doit-elle s’entendre au sens étymologique, celui de la chose commune, du bien commun, loin de toute vélléité d’Etat ou d’administration. En effet, l’autorité politique en question, comme simple instance arbitrale, ne devrait attenter en rien à la légitimité et à l’action régalienne des Etats existants, contrairement à l’actuelle pratique d’ingérence.

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  3. La Cité de Dieu (via les hommes de bonne voloté) pour le monde, contre les nationalismes porteurs de violence, de schizophrénie et d'exclusion ? OUI, OUI et OUI, viva il Papa !

    Et cheers pour Carlos Quinto cité par M.l'Abbé ! Oui, sien était un empire (véritablement chrétien) sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Le Concil de Trente eut également les visées clairement universelles; catholiques tout simplement. C'était également l'ambition des Césars chrétiens romains depuis Constantin; le monachisme médiéval ne connaissait point de frontières non plus...

    Le Pape revient, pour ainsi dire, aux sources.

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