lundi 30 mars 2009

Les droits de la conscience humaine

C'est un petit fait, mais il n'a pas échappé à la sagacité de notre ami Daniel Hamiche, décidément omniprésent, sur tous les fronts. Il s'agit des États Unis et de la clause de conscience que le personnel médical peut faire valoir pour ne pas être mêlé activement à un avortement. La loi avait été votée par les Républicains à la fin du second mandat de George Bush. Pour Barack Obama, elle offre un confort aux consciences exigeantes... qui n'est pas admissible !

Voici le texte de Daniel Hamiche dans le dernier numéro de Monde et vie, je cite : "Le 27 février, le ministère de la Santé faisait connaître son souhait d’abolir toute disposition visant à protéger la clause de conscience – ce qui amena le cardinal George à dénoncer, le 17 mars, la dérive vers le « despotisme » de l’administration Obama".

Un cardinal, traitant un Président en exercice d'apprenti despote, cela n'est pas très courant et à ma connaissance ne s'est jamais vu dans la France républicaine. il faut remonter à la vieille monarchie pour trouver en France (de temps en temps) une telle liberté de ton. Cela nous fait souvenir que le catholicisme le plus traditionnel a toujours défendu les droits de la conscience individuelle.

On trouve un autre exemple récent de cette défense traditionnelle des droits de la conscience, dans le petit livre de l'abbé Barthe, paru aux éditions Hora decima : Les oppositions romaines au pape. Le troisième chapitre traite d'un document concernant l'ouverture de conscience dans les séminaires. Alors que la discipline traditionnelle en fait une pratique réservée au for interne de la direction spirituelle et sans conséquence sur le devenir du séminariste (dans les séminaires de Saint-Sulpice, au Conseil des professeurs, le directeur spirituel posait sa barrette lorsqu'il était question de l'un de ses dirigés pour expliquer à tous son silence sur le cas examiné par l'ensemble des professeurs), la discipline nouvelle devrait rendre possible une demande d'ouverture de conscience par le supérieur de la Maison. Le fait paraîtra microscopique à ceux qui n'ont aucune pratique de l'univers clos que représente un Séminaire. J'y ai passé 5 ans... Je sais combien le respect du for interne est une discipline essentielle si l'on ne veut pas tomber dans le "despotisme" que le cardinal George reprochait tout à l'heure au Président Obama. Microcosme d'un Séminaire. Macrocosme des États Unis d'Amérique. Le principe en cause est exactement le même : nul n'a le droit de forcer les digues de la conscience individuelle, sinon Dieu seul.

Lorsqu'un Big Brother (qu'il soit ensoutané ou encravatté) s'arroge ce droit sur la conscience individuelle, il sort de son rôle. Et le cardinal George a raison, il n'y a pas d'autre terme pour qualifier cela que le terme de despotisme. Nous nous trouvons là aux source de l'esprit totalitaire.

Il y a plusieurs manières d'abuser de la conscience. Il y a ceux qui en abusent en la niant et en niant ses droits imprescriptibles, comme le fait Barack Obama. Il y a aussi ceux qui inventent une conscience nouvelle et obligatoire pour tous. Je pense par exemple à ceux qui criminalisent l'attitude qui consiste à déclarer que le préservatif n'est pas une protection suffisante et que la seule protection à 100 %, c'est la confiance, la connaissance et l'amour. Dans les deux cas, mais, c'est vrai, plus subtilement dans le second, on pratique un viol de conscience.

Où trouver la doctrine traditionnelle de la conscience ? Pour saint Thomas (IaIIae Q19, a5), même la conscience erronée a des droits. Chacun a certes le devoir de s'informer pour sortir de l'erreur. Mais la conscience, comme dictamen rationis ultime, doit toujours être suivie en dernier ressort. L'exemple proposé par le Docteur angélique est à la fois comique et certainement d'actualité : celui qui croit de bonne foi que forniquer (c'est le terme employé) est un bien et qui ne fornique pas commet le mal. Dans l'article 6, le saint Docteur insiste sur l'idée qu'il existe des actes intrinsèquement bons et des actes intrinsèquement mauvais, indépendamment du jugement de la conscience, bref un bien et un mal objectif, ce qui est évident à quiconque a un tout petit peu l'expérience de la vie. Mais Thomas a préalablement affirmé ces droits de la conscience humaine avec une trop grande clarté pour que l'article 6 puisse être pris comme un démenti ou un correctif de l'article 5, ainsi que me l'expliqua naguère très sérieusement un thomiste de rencontre. Reste donc que le Thomas le plus authentique, tout comme les prêtres traditionnels d'aujourd'hui et les évêques courageux défendent les droits de la conscience individuelle.

Mais me diront certains, l'Eglise n'a-t-elle pas condamné la liberté de conscience ? Et cette condamnation, par Grégoire XVI dans Mirari vos, n'est-elle pas toujours valable ? Cette condamnation autorisée de la liberté de conscience n'est-elle pas le principal obstacle à la diffusion de la doctrine de Vatican II (Dignitatis humanae §2) dans l'Église catholique romaine ? Et vous, abbé Guillaume de Tanoüarn, en faisant cette apologie des droits de la conscience, n'êtes vous pas en train de canoniser subrepticement Vatican II ?

Je réponds dans un tout prochain post à ces questions lourdes...

samedi 28 mars 2009

Passage à l'heure d'été

Passage à l'heure d'été dans la nuit du samedi 28 au dimanche 29 mars, à 2 heures du matin il sera 3 heures, n’oubliez pas de régler vos réveils sous peine d’être en retard pour la messe, je rappelle les horaires au centre Saint Paul : 09H00 - 10H00 – 11H00 - 12H30 - 19H00.

Vous le voyez, c’est le printemps, on nous pique une heure de nuit, après nous avoir piqué une heure de jour à l’automne. Chaque année, ce sont deux heures qui disparaissent ainsi pour chacun d’entre nous, soit plus de 14.000 ans sur l’ensemble du pays, confisquées par nos «élites» dirigeantes. Je me demande ce qu’ils en font.

Un ami me demande de mettre un petit smiley quand je fais du second degré. Ce serait la perte du plaisir de gourmet que j’en retire.

vendredi 27 mars 2009

Capote - suite et fin

Quel est le sujet du metablog? Je sais ce qu'il n'est pas. Son sujet n'est pas de parler (trop longtemps) de cet objet prophylactique communément connu sous le nom de 'capote'. Il a bien fallu pourtant évoquer le sujet pourtant vue la récente tempête, ça a donné lieu à quelques commentaires, l'abbé de Tanoüarn me demande d'en mettre deux en valeur - avant de passer à autre chose. Chers visiteurs! puisque vous allez peu lire les commentaires, ce sont eux qui viennent à vous.

Celui de Siméon d'abord. En réaction à l'article de l'abbé ("Religion du préservatif ?") il écrit:

Non pas religion mais injonction de la capote. Mieux: injonction de se trouver en situation de l’utiliser. Un grand souffle médiatique nous enveloppe et alpague chacun : «Vous jeune homme, ce soir, vous mettrez une capote!». Le jeune homme acquiesce en ricanant, il n’avouera jamais l’inavouable. Et l’inavouable, depuis une génération, ce que ce jeune homme ne concèdera jamais et surtout pas devant ses copains (ils sont dans la même situation) c’est qu’il n’a personne et n’a jamais eu personne avec qui utiliser cette fichue capote! Un sketch de Smaïn (j’espère que ma mémoire ne me joue pas de tour) résume la situation : «le sida ne passera pas par moi! d’abord parce que je mets des capotes, et ensuite parce que je ne couche pas!» Il ajoute désolé: «je voudrais bien, ce sont elles qui ne veulent pas.»

A la base, un grand mensonge: «Aujourd’hui les gens ont la vie sexuelle qu’ils veulent.» Ca fait partie du modèle de société (TF1, Elle, FunRadio) de même que tout le monde est censé aller au ski, driver sa carrière ou partir en week-end. Ouvrons les yeux ! pour 90% des gens c’est un décor de cinéma. La vie sexuelle qu’ils veulent, les gens? je devine qu’ils ont surtout celle qu’ils peuvent. La solitude, l’âge, la fatigue, la nature blessée… évidemment. Chacun fait avec, fait ce qu’il peut.

Ce qui nous amène à la seconde grande tromperie : «Les relations sexuelles, ça fait des étincelles». Sur la route de Chartres je parlais avec un moine, appelons-le le Père Albert. Il me disait : «l’amour est la chose la plus belle que des époux puissent faire sur cette terre. Les époux qui font l’amour s’élèvent…» etc, etc. Aurais-je du lui dire que c’est un peu plus prosaïque? il énonçait un idéal – pour croire que cela se passe comme ça il faut avoir 16 ans ou être le père Albert. C’est tout à son honneur mais concrètement ça ne répond qu’indirectement à la problématique de ceux «que le péché n’a pas encore quitté» (expression que je pique à l’abbé de Tanoüarn pour lui prouver que j’étais attentif toutes ces années où il prêchait à Saint-Nicolas).

Idéal de pureté chez ce moine, idéal d’impureté dans les medias (pour faire simple), l’un se trompant, l’autre trompant son public qui n’en demande pas moins.
Autre réaction, celle de Milan (à la suite de Pour une prévention à 100%):
Vous avez raison l’abbé, au niveau d’un individu ou au niveau de deux individus (typiquement : un couple masculin dont l’un est porteur du virus). Mais les organismes de santé publique se placent à un autre niveau : une population. Par exemple, les personnes susceptibles d’avoir ‘x’ partenaires sexuels dans les 5 ans à venir.

Imaginons un vaccin contre la grippe qui marcherait à 80%. Vous avez une chance sur 5 d’attraper la grippe… si vous êtes le seul vacciné. Mais si votre voisin est lui-même vacciné, vous réduisez encore (et sensiblement) le risque qu’il vous file un virus… qu’il n’a probablement pas. Dès qu’on atteint un certain taux de vaccination l’épidémie marque le pas. C’est pour cette raison que les organismes de santé publique prônent: capote pour tous (et pas de rouspétance!)

Maintenant, considérez l’expression: «activités à risque». Si la diminution de ‘risque’ entraîne l’augmentation de ‘activités’ ça peut continuer encore des générations.

Dernière réaction, dans la grande presse cette fois, Loïc Mérian signale la chose sur le Forum Catholique, elle montre à quelle profondeur nous sommes tombés. C'est l'histoire d'un gendarme suspendu pour des propos très "borderline" (xénophobie, apologie de la violence, nostalgie des années noires). Le Figaro qui relate l'histoire nous dit comme pour enfoncer le clou que ce gendarme "ne craint pas non plus de laisser transparaître ... son soutien à Benoît XVI, malmené suite à ses récentes déclarations sur le préservatif". Bigre! Espérons que les juges ne retiendront pas cette circonstance aggravante. Moi qui vous parle -je n'ai pas encore 90 ans- j'ai connu le temps où Le Figaro était un journal de droite. Si, si.

jeudi 26 mars 2009

Pour une prévention à 100%

Grâce à nos amis du forum catho, je lis, avec retard, la lettre ouverte envoyée à Benoît XVI par trois "scientifiques" (c'est ainsi qu'ils se présentent), Bernard Audoin, directeur exécutif de Sidaction, Françoise Barré-Sinoussi, lauréate du prix Nobel de médecine 2008 sur le sida et Jean François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales, lettre publiée dans Le Monde du 24 mars dernier.

Les trois signataires citent une étude parue au mois d'août 2001 et ils concluent : "L'analyse globale de quelque 140 articles scientifiques consacré au suivi de couples où l'un des deux partenaires est séropositif démontre de manière irréfutable que l'utilisation du préservatif permet de réduire d'au moins 90 % le risque de transmission du VIH".
Je trouve particulièrement inquiétante cette référence à un article scientifique qui a presque 10 ans aujourd'hui et ce chiffre de 90 % avancé comme le Nec plus ultra de la science, lorsqu'elle est obligée de s'en remettree au caoutchouc pour offrir "une barrière imperméable contre le virus", selon la formule imagée qu'utilisent nos trois scientifiques.

Mon ministère sacerdotale m'a donné de rencontrer à plusieurs reprises ces couples homosexuels où l'un est séropositif et l'autre pas. Je peux témoigner ici (tant pis pour les bien pensants) de l'héroïsme qui existe chez celui qui n'a pas été infecté. Je revois dans une chambre d'hôpital ce garçon faisant lui-même la lessive des linges souillés portés par son ami auquel je venais donner les derniers sacrments. Lui, me dit-il, n'était pas séro-positif. Mais il faisait cela parce que le personnel de l'hôpital ne souhaitait pas le faire. N'en déplaise aux statisticien et à la froideur des chiffres dont ils se parent comme de boucliers indestructibles à l'usage de leur consience fragile, chez ces couples, il y a toujours la conscience (assumée) du risque vital. Le préservatif n'est pas une barrière (totalement) imperméable.

Cela d'ailleurs nos trois scientifiques le reconnaissent. Il y a 10 % des cas où, pour une raison ou une autre, le préservatif ne suffit pas. Mais ils avouent - implicitement - que 90 % est le chiffre optimal auquel la science puisse parvenir. Sa technique en caoutchouc, recherches ou pas, pour la défense de laquelle ils s'insurgent, reste encore bien rudimentaire !

Le pape n'a jamais nié l'efficacité relative (à 90 %) du préservatif. Mais il pointe le grand mensonge collectif qui fait accroire aux gogos que 90 % = 100 %. C'est ce mensonge entretenu qui "aggrave la situation", selon le terme que François Bayrou reproche tant à son pape. Les gens se croient bien protégés, alors qu'ils ne sont protégés qu'à 90 %. Imaginez une tenue anti-radiation qui ne serait efficace qu'à 90 %. Qui oserait en faire la promotion, en ces termes, auprès des gens qui travaillent (par exemple) sur des sites d'expérience nucléaire ? Qui oserait dire à ces gens : à 90 % vous ne risquez rien. Personne. Parce qu'il reste 10 % de "chances" d'être irradié.

Le pape est venu dire aux Africains qu'ils sont des hommes comme les autres, pas des machines désirantes et qu'ils doivent avoir, avec la sexualité, un comportement responsable, fondé sur une exigence de confiance mutuelle, de connaissance mutuelle et d'amour. Le pape a répété que l'amour est toujours le meilleur des préservatifs, non pas un préservatif répressif, qui empêche la diffusion de la vie, mais un préservatif vraiment permissif, qui autorise la diffusion de la vie dans de bonnes conditions. Le préservatif efficace à 100 %, c'est l'amour, c'est-à-dire la confiance et la connaissance mutuelle.

mercredi 25 mars 2009

Benoit XVI : la nouvelle polémique

Ci-dessous: trois textes à lire.
  • Le premier: marrant. Qui en dit plus qu'une longue analyse sérieuse.
  • Le second: épiscopal. Jésus a perdu à l'applaudimètre, pourquoi Benoit XVI gagnerait-il?
  • Le troisième: de Koz - bien vu donc, comme souvent.

Encore un nouveau scandale suite à une interview du Pape!

A son retour à Rome, par une belle après-midi ensoleillée, le Pape aurait confié à une journaliste : "Il fait beau aujourd'hui !" Ces propos ont aussitôt soulevé dans le monde entier une immense émotion et alimentent une polémique qui ne cesse de grandir.

Quelques réactions :
Le maire de Bordeaux : "Alors même que le pape prononçait ces paroles, il pleuvait à verse sur Bordeaux ! Cette contre-vérité, proche du négationnisme, montre que le pape vit dans un état d'autisme total. Cela ruine définitivement, s'il en était encore besoin, le dogme de l'infaillibilité pontificale !"

Le Grand Rabbin de France : "Comment peut-on encore prétendre qu'il fait beau après la Shoah?"

Le titulaire de la chaire d'astronomie au Collège de France : "En affirmant sans nuances et sans preuves objectives indiscutables qu"il fait beau aujourd'hui", le pape témoigne du mépris bien connu de l'Église pour la Science qui combat ses dogmes depuis toujours. Quoi de plus subjectif et de plus relatif que cette notion de "beau"? Sur quelles expérimentations indiscutables s'appuie-t-elle? Les météorologues et les spécialistes de la question n'ont pas réussi à se mettre d'accord à ce sujet lors du dernier Colloque International de Caracas. Et Benoît XVI, ex cathedra, voudrait trancher, avec quelle arrogance ! Verra-t-on bientôt s'allumer des bûchers pour tous ceux qui n'admettent pas sans réserve ce nouveau décret?"

L'Association des Victimes du Réchauffement Planétaire : "Comment ne pas voir dans cette déclaration provocatrice une insulte pour toutes les victimes passées, présentes et à venir, des caprices du climat, inondations, tsunamis, sécheresse? Cet acquiescement au "temps qu'¹il fait" montre clairement la complicité de l'Église avec ces phénomènes destructeurs de l'humanité, il ne peut qu'encourager ceux qui participent au réchauffement de la planète, puisqu'ils pourront désormais se prévaloir de la caution du Vatican."

Le Conseil Représentatif des Associations Noires : "Le pape semble oublier que pendant qu'il fait soleil à Rome, toute une partie de la planète est plongée dans l'obscurité. C'est là un signe intolérable de mépris pour la moitié noire de l'humanité!"

L¹Association féministe Les Louves : "Pourquoi "il" fait beau et pas "elle"? Le pape, une fois de plus s'en prend à la légitime cause des femmes et montre son attachement aux principes les plus rétrogrades. En 2009, il en est encore là, c'est affligeant !"

La Ligue des Droits de l'Homme : "Ce type de déclaration ne peut que blesser profondément toutes les personnes qui portent sur la réalité un regard différent de celui du pape. Nous pensons en particuliers aux personnes hospitalisées, emprisonnées, dont l'horizon se limite à quatre murs ; et aussi à toutes les victimes de maladies rares qui ne peuvent percevoir par leurs sens l'état de la situation atmosphérique. Il y a là, sans conteste, une volonté de discrimination entre le "beau", tel qu'il devrait être perçu par tous, et ceux qui ressentent les choses autrement. Nous allons sans plus tarder attaquer le pape en justice."

A Rome, certains membres de la Curie ont bien tenté d'atténuer les propos du pape, prétextant son grand âge et le fait qu'il ait pu être mal compris, mais sans succès jusqu'à présent.

Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière

Un message de Mgr Aillet à la lumière des écritures ; une manière de re-lire le "lynchage médiatique dont l’Eglise et le Saint-Père ont fait l’objet ces dernières semaines".

« Le jugement le voici : la lumière est venue dans le monde, mais les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, car leurs œuvres étaient mauvaises » (Jn 3, 19). Ecoute, Israël, combien la Parole de Dieu est actuelle : « Vivante en effet est la Parole de Dieu, efficace et plus incisive qu’aucun glaive à deux tranchants … elle peut juger les sentiments et les pensées du cœur » (He 4, 12).
La lumière est venue dans le monde, « et le monde ne l’a pas reconnu » (Jn 1, 10), et il l’a prise en haine (cf Jn 15, 18) ; « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas accueilli » (Jn 1, 11), et même, « ils le poussèrent hors de la ville et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline … pour l’en précipiter. Mais lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin » (Lc 4, 29-30).

Le lynchage médiatique dont l’Eglise et le Saint-Père ont fait l’objet ces dernières semaines sont comme une illustration de ces paroles toujours actuelles : « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, vous aussi, ils vous persécuteront » (Jn 15, 20). Les juges ont besoin aujourd’hui comme hier de « faux témoins », comme ceux qui se levèrent devant le Sanhédrin pour condamner Jésus, en déformant ses propos (cf Mc 14, 57-58). Si Jésus, le communiquant par excellence, n’a pas échappé à la mauvaise foi des hommes, pourquoi nous étonner que l’Eglise soit traitée ainsi? Loin de se soumettre aux lois de la communication humaine que l’on prétend lui imposer, l’Eglise ne peut se soustraire à sa mission prophétique. N’appelons pas « bourde » ou « gaffe », ce qui n’est rien d’autre qu’un témoignage rendu à la Vérité.

Ainsi en est-il des propos, remplis de vérité et de compassion, du Saint-Père sur les moyens de combattre le Sida. Les journalistes, dont certains appartiennent à la presse dite catholique, se sont emparés une fois de plus d’une petite phrase ; des politiques, souvent esclaves de l’opinion, ont renchéri, sans aucun discernement, et dénoncé les « propos irrecevables » du Saint-Père et le « discours irresponsable de l’Eglise ».

Fils et filles de l’Eglise, nous pouvons garder la tête haute, car les propos du Pape ont été confirmés par les évêques d’Afrique et par les chefs d’Etat de ces pays où le Sida fait des ravages, dénonçant le « racisme latent » de ces occidentaux qui voudraient leur imposer leurs schémas mortifères, au nom de la sacro-sainte licence sexuelle ou bien du matérialisme mercantile dont on voit bien à qui il profite. Un discours qui ne résiste pas à l’évidence des faits : selon les statistiques de l’OMS, les pays d’Afrique où le taux de distribution des préservatifs est le plus fort, la progression du SIDA est la plus élevée ; là où les catholiques sont plus nombreux et où l’on prône en priorité l’abstinence et la fidélité - y compris dans les programmes gouvernementaux- , et le préservatif en dernier recours, le SIDA est en très nette baisse, comme au Burundi ou en Angola. Devant la partialité, voire la falsification de certains medias, les catholiques doivent aller à la source de l’information et communiquer autour d’eux par tous les moyens, à commencer par l’Internet.

Mais, en dernière analyse, il faut accepter de souffrir pour le nom du Christ et ne pas s’étonner de ces campagnes de dénigrement : « Si vous étiez du monde, le monde aimerait son bien ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, puisque mon choix vous a tirés du monde, pour cette raison, le monde vous hait » (Jn 15, 19). « Mais gardez courage, nous dit Jésus, j’ai vaincu le monde » (Jn 16, 33).

+ Marc Aillet,
évêque de Bayonne, Lescar et Oloron.

Benoît XVI : les capotes sont cuites

Ils commencent sérieusement à me les briser, avec leurs capotes. Et l’opération prend un certain temps. A peu près le temps de tuer un âne à coups de figues molles. C’est dire depuis combien de temps ils me les brisent. Vous le savez déjà, le Pape a déclaré, dans l’avion qui l’amenait à Yaoundé, que l’on ne règle pas le problème du SIDA avec une distribution de préservatif et qu’au contraire, elle aggraverait même le problème.

Aussi sûr que mon genou se lève quand on tape dessus au marteau (enfin, le petit), les réactions se déroulent selon un scénario établi à l’avance. Tous ceux pour qui la distribution de capotes est un signe de ralliement et l’assurance d’une bonne conscience, ceux qui voient un acte militant dans le fait de caser une capote sous la selle d’un Velib’, de vous en refiler un à l’entrée d’une boîte, de vous en coller à côté de votre verre, qui, dès qu’ils voient un jeune sortent une capote pour remédier à ses angoisses existentielles, tous ceux là embrayent car, eux, voyez-vous, sont légitimes, sur le sujet : ils ont filé des capotes. C’est un peu le même truc qui permet à Christophe Dechavanne de clore ses émissions sur un paternel “sortez couverts“, signe de connivence entre queutards, oui, mais queutards responsables. [La suite de ce texte est sur Koz toujours].

Religion du préservatif ?

Chez certains bretteurs au service du pape Benoît XVI, attaqué aujourd'hui comme l'était le Christ par l'opinion publique (voir l'Evangile de mardi dans la forme classique du rite romain), on trouve l'expression "religion du préservatif". On opposerait la religion du préservatif à d'autres.
Le terme de religion est sans doute un peu fort. Mais c'est bien de la fin ultime de l'homme qu'il s'agit néanmoins.

La fin ultime est-elle le plaisir, c'est-à-dire la satisfaction du désir ?

Ou bien la fin ultime est-elle au-delà du désir et capable de diriger, d'ordonner, de freiner, de maîtriser l'élan du désir ?

Poser la question : existe-t-il un au-delà de la capote, c'est identiquement poser la question : existe-t-il une maîtrise du désir qui provient forcément d'un impératif plus grand que lui ?

L'un d'entre vous me pose une question de manière très touchante au sujet de la contraception et de ce moyen contraceptif propre (sans effet secondaire ni risque d'avortement) que représente le préservatif. Mais dans la polémique actuelle sur le préservatif, nous ne sommes pas dans l'ordre privé, où l'on peut toujours tenter de mettre en oeuvre la casuistique du volontaire indirect. Nous sommes dans l'ordre des actions publiques. Dans cet ordre, comme dit très bien Mgr Vingt-Trois, il vaut toujours mieux faire jouer la liberté humaine que les moyens mécaniques. La meilleure barrière n'est pas en caoutchouc. Il s'agit toujours pour l'homme de s'assumer, d'assumer sa responsabilité devant Dieu, de la mesurer et en tout cas de l'exercer.

Dans ce domaine de l'intime, il n'y a aucune raison que Big brother décide pour nous et qu'une Opinion publique mondialisée nous explique comment il faut se comporter et comment il faut sortir, couvert ou non ! S'il le fait, cela signifie que l'amour devient un produit de consommation, soumis, comme les autres produits de consommation, à des règlementations publiques.

mardi 24 mars 2009

Benoît XVI en super-héros de la liberté d'aimer

Ils en font trop. Même Libé, dans le numéro qui s'affiche sur ma page de garde, s'engage à ne pas céder à cette surenchère qui sent le coup monté, la mayonnaise mal prise et le soufflé trop vite retombé. Même Libé fait son scoop du moment de "ce que le pape a vraiment dit" qui n'est pas ce qu'on lui fait dire à l'envi.

Ils en font trop les tourneurs de mayonnaise et cela va leur retomber sur la figure, à tous ces barbiers qui pataugent dans la mousse à raser leur lecteurs. Ils sont en train de créer un pape de légende victime des nains et souriant, magnifique au milieu des foules, comme en Afrique ces derniers jours.

Ne revenons pas sur les propos du Maire de Bordeaux, déjà épinglé par notre webmestre. Alors qu'Isabelle Adjiani sort sur les écrans dans La Journée de la jupe, lui Juppé, ce n'était vraiment pas son jour. Traiter le pape d'autiste quand on s'appelle Juppé...

Mais il y en a deux dont les réactions m'ont particulièrement intéressé, par tout ce qu'elles révélaient en creux, il s'agit de François Bayrou et de Ségolène Royal, très proche l'un de l'autre, ce qui apparaît d'autant plus significatif que, cette fois, ils ne se sont certainement pas donné le mot. L'un et l'autre récupèrent l'opposition faite jadis par Jean Paul II entre la culture de mort et la culture de vie et ils appliquent cette distinction au cas présent. Pour eux, le caoutchouc, c'est la vie, et la nature... (les rapports non protégés comme on dit horriblement), c'est la mort ! Extraordinaire inversion. Voyez cela. Bayrou d'abord. Le champion du catholicisme social n'hésite pas à moraliser son pape : "Les propos du pape sont irrecevables pour quelqu'un qui a la certitude que la première responsabilité que nous partageons tous, et singulièrement les chrétiens, c'est la défense de la vie". Et voici Ségolène, royale comme d'habitude : "Je crois que la responsabilité de tout chef religieux, quelles que soient les religions, c'est de défendre le principe de vie et certainement pas d'engager les êtres humains vers la mort".

Il suffit d'écouter la magnifique mise au point de Mgr Vingt-Trois : je mets au défi quiconque de trouver dans les paroles que le pape a vraiment dites quelque chose qui se rapproche d'un encouragement à la mort. Que veut le pape ? Que chacun prenne les responsabilités de ses comportements et que l'on cesse de s'en remettre à l'écran total du caoutchouc, parce que de différentes manières, cet écran n'est pas infaillible. Est-ce pousser à la mort que d'encourager à des comportements responsables ?

En réalité Ségolène et François sont victimes l'une et l'autre de leur fascination rentrée pour l'Évangile de la vie que proclame sans peur l'Eglise. Et, s'en écartant pour des raisons électoralistes que l'on ne devine que trop, ils tentent de manière bien misérable de le récupérer, ils essaient de paraphraser cet Évangile de la vie en faisant du préservatif... son sujet. Vive la vie... au nom du préservatif. C'est pitoyable.

Comme son nom l'indique, le préservatif c'est toujours du négatif. Rien d'enthousiasmant pour personne. Parfois nécessité fait loi, c'est tout ce que l'on peut dire à ce... mauvais sujet.

En revanche, défendre la culture de vie, comme le fait le pape sous les quolibets et les huées d'une partie de la planète, conditionnée à ne pas penser, cela a quelque chose d'exaltant. C'est passer de l'amour comme produit de consommation courante, emballé sous plastique, à l'amour comme exaucement des voeux les plus secrets et accomplissement de promesses qui n'étaient même pas formulées. Qui sait jusqu'où mène l'amour ? Et peut-il y avoir un amour si la confiance ne règne pas, si le soupçon pèse sur l'autre, si l'on peut imaginer que le "partenaire" nous trompe à l'instant même où nous le possédons.

On me dira : il n'est pas interdit d'essayer. - L'amour à l'essai n'existe pas. La logique du "satisfait ou remboursé", c'est la logique de la consommation, ce ne peut pas être celle de l'amour.

Nous tenons dans cette dernière remarque la réponse à la question qui peut-être vous obsède depuis le début de cette affaire : mais pourquoi tant de haine ? Pourquoi ? Parce qu'au fond du fond, la société de consommation et la religion de l'amour sont incompatibles. Consommateur ou amoureux ? il faut choisir ! Benoît XVI défend, à 82 ans, les couleurs de l'amour.

D'autres voudraient, toujours et partout, faire de l'amour un produit de consommation et un produit de consommation dont, cette fois, aucun abus ne serait dangereux pour la santé. Mais pour cette caricature d'Évangile de la vie, comme Ségolène et François, ils en sont réduits à chanter les vertus du caoutchouc, en faisant semblant de ne pas se rendre compte, dans cette circonstance, combien sonne faux leur hymne à la vie.

samedi 21 mars 2009

Mgr Vint-Trois dans son rôle

Cher ami, cher blogeur!

Cher ami, cher blogeur, vous reprenez un texte du metablog et c’est la première ou la douzième fois - très bien et merci de votre intérêt. Mais de grâce ! mettez un lien vers ab2t.blogspot.com c’est à dire vers ici, il y a trois avantages dont le premier est pour vous :
1. Le lien restitue au texte son contexte.
2. Quelques personnes le suivront,
3. et même si ce n’est pas le cas, le googlebot, lui, le fera.
Sans avoir le nez sur le compteur, on sait qu’il faut mille visiteurs pour que cent lisent vraiment, cent qui lisent pour que dix le fassent avec intérêt, et sur ces dix un seul peut-être le fera avec profit. Celui-la, peut-être unique, justifie le temps passé à faire le metablog. Mais pour l’avoir, pour atteindre cet unique, il faut mille visiteurs, et c’est là, cher ami, cher blogeur, que vous intervenez. Merci d’avance. Et merci tout court à ceux qui le font déjà.

jeudi 19 mars 2009

Idéologie ou quête de vérité ?

Au hasard, dans un livre de CA Fusil, père d'un vieil ami hélas décédé, cette étonnante formule de Jean Jacques Rousseau, dans une lettre à Madame Latour du 26 septembre 1762 : "Quiconque ne m'aime pas à cause de mes livres est un fripon". Cette formule du père des idéologues me fait penser à une autre, de Jean-Paul Sartre cette fois, dans Situation IV : "Je tiens tout anticommuniste pour un chien, je ne suis jamais revenu là-dessus".

Il me semble que le désir de vérité (dont saint Thomas parle au IIIème livre du Contra gentes autour du chapitre 50) est à l'opposé de ces prises de parti idéologiques. Elles débouchent toujours sur la haine. C'est cette vieille haine que l'on retrouve contre Benoît XVI en ce moment : un a priori...

Le désir de vérité lui n'a aucun a priori. Comme dit Maurras en une très jolie formule : "Il s'exerce à la bienveillance du seuil". "Toute vérité, quel que soit celui qui la prononce vient du Saint Esprit" explique saint Ambroise, qui fait un écho théologique à cette attitude vieille comme Socrate.

La vérité, on l'aime dans tous ses états. L'idéologie seule est raide et intolérante. Au fond, ce qui nous rend exclusif (ou intolérant au sens profond du terme), c'est le rejet de la vérité. L'adhésion à une idéologie substitutive, pour combler le vide, n'est pas loin. Dans les années 50, on va au Meeting comme on va à la messe, et parfois hélas, vice versa.

Errare humanum, perseverare diabolicum.

Ce que j'ai dit de l'archevêque de Recife me paraît avoir été conditionné par un raccourci dramatique des événements, véhiculé par la presse et les médias. Mon ami Daniel Hamiche, journaliste efficace et plus scrupuleux que je ne le suis parfois, me met sous les yeux un certain nombre de données que je souhaite vous exposer. Dans la presse, on mûrit un papier, qui doit représenter une véritable synthèse. Sur Internet, en revanche, le temps se mesure autrement. On écrit dans l’instant, étant entendu que dans l’instant on peut préciser ou corriger. Je tiens beaucoup à la dimension instantanée de ce Blog (où se trouvent conservées – horresco referens - même certaines fautes d’orthographe) et où une véritable interactivité entre les auteurs et les lecteurs est la garantie de vérité que la presse écrite ne propose pas encore. Vos commentaires sont importants, dans la culture Internet, parce que manifestant les critiques, les précisions à apporter ou simplement des positions différentes, ils instaurent un véritable débat en temps réel. Il me semble que dans l’Eglise catholique actuelle, c’est cette culture du débat qui manque le plus.

Voici donc des précisions. D’autres viendront certainement, et peut-être viendront-elles de vous qui lisez ce texte. En l'espèce, parmi ces données d’abord, l'entretien que donne le Père Edson Rodrigues, curé en titre de la petite "Carmen", 9 ans à Samuel Pruvot, dans Famille Chrétienne du 21 mars. Ce texte à paraître offre une présentation honnête du problème, qui montre qu'il y a eu un engagement à la fois médical, social et humain de toute une paroisse (il ne s'agit pas de Recife mais de la paroisse d'Alagoinha), que le Conseil de l’Institut médical de l’enfance, dans la ville d'Alagoinha, à l'unanimité de ses 5 membres réunis en catastrophe le 28 février, s'est prononcé contre l'avortement et que c'est une femme de coeur, Marie José Gomes, qui a tout fait pour sauver les deux petits jumeaux.

L'image d'un évêque lointain qui fulmine une excommunication dans une affaire qu'il connaît mal, sans souci des personne, avec un Code de droit Canon à la place du coeur ne correspond pas non plus à la réalité. Mgr Mindanho, évêque de Recife, successeur de Dom Helder Camara et membre de l’Opus Dei, a pris l’affaire très au sérieux. Le 3 mars dernier, il convoquait un groupe de médecins, avec à leur tête le directeur de l’Institut médical de l’enfance, Antonio Figueras. C’est à la suite de cette réunion, avant que n’ait lieu l’avortement redouté, dans un hôpital de Recife où la fillette avait été transportée, que l’évêque du diocèse rend son verdict de juge pour son diocèse : cet avortement s’il avait lieu serait passible de l’excommunication ipso facto (latae sententiae). Il n’a donc pas fulminé l’excommunication après l’événement comme je l’ai écrit. Il a simplement rappelé le droit, après avoir pris le conseil des médecins.

C’était le 3 mars. Le 4 avait lieu l’avortement, non pas à Alagoinha mais à Recife, où l’enfant enceinte avait été transportée, à l’initiative de la sage femme Karolina Rodriguès, qui, soutenue par l’organisation féministe Curumin, avait réussi à convaincre le père et la mère de l’enfant, tous deux hostiles à l’avortement au départ. C’est le Père, séparé de sa femme, chez qui règne un beau père violeur de 23 ans, qui a porté l’affaire à la paroisse. Il est foncièrement hostile à l’avortement. La mère est totalement inculte. On lui fait « signer » un certain nombre de papiers de décharge avec son empreinte digitale. Pourtant elle répète qu’ « elle ne veut pas que sa fille avorte ».

A l’un et à l’autre, on fait peur. Le médecin de Recife, qui va pratiquer l’avortement, le docteur Sergio Cabral, déclare que « les organes de cette petite ne sont pas encore formés ». et qu’on ne peut donc pas lui faire courir le risque d’un accouchement par césarienne… Remarquons simplement qu’il ne connaît pas l’enfant (qui vit à 200 KM de Recife) et que le 28 février précédent, quatre jours avant donc, le Conseil de l’Institut médical de l’enfance à Alagoinha était d’un tout autre avis… Il faut noter au Guiness de bien tristes records qu’une dizaine ou une quinzaine de cas de ce genre sont connus. Ce sont souvent des Indiennes. Elles ont moins de 10 ans (rien à voir avec les filles de moins de… 14 ans que m’objecte l’une d’entre vous)…

Que dire après enquête ?

Les considérations générales que j’ai développées demeure valables dans leur généralité. C’est pourquoi du reste je maintiens ce post, qui me paraît même important. Mais la figure de l’évêque de Recife et du curé d’Alagoinha ne sont pas du tout ce que les diffamateurs de la grosse presse ont voulu qu’ils soient : excommunicateurs sans cœur etc. En suivant très attentivement le cas de la petite « Carmen », ils sont tombés dans le piège qui leur était tendu. Ont-il manqué de prudence ? A 6000 km, c’est bien difficile de trancher. Mais au moins n’ont-ils manqué ni de zèle ni d’attention pastorale. Je ne vois pas certains des évêques français qui les critiquent, en invoquant seulement le choc compassionnel, s’investir avec autant d’abnégation. Le curé d’Alagoinha a fait des centaines de km pour suivre la petite jusqu’à Recife et l’évêque a diligenté une véritable enquête. Dont acte. Mais les arguments canoniques soulevés par Mgr di Falco et dont je fais état de mon côté en m’appuyant sur l’article 1324 §2 n. 3, 5 8 et 9 du code (voir le post : Suis-je à ma place ?) demeurent solides, ainsi que l’impératif prudentiel, plus que jamais de saison, alors que se déclenche une campagne systématique contre le pape et la tradition de l’Eglise, campagne internationale, engagée depuis l’affaire Williamson, et qui a rebondi avec l’affaire du préservatif, heureusement ramenée à sa véritable dimension par notre Webmestre (voir post précédent).

Je crois vraiment que les ennemis de l’Eglise en font trop. Les véritables catholiques doivent sans tergiverser (mais non sans réfléchir) prendre acte de cette campagne et défendre le pape, que les médias veulent faire passer pour seul contre tous et diabolisé, alors qu’aujourd’hui Benoît XVI déchaîne les foules en Afrique et que les évêques africains rappellent à leurs confrères européens l’importance de la morale naturelle, face à l’hédonisme, maladie typique des pays développés.

La phrase du pape

Après Williamson (le pape accueille le négationnisme), après Récife (le pape excommunie une fillette mais pas son violeur), voici une nouvelle croisade antipape (le pape favorise le sida), la troisième en huit semaines. Qu'on juge de la bonne foi des gros titres, à la lecture de ce qu'à réellement dit le pape.
Question - Votre Sainteté, parmi les nombreux maux qui affligent l'Afrique, il y a également en particulier celui de la diffusion du sida. La position de l'Eglise catholique sur la façon de lutter contre celui-ci est souvent considérée comme n'étant pas réaliste et efficace. Affronterez-vous ce thème au cours du voyage ?

Benoît XVI - Je dirais le contraire : je pense que la réalité la plus efficace, la plus présente sur le front de la lutte contre le sida est précisément l'Eglise catholique, avec ses mouvements, avec ses différentes réalités. Je pense à la Communauté de Sant'Egidio qui accomplit tant, de manière visible et aussi invisible, pour la lutte contre le sida, aux Camilliens, à toutes les religieuses qui sont à la disposition des malades... Je dirais qu'on ne peut pas surmonter ce problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. Si on n'y met pas l'âme, si les Africains ne s'entraident pas, on ne peut pas résoudre ce fléau par la distribution de préservatifs : au contraire, le risque est d'augmenter le problème.

La solution ne peut se trouver que dans un double engagement : le premier, une humanisation de la sexualité, c'est-à-dire un renouveau spirituel et humain qui apporte avec soi une nouvelle manière de se comporter l'un avec l'autre, et le deuxième, une véritable amitié également et surtout pour les personnes qui souffrent, la disponibilité, même au prix de sacrifices, de renoncements personnels, à être proches de ceux qui souffrent.

Tels sont les facteurs qui aident et qui conduisent à des progrès visibles. Je dirais donc cette double force de renouveler l'homme intérieurement, de donner une force spirituelle et humaine pour un juste comportement à l'égard de son propre corps et de celui de l'autre, et cette capacité de souffrir avec ceux qui souffrent, de rester présents dans les situations d'épreuve. Il me semble que c'est la juste réponse, et c'est ce que fait l'Église, offrant ainsi une contribution très grande et importante. Nous remercions tous ceux qui le font".

mercredi 18 mars 2009

Vient de paraître!

Jonas ou le désir absent
Guillaume de Tanoüarn
Format : 20.5 x 13.5 cm
Pages : 112
Prix : 14 €
ISBN : 978-2-916727-44-8
Date de parution : 2009

Lu sur le site de l'éditeur:
«Je voudrais vous parler d’une aventure, de l’aventure chrétienne qui s’entreprend souvent par un livre, Le livre, la Bible. Le chrétien conquiert la liberté de son humanité en lui-même par une grâce de Dieu venue d’ailleurs. Mais il ne l’obtient qu’en tranchant, à la manière d’Alexandre, le nœud gordien des désirs, le nœud gordien de son cœur.«Pour mieux percer les secrets de ces appétits du cœur, je vous invite à tourner les pages de ce Livre biblique à leurs mesures, c’est-à-dire sans mesure. Un Livre qui transcende les énoncés trop humains, un livre de réflexion et de vérité sur les aspirations humaines et leurs idoles, une méditation qui trouve son achèvement en Marie-Magdeleine la pécheresse de l’Évangile. Face à la déshérence d’un désir tiraillé entre spiritualité et animalité, Marie-Magdeleine nous invite à ouvrir notre cœur au Christ qui seul comble l’abîme intérieur des assoiffés d’absolu, gens de la rue ou philosophes. »

Un parcours hors du commun à travers les Écritures, dans ses éclairages philosophiques les plus contemporains.

L’auteur

Né en 1962, docteur en philosophie, Guillaume de Tanoüarn est prêtre et membre de l’Institut du Bon Pasteur. Directeur du Centre Saint-Paul à Paris et de la revue Objections, il est l’auteur d’une thèse sur « Les prodiges de l’analogie » chez le cardinal Cajetan (1469-1534) à paraître au Cerf en 2009.


Vous faites quoi dans la soirée du 7 avril?

Le 7 avril à 20H15 parce que c’est le jour et l'heure où Christian Marquant viendra au Centre Saint Paul dans le cadre des «conférences» du mardi. Et «conférence» parce que c’est le terme consacré même si dans ce cas «causerie» conviendrait mieux. Marquant, donc, viendra nous causer du Motu Proprio et de sa (non)réception dans les paroisses. Pour ceux qui ne connaissent pas : Marquant, c’est 40 ans de militantisme. Marquant, l’homme qui n’abandonnera jamais. Marquant, à qui j’ai joué un tour pendable à la sortie d’une réunion – en renvoyant vers lui un tout jeune militant qui cherchait absolument quelqu’un à qui expliquer ce qu’était le MJCF. Marquant, donc, si vous ne vous satisfont pas les réserves d’Indiens ni les arrières-boutiques aménagées. Le danger c’est qu’il est communicatif et que vous pourriez bien vous retrouver un dimanche matin à tracter «pour la diversité liturgique dans le diocèse de…». Gageons qu’il vous en parlera.

le lien vers les coordonnées et le plan d'accès

Laïcité à la française: l'entorse d'Alain

L'AFP nous apprend que...
... l'ancien Premier ministre Alain Juppé (UMP), interrogé mercredi par France Culture sur les propos de Benoît XVI contre le préservatif, a estimé que "ce pape commence à poser un vrai problème", car vivant "dans une situation d'autisme total" - De religion catholique "parce que je suis né dedans" et parce que "je suis attaché aux valeurs chrétiennes", le maire de Bordeaux a assuré: "ce pape commence à poser un vrai problème".
Autrement dit Alain Juppé est catholique comme on est breton, ou morvandiau, ou breton par sa mère et morvandiau par son père. Et son attachement va "aux valeurs chrétiennes" - terme au contenu fluctuant et assez vague, qui empreinte ces derniers temps au respect des aînés, à l'amour de ses enfants, à l'interdit du vol du viol et du meurtre, à la tolérance, aux droits de l'homme, à la solidarité, et à l'entraide. Toutes choses qui sont bonnes mais qui ne sont pas spécifiquement chrétiennes ni même religieuses - et c'est heureux. Il faudra qu'un jour quelqu'un dise à Alain Juppé que le christianisme c'est autre chose. C'est: adorer un Juif crucifié.

Ensuite, il y aurait pas mal à dire sur l'emploi abusif du terme autisme qui est une maladie (n'en déplaise aux Caisses de Sécurité Sociale) et non une attitude. Ce que nous dit Alain Juppé, en bon français, c'est que le pape n'écoute pas les gens comme lui. Mais qu'a donc Juppé de spécial pour que le pape l'écoute? il est un technocrate brillantissime mais quel est son "plus" spirituel? quelle est sa stature morale? Qu'a-t-il spécifiquement fait dans ses mandats qui le qualifie auprès de l'Eglise? Je creuse - je ne trouve pas.

Peut-être Alain Juppé a-t-il une foi aussi ardente que discrète, mais puisqu'il parle de sa religion écoutons-le - clairement, ce n'est pas ce qu'il dit. Il me semble qu'Alain est plus simplement l'un de ces catholiques sociologiques (l'on comprend qu'un pape comme Benoît XVI leur pose "un vrai problème") qui n'évoquent leurs origines qu'en contre-point, 9 fois sur 10 pour donner du poids à leur critique de l'Eglise. Quand on y pense, tout de même, un politique qui s'appuie sur ce qu'il pense être son catholicisme, quel entorse à la laïcité à la française!

Suis-je à ma place ?

Ce soir au Centre Saint Paul, conférence de secours, alors que le conférencier prévu était bloqué sur les rails à 400 km de Paris. Les joies de la SNCF, quand elle décide de "nous faire préférer le train" !

Avec mon ami Daniel Hamiche, l'homme qui ne dit jamais non, nous organisons une conférence de secours sur l'actualité de l'Eglise. Thème : l'évêque de Recife, Mgr Sobrinho, a-t-il eu tort ou raison de fulminer une excommunication contre la mère d'une enfant de neuf ans, violée, enceinte de jumeaux et sur laquelle on a pratiqué un avortement ? Daniel s'est renseigné avec minutie sur les circonstances qui entourent ce fait. Alors qu'il m'avait semblé assez mitigé dimanche, ce soir, il défend l'évêque de Recife. Résolument. Selon lui, il aurait fallu "tenter de donner une chance de vivre à ces deux petits êtres". L'excommunication est donc fondée, pour rappeler cela.

Ma position est à l'opposé : ces enfants n'avaient aucune chance de vivre. Ils mettaient bien malgré eux la vie de leur mère en danger. La gravité de l'acte n'est pas telle, si l'on y ajoute les circonstances, que l'on doive considérer l'excommunication comme jetée "ipso facto" (latae sententiae) contre la maman. La sentence portée par l'évêque est-elle simplement prudente ? Évidemment non. Je vais détailler tout cela tout à l'heure.

Une amie et néanmoins paroissienne me fait remarquer : "Vous étiez à contre emploi ce soir, le laïc défendant l'Institution et le prêtre critiquant son fonctionnement."

Il est vrai que nous assistons en ce moment par le biais de la mondialisation des "infos" à une formidable campagne de dénigrement contre l'Église et contre le pape. Ainsi dans l'avion qui menait le pape au Cameroun, c'est reparti sur le préservatif.

Mais je crois qu'il faut en cela aussi imiter Benoît XVI et ne pas perdre ni son calme ni le sens de la vérité. Du reste Mgr Reno Fisichella, président du Conseil pour la vie, est lui aussi assez critique vis à vis de Mgr Sobrinho archevêque de Recife dans les colonnes de L'Osservatore romano.

Voici ce qu'il dit : "Carmen (le prénom qu'il a décidé de donner à cette petite fille violée par son beau père) devait tout d'abord être défendue, embrassée, caressée avec douceur pour lui faire sentir que nous étions tous avec elle ; tous, sans aucune distinction. Avant de penser à l'excommunication, il était nécessaire et urgent de sauvegarder sa vie innocente et de la ramener à un niveau d'humanité dont nous, les hommes d'Eglise, devrions être des annonciateurs experts et des maîtres. Il n'en a pas été ainsi et, malheureusement, la crédibilité de notre enseignement s'en ressent, apparaissant aux yeux de tant de personnes comme insensible, incompréhensible et privé de miséricorde".

On peut penser qu'un tel texte, publié dans les colonnes du Journal Officiel, reflète l'opinion du pape.

Ayant reçu de votre part un certain nombre de questions, suite à mon dernier message (voir les Commentaires), j'ai entrepris d'y répondre avec les moyens du droit canon. Et, ne croyant pas savoir ce que je ne sais pas, j'ai demandé une note au brillant supérieur de notre maison de Rome. Il s'est pris au jeu, au point je crois que vous retrouverez bientôt la substance de cette note (sous forme d'article) sur le blog de l'ibproma, en Tribune libre.

Je me contente pour lors de souligner que le canon 1324 comporte un grand nombre de circonstances qui excusent de l'excommunication ipso facto (c'est-à-dire : sans qu'il y ait de sentence portée par un tribunal).

Apparemment l'évêque de Recife a décidé de porter lui-même une sentence d'excommunication contre la mère de la fillette. Il sort ce faisant de la lettre du code, qui ne prévoit pas qu'une telle sentence soit portée personnellement par l'évêque puisqu'elle est fulminée ipso facto par le Code.

Il fallait pour agir ainsi - pour porter personnellement la sentence - que l'évêque de Recife ait de bonnes raisons de le faire. Une peine comme l'excommunication m'a appris Alphonse Borras, est toujours médicinale. Elle est portée pour faire du bien. Or le moins que l'on puisse dire, c'est que, du bien, la sentence de Mgr Sobrinho n'en fait guère à travers le monde, comme le remarquait Mgr Fisichella.

Comment expliquer cette erreur d'appréciation de Recife ? Mgr Sobrinho a réagi, face à un montage médiatique, destiné à faire évoluer la politique restrictive en vigueur au Brésil, en matière d'avortement. Son jugement a été sans doute posé selon des critères de politique locale qui nous échappent. Mais la mondialisation des informations entraîne une dimension qui nous échappe. Le jugement prudentiel d'un évêque ne peut plus être fait simplement de politique locale, mais d'une vision générale de l'Eglise, de ses besoins, de ses ennemis et de la manière dont elle s'adresse à ceux qui ont perdu. Drôle de boulot !

lundi 16 mars 2009

Recife et l'avortement

Juste une question : une fille de 9 ans (9 ans), enceinte de jumeaux, peut-elle les mener à terme ? Peut-elle en accoucher sans danger grave pour sa propre vie ?

L'avortement qui a provoqué l'excommunication de la mère de l'enfant par l'archevêque de Recife était d'une façon ou d'une autre un avortement thérapeutique. Or d'après le Code de droit canon un avortement thérapeutique n'est pas passible de la sanction (médicinale faut-il le rappeler ? autrement dit: corrective) d'excommunication.

Il me semble que se poser le problème aurait évité de donner de l'Evangile de la vie dont l'Eglise est chargée une caricature moralisatrice, dont tout le monde se moque impunément.

Le drame là encore est que l'on s'écarte de la morale traditionnelle de l'Eglise qui est une morale prudentielle (considérant toujours le rapport des moyens à la fin) et casuistique (c'est-à-dire personnaliste : acceptant, avec la loi universelle, de poser chaque "cas" dans sa singularité) et non une morale de l'impératif catégorique, qui ferait toujours voir la réalité en noir et blanc.

Le drame est que l'on tend à faire de la morale une des fins de l'enseignement de l'Eglise, qui travaillerait ainsi (selon Gaudium et spes) à l'union des coeurs et (selon Lumen gentium) à l'unité spirituelle du genre humain, autour de valeurs laïques comme le respect de la vie. Ce n'est pas là le rôle premier et directement voulu de l'Eglise, qui travaille avant tout pour le salut de chaque personne humaine, c'est-à-dire, comme l'a très bien rappelé récemment en des circonstances difficiles Mgr André Vingt-Trois (je cite de mémoire), qui ne demande pas un certificat d'impeccabilité (ou de citoyenneté) avant de rentrer, puisque c'est justement non pour les justes mais pour les pécheurs que le Christ est venu dans le monde.

L'Eglise ne propose pas aux hommes une morale, elle propose la foi. Et c'est la foi qui, parce qu'elle est "active dans la charité" comme dit saint Paul (Gal 5, 6) nous fait agir bien, de manière à ce que nous soyons capables, chacun d'entre nous, d'offrir notre propre sacrifice intérieur.

jeudi 12 mars 2009

Mgr Fellay pris au mot ?

Après la Lettre aux évêques du monde, produite par Benoît XVI aujourd'hui, Mgr Fellay, supérieur de la FSSPX s'est félicité que le débat se trouve ainsi élevé par le pape lui-même au niveau qu'il mérite : le niveau doctrinal.

Mais peut-on parler doctrine avec le pape d'égal à égal ?

Ce pape "monarchique" qu'est Benoît XVI, ce pape profondément conscient de sa dignité ne le conçoit certainement pas.

La partie apparaît donc hélas particulièrement difficile pour Mgr Fellay désormais, quoi qu'il en dise. Et peut-être pas seulement pour lui s'il est vrai que c'est la "ligne Castrillon" (celle d'un accord tout pratique) qui se trouve aujourd'hui désavouée implicitement dans la Lettre aux évêques.

mardi 10 mars 2009

trois messes chaque jour

Pendant chaque jour de Carême, du lundi au samedi
  • Messe à 08h00
  • Messe à 12H30
  • Messe à 19H00
Centre Saint-Paul | 12 rue St-Joseph | 75002 Paris | 01.40.26.41.78

Le Père Ange de Bellaigue

Il y a un an, le 9 mars 2008, s'éteignait le Père Ange. Un moine dans toute la force et dans toute la beauté de ce terme. Monasticus : un homme seul. Il s'est battu seul contre la maladie qui l'a emporté. Il s'est battu en offrant sa vie, il s'est battu en mettant sa vie en jeu pour ses frères. Le moine est forcément un solitaire, par le silence dont il s'entoure. Mais le moine n'est pas un ermite. Il vit pour ses frères. Ce qui est frappant pour tout visiteur au fin fond de la Combraille, à Bellaigue, ce qui m'a frappé lorsque je suis passé les voir, lorsque je me suis arrêté chez eux, en 2004, c'est la sérénité des moines, dont on sentait qu'ils étaient bien gouvernés. Le Prieur étendait sur chacun d'eux le manteau de sa riche vie intérieure et de la liberté qu'une telle intensité confère. Quel rapport entre frère Matthieu le bulldozer et frère Bernard, l'intellectuel ? La profondeur de la vie intérieur dont le supérieur est toujours le garant ultime. Contre l'illusion. Contre la fausse rigueur. Contre la superficialité.

Le Père Ange a voulu offrir sa vie pour le pape. J'avais eu l'occasion de réaliser un entretien avec lui pour la lettre Pacte. Et j'avais été impressionné par la conscience tranquille qu'avait ce moine de son autorité. Qu'il ait voulu offrir sa vie, lui si jeune encore, la quarantaine juste dépassée, pour le pape, c'est, je crois, parce qu'il savait combien dans le Royaume de Dieu, le petit Royaume du Monastère, le grand Royaume de l'Eglise universelle, l'autorité assumée est une chose grande et salutaire.

Le Père Ange insista, avant de mourir, sur l'essentiel de la vie monastique, qui est l'amour. Amour et autorité ? Quoi qu'en pensent ceux que Bernanos appelait les imbéciles, c'est la même chose. L'exercice serein de l'autorité est un service, comme le Christ l'enseigne explicitement (Lc 22, 24). C'est cet exemple que nous laisse le Père Ange, venu de son Brésil natal, faire vivre en France un foyer ardent de vie monastique, dans le dénuement, dans le froid, dans la joie de la fidélité. Merci à vous, Père Ange et priez pour nous !

lundi 9 mars 2009

Politesse et amitié

Deux questions ont retenu mon attention, parmi vos récentes contributions à la tenue de ce blog : l'une sur l'amitié entre homme et femme, l'autre sur la politesse. Je voudrais les aborder ensemble, quitte à y revenir dans le détail, parce qu'il me semble qu'elles renvoient l'une et l'autre à ce que l'on peut appeler la christianisation des mœurs.

J'ai été élevé avec quelques leit-motiv par ma chère maman, et parmi ceux-ci, celui sur la politesse : "c'est la fleur de la charité". Je crois qu'effectivement la politesse renvoie, en pays chrétien, à une délicatesse pour l'autre quel qu'il soit. Elle manifeste l'égalité fondamentale des hommes entre eux au-delà de la diversité des conditions. Qui dira la politesse d'un prince chrétien authentique, ce mélange de familiarité, de proximité et de distance qui forme un cocktail inimitable, ce que l'on a fini je crois par appeler "la classe".

Dans le monde bourgeois, né au XIXème siècle, dont Frédéric Rouvillois s'est fait l'historien érudit et drôle, la politesse, naguère "fleur de la charité" devient son contraire : un code de reconnaissance. Un exemple ? Le baise-main, indépendamment de la beauté du geste, sur laquelle je vais revenir à l'instant, devient une manière de manifester "qu'on en est" et que les autres "n'en sont pas". Il me semble que celui qui m'a posé la question de la politesse était particulièrement sensible à cet aspect élitaire, qui n'a effectivement plus rien de chrétien et qui renvoie bêtement à une sociologie.

Lorsqu'on parle de la politesse, il me semble qu'il faut soigneusement distinguer ces deux dimensions, toutes deux largement caduques socialement. On ne peut pas se passer d'une forme de politesse, surtout en tant que chrétien. Il faut donc se souvenir d'avoir à choisir des formes, les moins artificielles possible, qui permettent de manifester à chacun quelque chose de la divine charité.

Quant au nouveau milieu censé incarner "l'élite", le "milieu" bourgeois-bohême, dit couramment bo-bo, il se caractérise par une simplicité affichée et revendiquée, par une camaraderie qui provient, me semble-t-il avant tout d'une sorte de nivellement des classes, au sein de ce groupe, chacun renonçant à avoir son histoire personnelle pour mieux arborer les signes ostensibles de la branchitude ordinaire (Ah les marques !), dans un souverain mépris pour qui ne les a pas. C'est un nouveau code, ce n'est qu'un code, qui ne doit pas nous empêcher de cultiver notre naturel (et donc nos différences), quitte à jouer le jeu du code et de sa superficialité de temps en temps quand il en vaut la chandelle.

Dans ce milieu, on cultive la camaraderie entre hommes et femmes, jusqu'à parvenir à un comportement "unisexe", que la mode vestimentaire favorise évidemment. Le prestige de la culture homosexuelle influence aussi les comportements dans ce sens.

Il est clair que cette camaraderie ordinaire (qui ne laisse que msn pour "draguer") n'a rien à voir avec l'amitié entre homme et femme que le christianisme (religion des personnes libérées par le Christ) a rendu possible. L'amitié entre homme et femme qu'évoque mon correspondant naît de la diversité des perceptions et de la vision du monde qui sont celles d'un homme et d'une femme. Autant, en particulier entre hommes, très rapidement la rivalité risque de l'emporter sur l'amitié, chacun voulant faire la preuve en tout domaine qu'il est meilleur que l'autre (combien de temps met-on en Porsche pour faire Marseille Paris ? 3h 30, mais alors avec une 911, parce que les autres, c'est pas des Porsche etc. Je me souviens d'un dîner hallucinant où j'ai vu comment l'amitié entre hommes dégénère très vite en rivalité quand les centres d'intérêt sont trop proches. Ajoutons quelques femmes qui assistent à l'échange et le cocktail est détonnant), autant, dans une perspective chrétienne, entre hommes et femmes maîtres d'eux-mêmes et qui ne sont pas des obsédés de la bagatelle, il existe une sorte de gratuité à la fois reposante et stimulante. La spirale rivalitaire, chère à René Girard, ne risque pas de se mettre en marche et la complémentarité des sexes permet un enrichissement que l'on ne soupçonne pas forcément. La camaraderie unisexe, que nous évoquions à l'instant, n'a pas grand intérêt, elle signifie toujours un appauvrissement. Mais l'amitié entre homme et femme, que permet le christianisme, par le raffinement et par l'égalité personnelle qu'il introduit dans les mœurs, me semble une richesse considérable.

Je vais prêcher pour mon saint : je crois que pour des prêtres, l'amitié féminine est un facteur d'équilibre important.

... à suivre...

jeudi 5 mars 2009

Ah ! La communion ecclésiastique

Rencontré aujourd'hui un dignitaire ecclésiastique. Aimable avec moi. Sincèrement attaché à sa charge. Rien d'un révolutionnaire. Admettant que la liturgie doit retrouver toujours d'avantage le sens du sacré. Un homme d'Eglise très représentatif en somme. En clergyman gris. Avec moi qui ne porte pas de col, ça faisait une moyenne !

Son problème ? construire la communion ecclésiastique (on parle de "communion" tout court entre initiés). Ou ne pas la troubler.

Nous parlions à bâtons rompus depuis une vingtaine de minutes et j'eus l'impression, brutalement, que lui et moi, nous ne donnions pas le même sens au mot communion. Pour lui la communion c'est l'union à réaliser ou à conserver d'un presbyterium et de quelques dizaines de laïcs responsables. Une affaire de camaraderie. De respect mutuel. De consensus surtout. Pour moi, j'imaginais naïvement la communion à travers la doctrine classique des tria vincula, l'unité de foi, l'unité de culte et l'unité de discipline.

Il me paraissait que la foi ne se négociait pas. Quant au culte, l'unité existe, surtout si comme l'explique Benoît XVI le rit renouvelé et le rit classique sont deux formes, l'une ordinaire, l'autre extraordinaire, de l'unique rite latin. La discipline ? En tant qu'assistant d'un Institut de droit pontifical, il me semblait que j'en étais en quelque sorte a priori respectueux.

Surprise ! Le dignitaire en clergyman gris m'explique que la communion est toujours "à faire" entre nous. Il en a, lui, une vision toute personnelle voire personnaliste. La communion, selon lui, c'est l'échange réel - ou plutôt, parce qu'il y a peu d'échange possible, l'accord présumé - entre les personnes. C'est la collectivité en acte.

On peut penser qu'il y a là la vision d'un homme de terrain, d'un bâtisseur de communion.

Mais on peut se demander aussi s'il est possible de bâtir la communion, comme si l'Eglise était une collectivité purement humaine. Comme si, dans le consensus recherché, se trouvait nécessairement l'unité voulue par Dieu. "Si le Seigneur ne construit pas la maison, c'est en vain que travaillent les maçons". Oh ! Ils mettent du ciment ou du béton dans leurs constructions, qui s'élèvent aux yeux de tous. Mais ces constructions sont aussi "vaines" que le fut en son temps la Tour de Babel : In vanum laboraverunt. Ils n'ont pas "rien fait" ces ouvriers qui oublient la priorité des plans du Seigneur, mais ils ont fait "des riens", ils ont oeuvré "en vain", "pour rien".

Au-delà de la critique théologique, qui me semble nécessaire, on peut se demander ce que cette "gouvernance" qui a pour but le consensus peut produire de grand en période de crise. Mieux vaut la libre initiative du petit patron, toujours prêt à faire bouger les lignes, que le jeu trop lourd d'états majors qui ne fonctionnent que dans une perpétuelle reproduction du même.

Au fond, la grande question dans l'Eglise est celle du camarade Lénine : Que faire ?

mercredi 4 mars 2009

Dialogue avec Antoine : dogme et dogmatisme (1)

Je remercie Antoine que je ne connais pas de ses contributions régulières sur ce Blog. Cette fois j'ai un peu tardé à lui répondre. Mon excuse ? Il est plutôt pointu le gars ! Jugez-en : je vous redonne son texte, paru en commentaire de mon article sur la vérité (voir les publications du mois dernier) :
"M. l'Abbé, votre propos suscite une somme de réflexions et de considérations... Mais une domine les autres : si le Vrai est toujours autre ou toujours nouveau, on voit le risque pour les chrétiens : c'est d'en avoir autant d'expression que de bouches qui la profèrent et finalement, d'aboutir à une division totale des esprits...Comment peut donc se faire l'unité des catholiques autour de cette Vérité ? Est-ce une unité des cœurs, convergeant dans sa recherche ? Ou n'est-ce pas plutôt une unité autour du Magistère, chargé de l'expression authentique de la Vérité ?

"Et cela m'amène à une considération polémique dont je ne peux m'empêcher : c'est ce qui me semble être un dévoiement de la notion de magistère opéré par la FSSPX : si la Tradition est ce qui a été cru toujours et par tous selon le canon de St Vincent avec une adhésion diachronique aux vérités énoncées, cela ne s'oppose-t-il pas directement à cette notion de Vérité toujours nouvelle que vous exposez ? Cette note de "diachronisme" obligerait à figer en qq sorte l'expression de la Vérité dans le temps, et priverait le magistère vivant de tout rôle dans l'expression renouvelée de la Vérité ?

"Mais jusqu'où peut aller le renouvellement de l'explicitation de la Vérité ? Non nova, sed nove, disait Grégoire XVI en son latin... Mais le magistère a-t-il des limitations dont nous-mêmes pourrions juger ?Ou plutôt, n'est-ce pas la mise en œuvre de la phrase de St Paul qui peut nous éclairer : la lettre tue mais l'Esprit vivifie. Et seul le magistère de l'Eglise est en mesure de bénéficier de l'Esprit conformément aux promesses du Christ ?
"Bref, je pose des questions orientées, mais il me semble que le fond du pb, de la crise, c'est une vision défaillante du magistère, tant du côté moderniste que traditionaliste, et bien souvent on préfère s'en remettre à sa propre interprétation plutôt qu'à la seule autorisée, avec en conséquence des divergences fondamentales puisque la Vérité est toujours autre ? Et puis, je ne suis pas certain d'avoir totalement compris vos propos : en fonction de mes questions, vous pourrez me remettre dans le droit chemin ! Merci d'avance, M. l'Abbé".
Merci à vous, Antoine. Vous posez en 2000 signes les problèmes essentiels que l'on aborde en première année de théologie fondamentale. Avantage service : vous les posez en situation, en réfléchissant à des mouvements (la FSSPX) et à des positions que nous devons tous prendre, si tant est que nous souhaitions ne pas mourir idiots !

Je ne peux pas répondre à tout du premier coup. Mais promis, je vous répondrai ! J'ai fait, verbalement ou en intention, c'est-à-dire virtuellement sur ce blog, la même réponse à d'autres. Qu'ils n'hésitent pas à me rappeler à l'ordre (gdetanouarn2@wanadoo.fr).

Tout à l'heure, en lisant l'épître d'Isaïe que nous avons au mardi de la première semaine de Carême, j'ai eu une illumination : ce texte conviendrait bien pour répondre à la question délicate que me pose Antoine. Le voici donc :

"Mes pensées ne sont pas vos pensées, vos voies ne sont pas mes voies, dit le Seigneur. Autant le Ciel est élevé au dessus de la terre, autant mes voies sont élevées au dessus de vos voies, mes pensées au dessus de vos pensées" (Is. 55, 8).

Ce que j'appelle la nouveauté de Dieu, l'altérité de l'Absolument vrai est contenu dans cette déclaration formelle de Yahvé. Ne croyons pas que, parce que, dans la foi, nous possédons la vérité la plus grande qui puisse être donnée à un être humain, pour autant nous soyons détenteur d'une vérité qui nous rendrait semblables à Dieu. C'est le problème des intégristes : ils savent mieux que Dieu. "Un intégriste, disait Frossard bien inspiré, est un homme qui veut faire la volonté de Dieu, que Dieu le veuille ou pas". Un intégriste est quelqu'un qui s'imagine détenteur de l'Absolu. On sait les catastrophes morales que peut engendrer une telle conviction.

Mais alors demandez-vous, pourquoi y a-t-il des dogmes ? C'était la grandes questions des sociniens à la fin du XVIème siècle. C'est la question qui unit tous les modernistes historiques au début du siècle dernier. Question d'une importance capitale. Les réponses à cette mise en cause n'ont jamais été vraiment organisées, à ma connaissance du moins.

Disons que les dogmes constituent moins la preuve du caractère totalement identifiable (par l'homme) de l'Absolu divin, qu'ils ne marquent plutôt l'incapacité native de l'intelligence humaine à s'élever par elle-même jusqu'à la Parole de Dieu, et la nécessité où l'on se trouve de reconnaître, au-delà de notre propre raison, une autorité divine, celle de l'Eglise catholique, qui nous est garantie par le Christ lui-même dans l'Evangile (Matth. 16, 16 : "Tu es Pierre. Tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les Cieux") et qui nous enseigne la vérité, sans laisser chacun à sa propre herméneutique des textes.

Si la vérité divine n'était pas toujours une autre, les hommes n'auraient pas besoin de dogmes et s'élèveraient, par l'élan de leur propre conscience, jusqu'à la vérité divine.

En réalité, saint Augustin nous en a averti, en utilisant un mot encore rare à l'époque, le mot catholique qui signifie "universel" : "Je ne croirais pas à l'Evangile de Dieu si l'Eglise catholique ne m'y avait poussé".

De ce point de vue, on peut dire que le dogme, c'est l'inverse du dogmatisme. Le dogmatisme vient d'une trop grande sécurité de la raison, qui s'enferme dans ses propres affirmations, sans daigner examiner son aptitude à se prononcer sur l'Absolu. Par dogmatisme, on peut être absolument certain de quelque chose d'infiniment relatif. On peut aussi refuser absolument (nous qui campons toujours dans le relatif)le don que l'Absolu nous fait de sa Parole : aveuglement borné (et pas toujours coupable, étant donnés les conditionnements culturels actuels) de certains refus de Dieu...

Le dogme, au contraire, est l'expression authentique d'une vérité qui vient d'un Autre, qui en tant que telle est toujours fragile, mais qui manifeste, à travers l'offrande de notre esprit (obsequium mentis dit saint Paul), l'amour inconditionnel que nous éprouvons pour cette vérité qui nous dépasse.

C'est du dogme, vérité amoureusement reçue et transmise, qu'il faut dire, avec Pascal : "La vérité sans la charité est une idole".

mardi 3 mars 2009

Parler d'amour ?

Ce soir, au Carré parisien, rue du général Beurré (ça ne s'invente pas !) dans le XVème, je donnais une conférence sur l'amour à destination de jeunes... L'idée ? Interroger la littérature parce qu'elle nous dit la vérité sur l'amour. L'intitulé du cycle : Amour et littérature, un regard chrétien. Au rendez-vous les grands classiques : Denis de Rougemont dans L'amour et l'Occident, Charles Maurras dans Les amants de Venise et René Girard dans le merveilleux Mensonge romantique et vérité romanesque (en Livre de poche). Rien que du classique ! Les œuvres étudiées ? Là c'était plus compliqué, à cause de mon manque de temps chronique (à propos, pardon aux habitués de ce Blog pour mon trop long silence. Au Séminaire français à Rome, toutes les connexions sont sécurisées. Impossible de vous envoyer un petit mot après Minuit, comme ce soir). Disons que j'ai évoqué Tristan et Iseut (après Rougemont dont l'analyse est fine), Balzac : La duchesse de Langeais (un texte puissant sur les amants qui ne se "connectent" jamais), Stendhal : Le Rouge et le Noir, Flaubert : Madame Bovary (et le "bovarysme" cher à Jules de Gaultier) et puis une petite nouvelle de Stefan Zweig, récemment éditée chez Grasset, Le voyage dans le passé : tout Zweig en 60 pages. Pour les contemporains ? L'inévitable Milan Kundera, sans doute le plus grand romancier vivant, un Tchèque qui écrit en français, et qui, dans L'insoutenable légèreté de l'être, propose l'amour comme "thérapie à la limite" face aux emballements du désir.

Que dire sur un sujet si vaste ? La moraline estampillée "catho" pour la circonstance, n'est pas de saison, Nietzsche a raison sur ce point ! On ne soigne pas une plaie béante avec des tisanes. D'où la référence à la littérature. Les grands auteurs de tous bords ne s'y sont pas trompés. ils disent d'ailleurs toujours plus ou moins la même chose. La littérature, René Girard l'a merveilleusement démontré, dit la vérité. Il suffit d'exposer.

Depuis l'amour courtois, la culture européenne se représente l'amour comme une sorte d'Absolu qui ne peut se réaliser que dans la mort. Je n'ai pas été jusque là avec mon auditoire, mais réfléchissons : lorsque Jacques Lacan ose dire que "le réel c'est l'impossible", il est marqué par cette culture, où l'amour est ce dont on n'a pas l'expérience, ce qui dépasse la capacité d'un être humain normalement constitué, bref : l'impossible. Le suicide de Stefan Zweig avec sa deuxième épouse n'est pas l'histoire du bûcher funèbre d'un maharadjah. C'est une figure littéraire, que l'on retrouve d'ailleurs au cinéma ou dans la chanson. Cette image, ce mythe influence les comportements (même si tout le monde n'est pas Zweig). Qui dira le bal étrange de l'amour et de la mort ?

Pierre Boutang avait compris que ce mythe amoureux pouvait introduire l'analyste à un "apocalypse du désir", c'est-à-dire à un dévoilement de la vérité de l'amour par contraste. Cette vérité de l'amour est bien évidemment chrétienne.

Le christianisme sauve l'amour de la mort en lui donnant un objectif digne de son élan : le mal. D'une manière ou d'une autre, tout amour véritable a pour objet premier de surmonter le mal. Dans l'amour humain, il est impératif d'aimer les défauts de l'autre. Dans l'amour divin, l'instinct sert de matière oblative à l'amour. Mais l'amour est toujours l'art de passer les obstacles ou de les transformer en provocation vers un plus grand amour et vers une autre vie. "Tout coopère au bien pour celui qui aime Dieu" écrit saint Paul qui parle d'expérience.
On peut faire comme si le mal n'existait pas, comme s'il était pour les autres, comme s'il ne se réalisait que marginalement dans un monde qui devrait forcément être le meilleur des mondes possibles... Dans ce cas, le désir, perçu comme idéal ou idyllique, nous renvoie forcément à la mort. La petite devient un avant goût de l'autre. Eros rencontre infailliblement Thanatos.

Le seul amour qui survive, c'est celui qui en soi ou chez l'autre, dans le couple, dans le monde et jusqu'à la vie éternelle, AFFRONTE LE MAL sans barguigner, et d'abord sait l'appeler par son nom, sans tricher. Le seul amour qui survive est un amour rédempteur. Les catholiques préciseront : amour co-rédempteur, car le seul amour rédempteur, le seul qui ait un jour définitivement vaincu la mort par la résurrection c'est l'amour du Christ. Nous n'aimons bien, que nous le sachions ou que nous ne le sachions pas, que dans le Christ.

Je vous laisse sur une formule de Simone Weil, qui dit d'une traite ce que je m'échine à montrer : "Le mal est à l'amour ce que le mystère est à l'intelligence : il le rend surnaturel".