vendredi 25 avril 2008

Une mise au point

Dans un texte que j'ai publié sur le Forum, j'exhortais la FSSPX à ne pas céder à la fièvre rallieuse. Certains, ici même et à plusieurs reprises (m'a-t-on signalé), en ont conclu que j'aurais des remords d'avoir signé un acte d'adhésion et d'avoir obtenu, avec l'abbé Laguérie et quelques autres prêtres la reconnaissance canonique de l'Institut du Bon Pasteur, et cela parce que je serais moins libre qu'auparavant. Des remords ? Moins libre ? Mais où vont-ils chercher tout ça ? Dans l'acte d'adhésion que nous avons signé, il est stipulé que nous gardons un droit de critique constructive du Concile. Je dirais même que parmi les communautés ED, c'est cette liberté critique qui fait notre spécificité, notre charisme. Rien à voir, entre parenthèses justement, avec ce que l'un d'entre vous appelle des accords pratiques. Nous portons fièrement la marque de fabrique de Benoît XVI : ce que nous avons signé ce sont (tant sur le Concile que sur la messe) des accords sur le fond. Nous avons pu le faire grâce aussi à notre petite taille : small is beautifull, parfois.

J'ai écrit que la FSSPX ne devait pas se presser de signer. Signer pour signer n'a pas de sens. Signer quoi ? Pour aller où ? Il faut pouvoir être fier de ce que l'on signe avec le Père commun des fidèles (comme je l'ai été et le suis moi même), ou alors cette signature n'est qu'un chiffon de papier, qui vous met en danger. Signer un chiffon de papier qui engendrerait la division et l'auto-destruction de la FSSPX, cela ne constitue en rien une solution. Par ailleurs, pour être capable de signer un véritable accord, il faut savoir et faire savoir où l'on va. Et pas se référer à des événements qui ont quinze ans. Pas reprendre en boucle un discours que l'on n'a pas revu (ou retravaillé) depuis quinze ans. Comme si rien n'avait changé.

Lorsqu'on entend, venant de la FSSPX ou de ses amis (dont je fais partie) : le moment n'est pas encore venu de signer, cette expression peut être prise en deux sens.
Soit : il n'est pas temps de signer, parce que Rome n'est pas allé assez loin dans la Restauration. Et je pense que ce motif est lâche et qu'il conduit à reporter le souci de l'unité de l'Eglise après la parousie. il y aura forcément toujours une raison d'ici là pour dire que cela va mal et rester dehors.
Soit encore, en un sens tout différent : il n'est pas temps de signer parce que la FSSPX n'a ni l'unité interne ni la force nécessaire pour affronter immédiatement une telle mutation. En signant trop vite (quoi ? Pour aller où ?) elle risque d'exploser en vol, pour le plus grand malheur de toute la chrétienté. Le combat est difficile. Les épiscopats ne souhaitent pas forcément pratiquer la vertu d'accueil. Un bon accord est un accord qui se signe en force. Il faut que la FSSPX résolvent d'abord des difficultés internes. Elle doit le faire petit à petit, en soutenant résolument, au jour le jour, tout ce qui, dans l'action providentielle de Benoît XVI, demande à être soutenu. Voilà ce que j'expliquais dans le post que vous citez.

Dans cet esprit, j'ai écrit aussi, dans le même post, que vous ne citez que tronqué : la FSSPX doit s'engager pour l'Eglise et pas seulement en lançant des campagnes du Rosaire, mais en faisant tout ce qui est en elle, en s'exposant comme s'exposait Mgr Lefebvre, en soutenant le pape, dont certains textes sur l'oecuménisme aux Etats Unis sont simplement magnifiques, dont certains textes sur la liberté religieuse sont très éclairants.

L'un d'entre vous se demande à quel titre j'interviens. J'interviens simplement parce que j'aime la Fraternité Saint Pie X, dans laquelle j'ai passé quelque quinze ans de vie sacerdotale, dans des conditions qui ont toujours été privilégiées, à Libreville ou à Paris. Je crois la connaître mieux que ceux qui la défendent. Je ne me résigne pas à la voir disparaître dans l'insignifiance de discours préfabriqués que l'on ressert à toutes occasions et (au mieux) de campagnes de prières à répétition, qui constituent un alibi pour ne pas faire ce que l'on pourrait faire, ou dire ce que l'on devrait dire. L'Eglise me semble-t-il, attend de l'oeuvre de Mgr Lefebvre autre chose que ce genre d'alibis.


--------------------

La publication de ce texte sur le Forum Catholique a suscité la réaction suivante:

Concernant la cohérence interne de votre institut , j'ai du mal à y trouver,pour l'instant, l'unité dont vous faites reproche à la fsspx, pourtant bien plus importante numériquement. Il y a certes le charisme de M. l'abbé Laguerie, mais est-ce assez pour constituer une culture commune? Vos prêtres, en dehors des mérites individuels dont ils font certainement preuve, sont issus des autres instituts, dans des circonstances parfois difficiles.

C'est bien volontiers que je lui ai répondu:

L'IBP a bénéficié de circonstances exceptionnellement favorables, il n'y a pas de honte (beaucoup de fierté au contraire) à le reconnaître. J'avoue cher Arnold que l'on n'a toujours un peu de mal à parler de soi. Mais vous m'y poussez. Vous me mettez même en demeure de le faire. Je m'exécute donc.
Ce qui fait l'unité de l'Institut du Bon Pasteur - je dirais même son charisme propre - ce sont les perspectives ouvertes par Benoît XVI, le droit d'une critique constructive du Concile dans la foulée du discours du 22 décembre 2005 à la Curie, qui nous est explicitement marqué dans l'acte d'adhésion d'une part. La messe selon la forme classique comme rite propre d'autre part.
Je dirais enfin que s'il y a un esprit ou une spiritualité du Bon Pasteur, il faut les chercher dans son titre, qui met en avant deux valeurs fortes : le service, par lequel le Bon Pasteur met sa vie en jeu pour ses brebis ; la liberté des brebis qui entendent la voix du Pasteur et le suivent parce qu'elles le connaissent.
Nous sommes encore des bébés dans le temps de l'Eglise. Je ne parle de cela, cher Arnold, que pour répondre à votre insistance. J'espère que nous serons dignes de ces perspectives surnaturelles somptueuses et enthousiasmante.
Ce qui nous unit réellement c'est cette identité collective forte, mise au service de l'Eglise.
Quant à la FSSPX, je ne passe pas mon temps à en parler, rassurez-vous, mais je ne veux n'y m'en désintéresser totalement, alors que j'en ai fait partie pendant quinze ans, ni (et c'était la raison de mon dernier post) laisser circuler des interprétationss fausses sans réponses.

jeudi 24 avril 2008

24 mai - excursion à Vézelay

Pour fêter son 3e anniversaire le Centre Saint Paul organise une excursion à Vezelay le 24 mai 2008. Détails et inscription sur le site.

Il nous faut redécouvrir la France chrétienne. Pas comme une idée ou une idéologie. Plutôt comme une réalité qui nous touche et dans laquelle, chacun, habitant ce coin de terre béni de Dieu, nous sommes impliqués.
 
La colline de Vézelay, depuis un millénaire, se dresse en sentinelle au cœur de la Bourgogne. Marie Noël, Jules Roy, Max-Pol Fouchet, Romain Rolland au XXe siècle, beaucoup d’écrivains ont trouvé refuge dans ce silence sacré de la Madeleine, silence qui donne à celui qui accepte d’y entrer, même pour quelques heures, comme un pressentiment du désir qui étreignit toute sa vie le cœur offert de sainte Madeleine.
 
Abbé de Tanoüarn

mardi 22 avril 2008

Réponse à un ami sur le péché

Suffit-il de prendre conscience de son péché comme péché pour être sauvé ?
D'une certaine façon, oui, et c'est la bonne nouvelle du péché préface nécessaire à la bonne nouvelle du salut. Texte magnifique en ce sens, voyez l'entrevue avec le staretz Zossime dans Les frères Karamasov de Dostoievski.
La raison de cette merveilleuse facilité ? C'est l'amour de Dieu bien sûr d'abord, car c'est l'amour de Dieu qui anéantit nos péché : "Je suis venu pour chercher et sauver ce qui était perdu".

Et c'est aussi, je dirai mécaniquement, la foi qu'engendre ce regard humble (et non découragé ou anéanti) sur nous mêmes ; c'est cette prise de conscience qu'en vérité "Sans moi vous ne pouvez rien faire" pour combler l'abîme qui existe entre le temps et l'éternité, entre les caprices de l'instant et la perfection divine.

En revanche, oui, qui a mesuré l'ampleur de sa médiocrité, et qui est capable d'en souffrir, se tourne vers Dieu et reçoit le don surnaturel de la foi.
Cette foi ne se réduit pas à une simple proclamation, ou, si vous voulez à une carte d'assuré social dans le Royaume de Dieu, que l'on garde sur soi et dont on peut exciper sur demande le certificat dûment tamponné et administrativement en règle. La foi réelle (qui n'est pas purement nominale) est informée par la charité : Ce ne sont pas ceux qui crient Seigneur Seigneur, mais ceux qui font la volonté de mon Père qui entreront dans le Royaume des Cieux. Cette foi réelle rayonne dans l'épaisseur de notre vie de toute la tension (de tout l'élan) quelle introduit en nous. Elle nous fait entrer dans l'espérance de la gloire (qui devient petit à petit, subjectivement, consciemment, un vrai désir de voir Dieu).
Cette foi peut-elle changer mécaniquement les désirs de notre chair ou les angoisses de notre esprit ? Non. Etant surnaturelle, elle n'agit pas immédiatement sur notre nature. Schopenhauer soulignait : on ne change pas. La nature individuelle, mélange de déterminisme héréditaire et de caractères acquis dans l'adolescence ou la jeunesse, ne change pas. Nous rentrerons au Ciel comme nous sommes... Ce que la foi réelle transforme, ce n'est pas notre nature individuelle, c'est notre destinée de personne. Il y a dans notre existence (comme dirait Jankelevitch) ce je ne sais quoi, ce presque rien qui change tout (l'Evangile parle du levain dans la pâte ou de la petite graine sans apparence, la plus petite de toutes, qui devient un grand arbre : manière de nous prévenir. N'ayez pas peur, ça ne va pas être automatique : il faut du temps).
L'efficacité de l'Evangile ne se constate pas comme s'il s'agissait d'une sorte d'élixir. Les sacrements ne sont pas des potions magiques. Nous avançons dans l'obscurité. Mais il y a en nous cette transformation insensible, qui se réalise souvent au-delà de la conscience que nous en avons, mais qui est visible à l'extérieur, qui n'échappe pas par exemple à l'oeil de l'ami. Je dirais que souvent seules les vraies crises et notre capacité à y résister nous permettent de vérifier que silencieusement nous avançons.

Cette transformation, rétrospectivement nous pouvons le dire sans crainte, n'est pas une transformation de notre nature mais une découverte des ressources de notre naturel, c'est-à-dire des richesses (restées cachées parfois) de notre personnalité. J'aime énormément cette formule du Père Philibert de saint Didier : "La personnalité, c'est cette forme que de toute éternité Dieu a voulu pour notre sainteté".

Pour aller plus loin encore peut-être dans notre tentative d'élucidation spirituelle, il faudrait distinguer la personnalité (que nous découvrons, parce qu'elle est du côté de notre naturel) et le caractère (que nous acquérons, à force de faire face aux heurs et malheurs que nous traversons) et qui est comme l'ornement de notre personnalité. Un vrai chrétien ne saurait manquer de caractère. Disons plutôt si vous voulez, qu'un chrétien qui manque de caractère est un chrétien qui n'a jamais servi... qui n'a jamais fait face... Il me semble que lorsque nous acquérons, comme chrétien, tel ou tel trait de caractère (la générosité, le courage, la sobriété, la modération, l'attention etc.), nous pratiquons l'imitation de Jésus Christ. Non pas en l'imitant comme on pourrait copier un tableau, mais, si l'on écoute le cardinal de Bérulle, parce que Jésus est en nous le vray peintre de soi-même... Ce sont les vertus infuses, comme dit la scolastique, qui font de nous un chrétien accompli, ayant découvert sa véritable personnalité et l'ayant accompli par la force de son caractère.

Reste un point important : il est inutile de se regarder soi-même et de se demander sans cesse si nous sommes ou non sortis du péché (voyez la formule du Père de Condren successeur du Cardinal de Bérulle à la tête de l'Oratoire de France : "Il faut fuir comme la peste la considération de soi-même et de ses péchés"). Nous sommes mauvais juges de nous-mêmes. Lorsque nous avons compris la profonde absurdité du péché, nous nous en détachons forcément. Au rythme que Dieu veut. Il suffit de ne pas tricher, ni avec nous-mêmes, ni avec Lui.

Il me semble que le Christ nous parle de cette difficulté d'auto-attestation (qui peut produire en nous le découragement, voire le désespoir), lorsqu'il nous dit : "C'est par votre patience que vous possèderez vos âmes". Cette difficulté à saisir notre intérieur n'empêche pas la grâce de rayonner à l'extérieur :"Que votre lumière brille devant les hommes, afin que voyant vos bonnes oeuvres ils glorifient votre père qui est dans les Cieux".

Juste quelques idées. Il faudrait développer.
Amicalement
GT

samedi 19 avril 2008

Qu'est-ce qu'un monstre ?

Le pape est aux Etats-Unis depuis mercredi. Il était très attendu sur le sujet des prêtres pédophiles dans ce pays. Il a rencontré, de manière très médiatisée des victimes d’abus sexuels venant de prêtres : on en a recensé près de 4 000 aux Etats unis, dans les diverses associations. Même en admettant l’exhibitionnisme victimaire de certains, même en reconnaissant qu’un certain nombre d’affaires sont amplifiées pour des raisons financières ou idéologiques, cela fait tout de même beaucoup. C’est trop ! Benoît XVI est venu taper du poing sur la table. Son message sur le sujet tranche avec l’habituelle langue de buis. On va plus loin me semble-t-il que la condamnation de principes.
Pour Benoît XVI, la pédophilie est incompatible avec l’exercice du sacerdoce.
Voici quelques remarques de Benoît XVI sur le sujet, faite au correspondant du quotidien italien La Reppublica dans le Boeing 777 qui emmenait le pape à Washington : « Les prêtres pédophiles doivent être totalement exclus de la prêtrise (…) Notre honte est profonde et nous ferons tout notre possible pour qu'une chose pareille ne se renouvelle jamais plus à l’avenir (…) Il est plus important d’avoir de bons prêtres que d’avoir beaucoup de prêtres (…) Quand je lis les témoignages des victimes, il m’est difficile de comprendre comment il a été possible que des prêtres aient trahi leur mission qui est d’apporter du soulagement, de transmettre l’amour de Dieu à ces enfants (…) Plus jamais de prêtres pédophiles ! ». A ma connaissance, c’est la première fois qu’un pape s’exprime aussi fermement et envisage, pour les coupables, que l’autorité ecclésiastique ait à les exclure de l’exercice de leur ministère presbytéral. En tout cas ce n’était pas la pratique courante de l’Eglise, en France par exemple.
Par ailleurs, l’expression qu’utilise Benoît XVI, « avoir de bons prêtres » évoque un temps que l’on croyait révolu. Je suis persuadé, en effet, que le sacerdoce, ce n’est pas d’abord une question de nombre, mais une question de qualité. Un seul bon prêtre, un saint prêtre peut d’avantage, c’est clair, qu’une armée de curaillons démotivés et démobilisés ! Mais à l’inverse, un scandale pédophile, provenant d’un prêtre peut annuler les efforts de nombreux ouvriers dans la Vigne du Seigneur et stériliser spirituellement, durant plusieurs générations, des familles entières qui se coupent irrémédiablement de l’Eglise. En avançant ce dernier point, je parle en connaissance de cause.
L’Evangile a souligné la malice particulière de ce péché : « Quiconque accueille un petit enfant, c’est moi qu’il accueille. Mais si quelqu’un doit scandaliser l’un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être englouti en pleine mer ».
Et la dignité de l’homme direz-vous ? Qu’en fait le Christ, lorsqu’il promet un châtiment terrible pour ceux qui s’en prennent aux enfants ? La dignité de l’homme n’est pas un acquis définitif et irrévocable. On peut la perdre, à l’occasion d’actes particulièrement monstrueux ou barbares. Autre chose est la nature dans l’homme et autre chose la manière dont elle s’actualise en chacun. La liberté de l’homme est telle qu’il a la possibilité de devenir un monstre.

Faut-il banaliser la pédophilie et la considérer comme un simple péché sexuel ? L’Evangile est inhabituellement sévère à l’égard de celui « qui scandalise un de ces petits ». Cela semble indiquer que dans la véritable pédophilie, il y a autre chose.
Daniel Hamiche, dans son Blog Americatho, distingue pédophilie et éphébophilie. L’éphébophilie est un péché sexuel, qui passe sans doute par un abus de confiance. J’allais dire par un abus de position dominante. Le jeune homme (ou la jeune fille) seront marqués pour la vie. Mais malgré tout, si l’on utilise le langage des psychanalystes, il s’agit d’un destin possible de la pulsion. On reste dans le domaine sexuel.
Que personne n’imagine qu’en ce domaine, il existe des lois intangibles et qu’en quelque sorte la sexualité se régulerait par elle-même ou serait à elle-même sa propre norme. Rien de bon ne peut sortir pour personne de la liberté sexuelle. En particulier, soulignait récemment Aldo Naouri, lorsque les personnes n’ont pas encore trouvé leur naturel. Et le pire est qu’on ne sait pas forcément à l’avance ce qui va en sortir, tout et son contraire, blocages à vie ou prurit incontrôlable, priapisme ou allergie viscérale à la chose.
Ce péché sexuel, l’éphébophilie, revêt une gravité particulière. Il va contre la dignité des personnes, dont certaines restent blessées à vie, mais il n’atteint pas à la gravité de ces crimes sexuels dont notre quotidien bruisse chaque jour alors que se déroule à Charleville-Mézières, le procès Fourniret.
Nous avons tous suivi avec effarement les premières semaines de ce procès qui doit se terminer à la fin du mois de mai. La plus jeune des victimes du tueur en série, Elisabeth Brichet, 12 ans, était belge. Son père a comparé le bourreau de sa fille au Minotaure, auquel on offrait de jeunes vierges. Il y a en effet quelque chose de purement sacrificiel dans l’horrible mise en scène, qui durera deux jours sans que Fourniret ne parvienne à violer sa victime. A cette occasion, Monique Ollivier, compagne du monstre jusque dans ses crimes, a particulièrement été mise en cause, puisqu’elle a assisté son compagnon, allant jusqu’à laver elle-même la petite, qu’elle a préparée pour un viol qui n’eut pas lieu et pour le meurtre. On sait qu’elle a conçu son fils Selim, avec Fourniret, le jour du premier meurtre ou très peu de temps après. Dans la correspondance de 217 lettres (750 pages) par laquelle ils se sont connus, vers 1987, alors qu’il était déjà en prison, il lui disait vouloir « trouver des vierges ». Un mois après sa sortie de prison, c’est elle qui lui amène Isabelle Laville, jeune fille très naïve, qu’ils vont tuer ensemble. Elle dit lors de terribles aveux, obtenus par la police belge en 2004 : « J’avais accepté de le laisser trouver son plaisir là où il le voulait, quitte à sacrifier des gamines ».
On retrouve l’idée du Minotaure. Et du sacrifice. Il me semble que la pédophilie caractérisée est plus qu’un crime sexuel. On parle de camisole chimique, pour ce genre de délinquant. Mais la jouissance de Fourniret n’est pas seulement sexuelle. Il jouit de dominer, d’écraser, de torturer. Et de torturer ce qui est pure. D’avilir. Ses victimes doivent se donner elles-mêmes à lui, alors qu’il a décidé de les tuer. A propos de Marie Ascension par exemple, celle qui s’est évadé après lui avoir fait dire : « Je suis pire que Dutroux », il écrit à son fils Selim en 2005 : « Il est évident que je lui aurais arraché les yeux et les membres vivante, avec une infinie jouissance. Marie incarne une pureté sobre. Je m’en empare… ».

Comment expliquer de tels sommets dans l’horreur ? Il me semble que l’égocentrisme de Fourniret donne quelque chose de proprement infernal à ses mises en scène et comme une image chimiquement pure du péché. Je ne parle pas forcément des péchés du catalogue, je parle du péché comme attitude et comme construction de soi face à Dieu. Comme révolte. Comme haine. Comme amour fou de soi. Saint Augustin le dit dans le De genesi (XI, 8) : « la première racine du péché, c’est que le pécheur jouisse de lui-même » . Le verbe « jouir » (frui) a une grande importance dans la morale augustinienne. Il ne faut pas prendre ce verbe au pied de la lettre, dans son sens français courant. Il est plus fort. Il signifie avant tout « mettre sa fin ultime dans quelque chose » par opposition à « uti », utiliser quelque chose comme moyen. Jouir de soi, c’est bien se consommer en soi, s’adorer soi, se déifier soi : mettre en soi sa fin ultime. Les enquêteurs et même ceux qui assistent simplement au procès Fourniret parlent tous de l’effrayant égocentrisme du personnage. On peut penser que ce Moi divinisé devient une sorte de dieu Moloch qui réclame des victimes dans d’horribles sacrifices humains, pour vérifier son pouvoir. J’ai imaginé aussi, je l’avoue, que lorsque Fourniret exigeait le huis clos durant le procès, il tentait une dernière manœuvre manipulatrice, pour prendre secrètement en otage (affectivement, judiciairement) les parents de celles qu’il avait torturées. Histoire sans doute de se prouver à lui-même que personne n’échappe à son pouvoir.
La monstruosité de Fourniret n’est pas seulement sexuelle. Elle est globale. Elle relève d’une construction patiente du Moi tout entier. Et cette construction, les experts sont formels, n’a rien de pathologique. Fourniret n’est pas un malade que l’on pourrait soigner. Ce qui est profondément déstabilisant, c’est justement sa profonde normalité humaine. Même en prison, refusant de répondre à ses juges, le monstre apparaît comme un homme libre.

Abbé G. de Tanoüarn

------------
Sur le voyage du pape aux Etats-Unis, on peut consulter le Blog de Daniel Hamiche Americatho, qui donne des renseignements précis et des traductions rapides.

mardi 15 avril 2008

Un beau texte de Claudel

parce que j'ai une minute à tuer.
"La perfection et l'efficacité du langage n'ont pas été seulement chez nous l'ambition de quelques raffinés, elles avaient une importance pratique capitale, on ne pouvait trop chérir et soigner le principal instrument de notre politique nationale, qui, au cours d'un débat continuellement ouvert, nous permettait de prendre conscience de notre mission permanente et de nos obligations successives. Ainsi s'est constituée cette attitude permanente du Français devant la vie qui est la discussion. Il est naturellement juriste, son besoin est en tout de rechercher les causes, et, si vous me permettez de jouer sur les mots, aussi de les plaider (puisque le même terme chez nous désigne la raison d'être d'une chose et la discussion devant la Justice à laquelle donne lieu sa propriété). la littérature n'a pas été en France l'expression de quelques esprits exceptionnels, elle a été la nécessité de toute une race, la transaction ininterrompue entre ses différents versants, le moyen d'assimilation de tout problème nouveau qui lui était proposé"
(L'oiseau noir dans le soleil levant)
Dieu sait si le verset claudélien m'en...nuie. Mais quel prosateur ! Ses meilleurs morceaux, on les trouve dans sa correspondance (avec André Suarès par exemple), dans ses livres sur la Bible (malgré un certain flou, dû sans doute à une sorte d'écriture automatique, légitimée par le surréalisme ambiant) ou dans Connaissance de l'Est par exemple...

Note théologique sur les Deschiens

Ce que vous avez pu voir dans le message précédent est de nature à nous faire réfléchir : à partir de quand le catho (prêtre ou non peu importe) se prend-il pour un ringard ? A partir de quand se laisse-t-il habiter par le fantasme du dernier des Mohicans ?

Réponse cruelle : quand il cherche à adapter sa foi, en la faisant rentrer dans le jeu des opinions humaines. Si la foi se met au même rang que les opinions humaines, si elle se détermine selon des critères humains, elle est morte. "Je crois parce que c'est absurde" disait robustement en ce sens Tertullien. C'était vers 190 (ça ne nous rajeunit pas).

Essayons de pousser plus loin : chercher à adapter sa foi, c'est tenter de la rendre crédible. Mais il y a un abîme entre ce qui est crédible et ce qui est simplement vrai. Ce qui est crédible, c'est ce qui me permettra de dire : je crois que je crois. Le premier "je crois" est un "je crois que". Le deuxième "je crois" est forcément un "je crois en". Cela ne sert à rien d'essayer de se dire "Je crois que", ou bien "c'est crédible", alors que ce que l'on attend c'est "Je crois en". Tous les "Je crois que" ne feront pas un "Je crois en". La présomption n'est pas la vérité : c'est soit l'une soit l'autre.

Le drame des cathos qui se sentent ringards, c'est que ce sont justement ceux qui ont tenté d'adapter leur foi. Ils ont confondu présomption ou crédibilité et vérité. Ils payent leur illusion. Leur foi devient éminemment friable, jusqu'à se ramener à une simple "conviction" : la conviction qui est la mienne, en fonction de ce qui me semble crédible.

La théologie thomiste est très précise sur la foi. Dans le De Veritate (14, 8), saint Thomas explique que la foi est surnaturelle et quant à son objet (Dieu tel qu'il est en lui-même, Dieu dans son Mystère personnel) et quant à son mode (l'autorité de Dieu qui nous incline à lui par grâce). Ce qui signifie que jamais l'on ne doit chercher à savoir : est-ce que je crois ? si c'est pour répondre : Je crois que je crois. Le premier Je crois que... est humain (je crois qu'il fera beau demain) ; le deuxième Je crois est divin. Que me reste-t-il à dire ? J'adhère au témoignage de Dieu. "Celui qui croit dans le Fils de Dieu porte en lui le témoignage de Dieu" dit l'apôtre Jean dans sa Première Epître.

Quel est ce témoignage de Dieu ? Essentiellement : Jésus est Seigneur, l'homme Jésus est le Fils de Dieu. L'Eglise primitive a passé des années à expliciter cette idée de la divinité du Messager, que l'on trouve dans le Nouveau Testament comme la pierre de touche du baptême (Acte des Apôtres VIII). Les querelles christologiques ne portent d'ailleurs pas tant sur le fait que le Christ soit un personnage divin, mais sur la manière dont on doit le comprendre.

Ce témoignage de Dieu, c'est le dogme de l'Eglise qui le présente à notre intelligence. Je ne peux pas vérifier que j'ai la foi en me demandant si je crois que je crois. Mais je peux vérifier que j'ai la foi, c'est-à-dire je peux vérifier que Dieu, vérité première, est à la foi l'objet absolument simple de mon intelligence et le moyen par lequel elle se rapporte à lui, dans la mesure où je porte en moi le témoignage de Dieu. La foi dans sa formulation dogmatioque est en quelque sorte la démonstration de l'authenticité de l'adhésion surnaturelle de l'intelligence.

On le vérifie dans la liturgie du baptême d'adulte, au cours des fameux scrutins. On questionne le futur baptisé sur sa foi. On ne le questionne pas sur les aspects les plus faciles de la foi (par exemple sur les valeurs porteuses de la foi comme la charité etc.) Non, on le questionne sur... le plus dur, c'est-à-dire sur ce qui est surhumain dans la foi : la Trinité, un seul Dieu en trois personnes. Si tu crois l'incroyable, c'est que tu ne te fixes pas à ton propre sentiment mais que tu adhères au témoignage de Dieu. Le dogme de la divinité du Christ, le dogme de la Trinité dans l'Unique Substance divine et tous les dogmes que nous professons dans le Credo marque la vérification objective de notre adhésion parfaitement simple à la vérité première qui nous attire à elle. Rien de subjectif dans la foi lorsqu'elle jaillit au coeur. C'est toute la subjectivité dont s'entoure fatalement au fur et à mesure des années cette foi primale qui est sans cesse menacée de ringardisation.

En revanche, l'adhésion au témoignage de Dieu, tel qu'il est formulé dans le dogme de l'Eglise catholique, crée en nous une connaissance nouvelle, un amour nouveau, une liberté nouvelle et pour tout dire : une spontanéité nouvelle marque d'une destinée nouvelle. Loin de nous cantonner à l'irrationnel, la foi est une rationnalité supérieure. Elle nous grandit, nous rend plus fort, plus intelligent, plus aimant...

L'évidence chrétienne, que j'essayais de définir dans un livre paru en 2005, elle est d'abord le signe en nous de cette grâce surnaturelle qui est au dessus de toute définition : nativement invérifiable. Elle est ensuite, pour ceux qui nous regardent, la manifestation active de cette foi dans la vie. "C'est à cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, dit Jésus, si vous vous aimez les uns les autres de charité" (Jean XIII, 35). Le verbe utilisé en grec : gnosontai, renvoie à une connaissance vérifiable.

Si vous ne voulez pas une carte d'abonné à Catholic park, si vous ne voulez pas du syndrome Deschiens, il suffit de vivre de la foi... dans la charité, car alors "Tous connaîtront..."

Si vous voulez être sûr de votre foi, sans rentrer dans la spirale infernale et destructrice du Je crois que je crois, vérifiez que vous adhérez non pas à une formulation parmi d'autre de la foi, simple conviction communautaire, projection subjective, kathexis pour un désir en manque d'objet ; mais au contraire que vous adhérez à cette formulation qui, grâce au témoignage de l'Eglise tout au long de son histoire, peut effectivement être appelé le témoignage de Dieu. Le dogme, enseigné par l'autorité de l'Eglise, n'est rien d'autre que la re-présentation ou l'objectivation de la foi, se disant elle-même à l'intelligence humaine. La foi en elle-même est adhésion simple et inconditionnelle à la vérité première qui est Dieu. Mais elle se vérifie en s'objectivant dans les dogmes qui forment l'enseignement de l'Eglise, portant jusqu'à nous, inchangé dans son jaillissement, explicité dans sa formulation, passé au creuset des doutes et des espoirs de l'homme sans variation substantielle, le témoignage de Dieu.

samedi 12 avril 2008

Les cathos : conviction ou témoignage

Henri Tincq, le catho de service au quotidien Le Monde depuis des lustres vient de publier un livre prophétisant le retour des Cathos. Il n'en fallait pas plus à L'Express pour proposer un dossier bien troussé sur ce thème.

On sent quelque chose. Comme un frémissement. Avec son habituelle acribie Ernest Antoine Seillière, ancien président du Medef, a bien défini ce qui se passe : "Quand on est catholique et que l'on respecte les règles de la laïcité, on doit pouvoir le faire savoir, sans que cela soit perçu comme une atteinte aux principes républicains. L'expression de sa foi n'est pas une mode et le fait que Nicolas Sarkozy évoque le religieux est intéressant, car il estime que cela diffuse quelque chose qui 'est pas défavorable à la République. Cela n'a absolument rien à voir avec un phénomène à l'américaine. Il y a dans la société une aspiration profonde à la spiritualité qu'il est difficile de nier"

Inutile de crier victoire cependant. Les chiffres sont toujours en baisse. Il y a eu 344.852 baptêmes en 2006. Il y en avait 421.295 en 1996. Aujourd'hui 32,5% des jeunes époux se marient à l'église. Il y en avait 41,4 en 1999. Pas de quoi faire cocorico.

Mais indéniablement cela dit, le vieil anticléricalisme s'essouffle. il n'a plus rien à proposer. Un signe ? L'interview croisée, dans Valeurs Actuelles d'il y a trois semaines, de Alain Bauer, ancien Grand Maître du Grand Orient et de Thibaut Collin, (co-auteur du livre de Nicolas Sarkozy sur la République, les religions, l'espérance). Leur face à face était presque consensuel et ce consensus loin d'être anticlérical ! J'ai senti là quelque chose de vraiment inédit. L'outrance des attaques contre le christianisme (dernièrement avec le Da Vinci Code et un tueur fou appartenant soi disant à l'Opus Dei) finit par suggérer, contre la foi, beaucoup de mauvaise foi.

On sent bien - et L'Express a raison de le souligner - que l'heure est à un retour des Cathos. Mais quel retour ?

Interprétant les signes des temps, Mgr Dagens, évêque d'Angoulême et dont on sait qu'il est candidat non déclaré à l'Académie française, vient de publier aux éditions du Cerf Méditation sur l'Eglise catholique en France. Lui croit à ce qu'il appelle "une communauté de conviction". On sait que ce mot de conviction, depuis le sociologue Max Weber, est un mot chargé, qui légitime l'utopie en politique. Il me semble que si les cathos réduisent leur revival à cette représentation sociale d'une utopie politique, emballée de bons sentiments et flirtant sans complexe avec toutes les contradictions au nom de la générosité (oui à l'immigration, non à l'avortement), ce coming-back risque fort de ne pas nous mener très loin. Il s'agirait au fond sans le dire de continuer, au nom de l'Utopie (Ah ! le joli mois de Mai, il y a quarante ans), la politique préconisée dans les années Soixante dix par le pape Paul VI dans sa Lettre au cardinal Roy (Octogesimo adveniens). Cela signifierait surtout que l'on s'efforcera chez les cathos de donner à une extrême gauche, en pleine inflation verbale, une sorte de crédibilité spirituelle ou évangélique.

Conviction ? un mot malheureux, qui en cache un autre, qui est d'origine celui-là, le mot témoignage. Les chiffres sont là, je les rappelais tout à l'heure. Nous sommes passés d'un christianisme de chrétienté à un christianisme de témoignage. Un christianisme minoritaire, mais qui n'en est pas moins attirant. Un christianisme qui retrouve petit à petit à l'instigation d'un certain Benoît XVI le sens et le goût de la vérité.

Le témoignage chrétien (je ne parle pas forcément de la revue du même nom) se porte de mieux en mieux, c'est un fait. Les gens ont besoin d'extérioriser une foi, et pas simplement à travers la pratique dominicale, vécue souvent comme décevante. Ce n'est pas un hasard si l'on compte cinq millions de personnes en plus sur les lieux de pèlerinage français en deux ans.

"J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé" dit le Psaume. Ce témoignage nouveau prend deux formes spécifiques, deux formes que l'on n'attendait pas forcément : une forme culturelle et une forme liturgique.

Culturels sont les coming out de plus en plus fréquents du style de celui que Jean Claude Guillebaud, éditorialiste au Nouvel Observateur, qui a signé récemment chez Albin Michel : Comment je suis redevenu chrétien. Tirage : 50 000 exemplaires. C'est beaucoup pour un essai qui n'a rien de particulièrement attractif. Intellectuellement, Guillebaud, entre Jacques Ellul et René Girard, n'a pas fait dans les concessions. Mais son texte tente de montrer un christianisme séduisant. Il en va un peu de même du curieux livre de Julia Kristeva que je suis en train de lire et sur lequel je reviendrai : Thérèse mon amour. Cette apologie pour Thérèse d'Avila, au nom du féminisme et de la jouissance, est assez étonnante. Elle provient d'une psychanalyste célèbre. Mais on n'y discerne plus le réductionnisme matérialiste freudien, déchiffrable dans L'avenir d'une illusion. Oh ! Thérèse mon amour n'est pas une profession de foi à mettre dans toutes les mains. Mais il me semble qu'après Cet incroyable besoin de croire, l'auteur veut exprimer publiquement un sentiment nouveau vis à vis du christianisme, sentiment de plus en plus partagé : quelque chose comme une attente.

Je crois qu'il faut ajouter à ce témoignage culturel un témoignage liturgique. De plus en plus on ressent la nécessité de "prier sur de la beauté" comme disait saint Pie X. Le retour de la liturgie traditionnelle, initiée par Benoît XVI le 7 juillet 2007 par le Motu proprio Summorum pontificum pourrait bien avoir une grande importance dans l'affirmation d'un christianisme qui n'est pas seulement un christianisme de convictions à la carte, toutes proférées dans le ciel de l'utopie humaniste, mais un christianisme, qui, s'acceptant minoritaire, se veut et se voudra, sereinement, un christianisme du témoignage.

dimanche 6 avril 2008

Bon Pasteur

Nous fêtons aujourd'hui l'Institut du Bon Pasteur, en lisant le texte magnifique et inépuisable du chapitre 10 de saint Jean.

Je ne résiste pas à vous faire part d'une idée sur les premiers mots de l'Evangile : Je suis le bon Pasteur. Texte grec : Je suis le Pasteur, le bon (ho kalos : "le beau").

L'adjectif a trois sens :

1- Kalos, en grec, signifie le bien en soi par opposition à agathos (le bien utilitaire) : le geste du Beau Pasteur qui met sa vie en jeu pour ses brebis est beau en soi. Toute beauté vraiment humaine vient désormais (depuis la geste de la Croix) de cette capacité à mettre sa vie en jeu, à mettre quelque chose au dessus de sa vie, à reconnaître quelque chose qui est plus beau que sa vie.

2- Mais il faut préciser que cette beauté du Pasteur ne relève pas de l'esthétique. Encore moins de la cosmétique. Le Christ compare longuement le Bon Pasteur et le mercenaire. Le mercenaire, c'est celui qui agit selon l'esprit du monde : autant qu'il est payé. Mais, note le Christ, celui-la n'est pas efficace : Voit-il venir le loup il s'enfuit. Le Bon Pasteur, nous l'avons dit, est celui qui est magnifique dans son geste, mettant en jeu jusqu'à sa vie. Mais c'est aussi le meilleur dans son métier. Parce qu'il a le sens du service, il est le bon numéro, celui qu'il faut choisir plutôt que le mercenaire pour le bien du troupeau. De la même façon, celui qui vit selon l'esprit chrétien, selon l'esprit de service, sera bon : bon dans sa vie familiale, bon dans sa vie professionnelle etc. Parce qu'il est toujours celui qui se dépasse. Nous avons un peu tendance à oublier l'efficacité de la morale chrétienne.

3-La position de l'adjectif et la répétition en grec de l'article défini : "le pasteur, le beau", cette construction insistante fait penser que le Christ oppose le vrai Pasteur (le Pasteur, le bon, il n'y en a pas d'autres) à tous ceux qui se prennent pour des Pasteurs et qui ne sont que des brigands, toujours prêt à sacrifier leurs brebis au lieu de les protéger... Etre chrétien, ce n'est pas prendre la foi en option dans une vie multidirectionnelle, c'est être capable de reconnaître le pasteur, le bon, par opposition à tous les autres !

samedi 5 avril 2008

Mère Teresa et l’abbé Pierre

Jusqu’à maintenant, vous n’aviez pas la possibilité de mettre des messages. Je vais donc faire un peu les demandes et les réponses. En principe – excusez le blogueur novice que je suis – vous pourrez dorénavant intervenir si vous le souhaitez, et je me ferai un plaisir et/ou un devoir de vous répondre.

Avez-vous lu le livre posthume de Mère Teresa ? J’en parlais récemment avec l’un de mes vicaires, habituellement très branché sur les mystiques. Il a fait la grimace. Teresa n’a pas bonne réputation.

Je crois que nous autres Français, on en fait un peu trop facilement le pendant féminin de l’abbé Pierre. Ce rôle de parèdre spirituel du fondateur d’Emmaüs existe, mais c’est au Caire qu’il faut aller en chercher l’emblème. Sœur Emmanuelle (avec ses chiffonniers) ressemble spirituellement comme deux gouttes d’eau à notre vedette du Top 50 des personnalités préférées des Français. Je ne dis pas qu’ils n’ont pas l’un et l’autre leurs qualités. Mais enfin, ils sont l’un et l’autre les vedettes d’un christianisme humanitaire, en harmonie avec l’individualisme démocratique partout régnant. Leur action en faveur des pauvres est belle sans doute ; mais leur message est en syntonie avec l’idéologie des droits de l’homme, « Emmaüs constituant, par la volonté de son fondateur, le préliminaire et le complément de toutes luttes pour la justice ».

L’abbé Pierre, de l’avis de ses nombreux biographes (dernièrement Bernard Violet) représente le type de chrétien qui a transposé le spirituel dans l’ordre temporel, ce que Maritain appelait la temporalisation du Royaume de Dieu. Son projet spirituel, axé sur l’avènement de la justice, est essentiellement politique. Comme le dit Hervé Le Ru, qui fut l’un de ses compagnons de route, « il a réalisé la conjonction entre le socialisme utopique et un messianisme religieux qui traverse l’histoire ».

Tout autre est la perspective de Mère Teresa, dans les bidonvilles de Calcutta.

L’une de ses dernières paroles, surprise par une sœur qui ne voulait pas être indiscrète, reflète bien sa démarche essentiellement mystique : « Jésus, je ne vous ai jamais rien refusé ». Il n’y a ques les saintes qui osent parler ainsi. On pense à sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, son homonyme, qu’elle priait souvent, et dont elle disait qu’elle était “imbattable” pour obtenir des grâces du Ciel. Elle avait la même ambition spirituelle, notre sainte française, qui voulait que Jésus la préfère, elle, à sainte Marie-Madeleine en personne. Sublime exclusivisme féminin. On le retrouve chez Mère Teresa. Dans toute sa vie.

Car ses dernières paroles ne relèvent pas de l’improvisation ou de je ne sais quelle inspiration du moment – ça serait typique du sentimentalisme et non d’une vraie mystique. Depuis sa jeunesse, elle aspire à se donner toute, à ne rien garder pour elle. Elle était encore sœur de la Congrégation de Lorette, lorsqu’elle fit le vœu de « donner à Dieu tout ce qu’Il pourrait lui demander », de « ne rien lui refuser ». Et elle choisissait d’avoir à répondre de cela devant Lui, toujours « sous peine de péché mortel ». Folie merveilleuse des saints. Lequel des détracteurs pisse-vinaigre de Mère Teresa aujourd’hui est capable de ce prodigieux, de ce terrible élan d’amour ? Un élan qui a duré toute sa vie, depuis sa jeunesse, où elle quitte son pays, l’Albanie, pour le Bengale, jusqu’à ses derniers moments, où elle est une célébrité mondiale, « la femme la plus puissante de l’univers », comme lui dit Javier Perez de Cuellar, secrétaire général des Nations-Unies, en la recevant au cours d’une assemblée générale de l’Organisation en 1984.

Dans le secret de son cœur, elle n’était que l’humble servante de Jésus qu’elle avait toujours voulu être, traversant depuis 1948 une terrible aridité spirituelle. Voici, à ce sujet, qui a fait couler beaucoup d’encre, le témoignage récent de Mgr Curlin : « Elle me répéta plusieurs fois : Quel merveilleux don de la part de Dieu, de me permettre de lui offrir le vide que je ressens. Je suis si heureuse de lui faire ce don ». On pense là encore à la nuit que traversa Thérèse de Lisieux, laissant échapper, parmi ses ultima verba : « Il est des moments où j’ai douté que le Ciel s’ouvre pour moi, où j’ai douté qu’il y ait un Ciel ».

Ce vide rend-il Mère Teresa plus tiède ou moins fervente ? C’est tout le contraire. Voici par exemple le conseil qu’elle donne à un jeune prêtre en 1996 : « Première chose le matin : embrassez le crucifix. Offrez lui tout ce que vous direz, ferez ou penserez durant la journée. Aimez-le d’un amour profond, personnel et intime, et vous deviendrez un saint prêtre ».

Ce qui frappe, c’est le caractère profondément traditionnel de cette piété, fondée sur le sacrifice et l’offrande de soi. Comme l’écrit Mgr di Falco, dans le livre qu’il lui a consacré : « Elle est indéniablement plus proche des positions de Mgr Lefebvre que des hardiesses théologiques de Hans Küng ». C’est un euphémisme !

Mais alors comment expliquer sa présence publique à Assise, lors du Sommet interreligieux d’octobre 1986 ? Une seule chose est claire : cela n’a jamais signifié pour elle une forme quelconque de relativisme spirituel. Ainsi écrit-elle à une religieuse : « Priez – je dois être capable de ne donner que Jésus au monde ».

Et ensuite, face à la tentation de temporaliser le Royaume de Dieu, en ne faisant que de l’humanitaire, elle poursuit : « Les gens ont faim de Dieu. Quelle terrible rencontre ce serait avec notre prochain, si nous ne lui donnions que nous-mêmes ! »
Nous sommes très loin ainsi du socialisme utopique de l’abbé Pierre. Des formules comme celle-la, on les trouve par dizaines dans les Ecrits intimes de Mère Teresa, qui viennent de paraître en français.

On peut récuser tel ou tel geste de Mère Teresa. Facile pour qui n’a pas été à sa place. Mais sa doctrine est profondément catholique. Et sa vie, pleine de constance dans le don de soi, apparaît comme un chef d’œuvre que la grâce divine réservait à notre époque.

On peut se laisser égarer sur son compte par tel ou tel de ses thuriféraires. Mais il suffit de considérer la vie que mènent les quelque 5000 femmes qui dans le monde ont voulu vivre de la règle qu’elle a donnée et porter, dans les endroits les plus déshérités du Globe, ce titre de “Missionnaires de la Charité”, dont elle a voulu revêtir ses sœurs.

Quelques mois après avoir ouvert un des premiers Centres au monde pour soigner le sida, elle a eu ce mot, qui est un mot de missionnaire : « Aucun n’est mort sans Jésus ».

mercredi 2 avril 2008

La fontaine est plus claire qu'on ne le dit

La critique est désastreuse, à droite (Valeurs actuelles) comme à gauche (Le Monde, Télérama), mais il faut aller voir le premier film de Philippe Claudel Il y a longtemps que je t'aime. Lorsque son homonyme Paul avait fait représenter le Soulier de satin, les mauvaises langues commentèrent : heureusement qu'il n'a pas mis la paire.

Rien de tel à craindre avec son homonyme Philippe (dont je me suis laissé dire par un Lorrain qu'il était originaire du même village en Lorraine que Paul, que Camille et que tous les Claudels du monde). Qui a lu La petite fille de Monsieur Linh sait quelle émotion intense Philippe Claudel sait mettre dans des textes denses. Sans jamais tirer à la ligne.

Si j'en parle sur ce Blog, ce n'est pas seulement parce que je l'aime (ce qui après tout ne regarderait que moi), c'est parce qu'il me semble que la critique a fait une belle erreur sur le sujet de son film. Il y a longtemps que je t'aime, c'est l'histoire de deux soeurs Léa et Juliette, (Elsa Zylberstein et Kristin Scott Thomas) qui se retrouvent, alors que l'une des deux vient de faire quinze ans de taule pour le meurtre de son fils. La critique imbue de correctness imagine immédiatement que la question est de savoir si cette femme (Kristin, Juliette dans le film) n'était pas quand même un peu innocente, si sa culpabilité n'était pas amoindrie par un état pulsionnel particulier, si on pouvait vraiment accuser de meurtre une mère etc. (je ne vous en dis pas plus, il faut que vous alliez voir) Bref, Télérama et Le Monde critiquent vertement Claudel, parce qu'il ne traite pas bien ce fait divers, qu'il ne l'exploite pas jusqu'au bout comme fait divers.

L'auteur, en même temps que son film, a publié un livre, où il s'explique par avance : Petite fabrique des rêves et des réalités. Il nous dit clairement que le fait divers ne l'intéresse pas. C'est un prétexte. Le vrai sujet n'est pas : les quinze ans de tôle de Juliette. Ce n'est pas cette culpabilité là (juridique, humaine) qui intéresse Claudel. Dans l'abécédaire qu'il a composé l'article culpabilité est intéressant. Pour lui les coupables ne sont pas forcément ceux que désigne la Justice. Les parents qui renient leur fille et font comme si elle n'avait jamais existé sont à tout prendre aussi coupables que celle qui prépare l'injection mortelle pour son fils. Claudel romancier est comme Dieu, sondant les reins et les coeurs. C'est cette Justice, justice du romancier créateur de ses personnage, justice de créateur, justice divine sans le nom, à laquelle il en appelle.

Au fond, le message de Claudel, c'est : on est tous coupable. Et cela ne signifie pas que personne n'est coupable et que tout est bien, qu'on est tous innocent. Les âmes grises pouvaient encore laisser penser que tous coupables était un équivalent de tous innocent. Dans Il y a longtemps que je t'aime, la question explicitement évoquée lors d'une scène sur les romans de Dostoievski, c'est celle d'une rédemption possible pour le personnage principal. Juliette va-t-elle se sortir de son marasme et de sa culpabilité ?

Car le vrai problème est ce marasme, qui l'a d'ailleurs certainement conduite au crime : cette Juliette, depuis le début de son histoire (depuis son divorce) est en quelque sorte absente à elle-même. Le drame de cette histoire est celui de cette absence, de la culpabilité qu'éprouve Juliette, parce que, comme on le découvre petit à petit, elle s'est littéralement réfugiée dans sa solitude. Divorce, premier traumatisme. Maladie mortelle de son enfant, deuxième traumatisme. Cet enfant, elle l'aime à a folie. Elle va le perdre, elle est médecin, elle sait que c'est inéluctable. En le tuant, elle se suicide (moralement) elle-même. Jugement. Elle ne dit pas un mot pour se défendre. Puis c'est la prison, 15 ans, l'isolement profond de quinze ans sans une visite, la mort civile, tout cela, elle l'a voulu : que restait-il d'autre pour elle ? Comment pouvait-elle vivre autrement son absence à elle-même ? C'était ça ou la mort, ça comme une espèce de mort.

C'est sa soeur, c'est l'amour de sa soeur Léa (Elsa), c'est l'intérêt que lui porte Michel qui lui permettront de revenir à elle-même, de se retrouver. J'allais dire : de se convertir à la vie. Les deux scènes finales montrent cette conversion. Ce film Il y a longtemps que je t'aime n'est pas un film socio, sur les méfaits de la prison et sur l'innocence des coupables. Comme l'indique son titre, c'est un film sur l'amour. L'amour de Dieu ? Pas explicitement certes. Mais l'amour de l'autre, la nécessaire conversion à l'autre pour se trouver soi. Rien de très à la mode autant dire.

Quelque chose qui a à voir avec ce que Chesterton appelait L'homme éternel. Le film de Claudel, si on veut bien le comprendre comme il est, nous redit une très vieille vérité, une de celles qui font que l'homme est l'homme, une de celles que l'on voudrait oublier.

mardi 1 avril 2008

Lettre à nos Amis - n°8 - Avril 2008

Que de choses se sont passées depuis ma dernière lettre du mois de septembre.

Des ordinations d’abord, sacerdotales et diaconales. Je me permets de vous offrir un souvenir en images des dernières ordinations du 23 février à Rome. Nous avons été reçus à Saint-Jean-de-Latran, la cathédrale du pape. Mgr de Magistris, archevêque de Nova, a présidé avec toute la pompe romaine, mais non sans émotion, cette cérémonie : pour la première fois depuis quarante ans, la forme classique du rite romain était officiellement célébrée en ces lieux. M. l’abbé Berche, qui nous a suivi depuis le début de l’aventure du Centre Saint-Paul, a ainsi reçu le diaconat dans des conditions exceptionnelles. Combien nous devons au Bon Dieu d’actions de grâce. Notre confiance, manifestement, nous ne la Lui avons pas donnée en vain. Pendant la réception qui suivit, dans les locaux du Vicariat, j’ai eu l’occasion de dire la gratitude qui déborde de notre cœur.

Notre troisième année d’existence se passe sans anicroche. Nous avons eu la grâce, encore cette année, de baptiser deux adultes à Pâques, ce qui a représenté un beau point d’orgue pour une Semaine Sainte qui fut particulièrement suivie. Mention spéciale, si j’ose dire, pour le chemin de croix, prêché cette année – avec quelle force de conviction et quelle sobriété – par l’abbé René-Sébastien Fournié. Vous le trouverez avec beaucoup d’autres choses sur notre site internet du Centre Saint Paul, http://cccsp.free.fr. Je me permets de vous signaler également que j’ai ouvert un blog, (Metablog à l’adresse http://ab2t.blogspot.com, accessible depuis le site du Centre) où j’aborde sans tabous ni frontières toutes les questions que me suggère l’occasion donnée d’en parler… à la lumière de la théologie. C’est aussi une manière de vous retrouver pour un dialogue virtuel puisque chacun peut y déposer sa contribution écrite. Il me semble que nous tenons là un excellent instrument d’apostolat.

Mais le virtuel ne suffit pas ! Et c’est pour cela que nous organisons, sous la houlette discrète et sûre de M. l’abbé Belon en G.O., une première excursion, avec tous les amis qui le souhaitent. Venez donc avec nous à Vézelay le 24 mai prochain. Pour découvrir ce lieu saint unique en France. Pour parler. Pour se retrouver dans une ambiance amicale. Pour célébrer une messe d’action de grâce. Nous devons chanter sans nous lasser les miséricordes du Seigneur et L’implorer pour qu’Il nous maintienne dans l’espérance. Cela fera trois ans, en ce mois de mai, que nous sommes arrivés rue Saint-Joseph. Trois ans de grâce. Trois ans d’épreuve aussi durant lesquels votre générosité à notre égard ne s’est jamais démentie.

Merci pour tout ! Alors que les grandes vacances arrivent – avec sur Paris la léthargie de l’été – je tends à nouveau la main, sûr de pouvoir compter sur votre soutien et votre amitié.

Je vous bénis.

Abbé Guillaume de Tanoüarn +


Instructif :

« Selon la vue de certains penseurs catholiques – auxquels je m’oppose – la religion catholique, après avoir duré vingt siècles, va changer dans sa substance. Le “catholicisme” d’avant Jean XXIII est révolu… Va lui succéder une religion plus vaste, plus universelle, plus englobante, qu’on appellera l’œcuménisme. Une religion dans laquelle les protestants, les catholiques, les orthodoxes, les incroyants eux-mêmes seront rassemblés sous la fédération d’un pasteur unique, qui ne sera plus le pape autoritaire des anciens temps, mais un pape fédérateur ».

Jean GUITTON, Un siècle, une vie, 1988, p. 398

Ce que je pense de la FSSPX

Puisqu'on m'accuse de faire de mon Blog un crachoir (sic), au motif que j'ose une allusion à la déclaration d'un membre de la FSSPX, je voudrais m'expliquer ici une bonne fois sur ce que je pense de la FSSPX.
L'Eglise universelle est en train de se réapproprier les richesses de sa Tradition millénaire. Dans les années Soixante dix, un très petit nombre de personnes avaient été capables de réagir contre le grand bradage de la Révolution culturelle post-conciliaire. Mgr Lefebvre fut le seul à organiser un rempart contre la dissolution du christianisme. C'est lui qui a donné le signal de la résistance comme le note d'ailleurs un certain cardinal Ratzinger dans un Discours à Santiago du Chili en juillet 1988 (la date n'est pas innocente). Je ne crois pas qu'il n'en ait jamais eu le monopole cependant.
Mais la Fraternité Saint Pie X qu'il a fondée demeure dans le monde entier un prodigieux instrument pour former les jeunes, pour transmettre la connaissance de ce savoir de la Tradition qui se perd s'il n'est pas transmis. J'ajoute que, aujourd'hui comme hier, si l'instrument est si efficace, c'est parce qu'il n'est pas lié à la hiérarchie catholique officielle, dont on a vu avec quel enthousiasme elle reçoit le motu proprio Summorum pontificum.
La surnature a horreur du vide : lorsque les évêques ne prennent pas au sérieux leur mission de Pasteur, le Saint Esprit suscite une suppléance, ce que Mgr Lefebvre appelait l'Opération Survie de la Tradition. Cette mission de suppléance n'est certainement pas terminée.
Mais il s'agit de comprendre les conditions nouvelles dans lesquelles ici ou là elle doit s'exercer. Je ne veux pas dire que la FSSPX a intérêt à signer d'urgence avec Rome. Signer quoi ? Pour aller où ? Il ne faudrait pas compromettre le rempart par légèreté rallieuse.
Mais ce que je crois, c'est que la FSSPX doit comprendre qu'elle n'est pas toute seule, qu'autour d'elle la situation change, que beaucoup, à la suite de Benoît XVI dont il est impossible de sous estimer l'intelligence, s'engagent dans un combat qui n'est pas moins honorable que le sien. Lorsque l'abbé Anglès refuse l'évolution de la Prière pour les juifs décidée par le pape, au motif qu'il ne faut pas aggraver le désordre, il refuse de prendre en considération ce combat qui existe autour de lui.
Cajétan expliquait que le constitutif formel de l'appartenance à l'Eglise, c'est le fait d'agir comme une partie du tout. il faut que la FSSPX, au lieu de se replier sur son propre combat, sache agir comme une partie dans l'Eglise. Sans se prendre pour le tout.
Sa partition n'est pas la plus facile à jouer. Des décisions importantes devront être prises, qui supposent des réflexions nouvelles, en fonction des textes récemment publiés. Mais cette partie, qui est la sienne, il faut qu'elle la joue. Il faut qu'elle la joue comme une partie, seulement comme une partie, avec toujours un grand respect pour la tête que le Christ a choisie pour son Eglise.
La situation peut changer de nouveau. L'essentiel est de savoir rester dans le présent de l'Eglise, sans se cantonner au passé (la guerre de 70) et sans se projeter trop vite d'une manière ou d'une autre dans l'avenir. Ce défi de la présence à l'Eglise, il nous est jeté, à chacun d'entre nous. Je prie de tout coeur pour que, au bénéfice de tous les chrétiens du monde, la FSSPX sache jouer sa partie aujourd'hui.